C'est calme, en ce moment

Un texte fort intéressant sur lequel je suis tombé récemment, publié par la HAS et qui parle (discussion générale, pas limitée à la neurologie ni encore moins à la sep) de l'annonce d'un diagnostic déplaisant et suggère aux praticiens la moins mauvaise façon de se comporter.
On trouvera ça ici : https://www.has-sante.fr/upload/docs/ap ... lle_vf.pdf.
Je me suis toujours efforcé de "me mettre à la place de l'autre", ça m'aide à ne pas me sentir trop largué ; ici l'autre est donc évidemment le cher neurologue qui m'a annoncé le diagnostic, mais aussi et surtout, avant cette annonce, la cheffe du service de médecine interne de Boucicaut (hôpital parisien défunt qui m'avait préparé avant de m'envoyer à la Salpé), ou encore la jeune carabine qui, lors d'une visite de ma chambre par le grand professeur suivi de tous ses pioupious dont elle, m'avait décoché un long regard embué, accompagné d'un sourire triste, le tout empli de désespoir russe (façon Tourgueniev) et de compassion dégoulinante -- communication non verbale qui m'avait très clairement transmis l'unique message que je ne sortirais pas vivant de cet hôpital.
Forcément, en tant que patient qui ne savait pas ce qu'il avait, à une époque où il n'y avait pour ainsi dire pas d'internet et confronté à des toubibs qui feignaient de ne pas le savoir non plus, bah j'étais à l'écoute du moindre signal qui pouvait me mettre sur la voie. C'était d'ailleurs cette attention exacerbée qui m'avait conduit à mon diagnostic : premier temps quand j'avais lu (par erreur d'une infirmière) que le compte-rendu de mon scanner parlait d'une "forte suspicion de SEP" (sauf que je n'avais aucune idée de ce que sep pouvait signifier : je supposais que le S pouvait signifier syndrome), deuxième temps quand j'avais fait mon checkout de Boucicaut et que la secrétaire des admissions m'avait (par erreur aussi ?) tendu un formulaire de demande d'ALD, "ah oui, j'oubliais, vous allez avoir besoin de ça", ...


Globalement j'avais trouvé que toutes les personnes qui s'étaient occupées de moi avaient été dévouées, gentilles, attentionnées, humaines. Et il se trouve justement que l'erreur est humaine. J'aurais pu mettre les pieds dans le plat (chose que j'ai toujours très bien su faire : il faut dire les choses !), mais ça aurait risqué de mettre un certain nombre de personnes en porte-à-faux, voire même d'obérer leur carrière, et ça n'aurait rien changé à ce diagnostic que je venais de découvrir : j'aurais juste fait preuve de méchanceté gratuite envers des gens qui ne le méritaient certainement pas. J'ai tout de même posé la question, en tendant le papier qui venait de m'être donné : "on vient de me donner ça, je ne sais pas ce que je dois en faire ?" "oh c'est juste pour de l'administratif, on ne sait jamais, gardez-le avec vous, ça pourra vous permettre de ne pas avoir à payer quand vous serez à la Salpêtrière."

Une ou deux semaines plus tard, je suis reçu en consultation à la Salpé, ma toute première fois avec Gout. Qui, après avoir passé un long moment à lire mon dossier en silence, finit par relever les yeux et me regarder : "vous a-t-on déjà parlé de la sclérose en plaques ?" Si j'avais répondu "non, mais en fait un peu quand même...", cela aurait fait peser le même risque que précédemment, d'un vain coup de pied dans la fourmilière, donc on va se la jouer militaire (de facto, personne ne m'en avait jamais parlé) et donc... "non !"
Quand j'ai finalement, encore une ou deux semaines et quelques examens inutiles plus tard (Gout voulait certainement laisser un temps de digestion entre sa question et l'annonce du diagnostic), obtenu mon diagnostic officiel, j'ai envoyé un courrier à la cheffe de service de Boucicaut pour la tenir au courant, la remercier vivement, elle et ses équipes, de tout ce qu'elle avait fait pour moi (elle s'était par exemple systématiquement arrangée pour me mettre en chambre individuelle, ce qui dans un service de médecine interne n'a pas de prix...), et juste glisser la phrase que j'aurais préféré que ce soit elle-même qui me donne le diagnostic.
Bah

A bientôt,
Jean-Philippe