SaluLéa(Rosy),
Rosy24 a écrit :Alors il paraît que finalement je ne suis pas si asymptomatique que ça. Les petits fourmillement que j’ai ressentis dans la cheville droite trois fois en 2 ans pendant quelques semaines la première fois et quelques jours les suivantes seraient des poussées.
C'est une possibilité, en effet. Ne reste-t-il pas que tu en as totalement récupéré ? Le "trois fois en deux ans" doit à mon avis être considérablement nuancé : quand un vieux symptôme se réveille, il peut tout à fait s'agir, c'est d'ailleurs le cas le plus fréquent, d'une simple réminiscence, sans inflammation (et si pas d'inflammation, alors pas de poussée), en particulier si ça ne dure que "quelques jours" seulement -- "quelques jours", ça fait tout de même un peu court, pour une poussée.
elle m’a coupé la parole plusieurs fois en me disant “on ne sait pas” “on ne sait pas” “on ne sait pas, une poussée peut arriver demain”.
C'est tout à fait vrai

: "on ne sait pas". Elle pas plus toi ni que quiconque : personne ne sait. Mais si elle est si ignorante que ça, d'où diable tient-elle donc sa conviction que le traitement sera efficace dans ton cas ?
Si ce que tu as connu était des poussées, ou une seule..., tu sais donc ce que tu peux poser sur le premier plateau de la balance -- et encore : ce qu'annonce faire le diméthyle fumarate, ce n'est pas annuler le risque de connaître des poussées, c'est simplement en réduire la fréquence (environ de moitié, plus ou moins) au cours des deux premières années du traitement (au delà, ça n'a pas été testé dans une étude de phase III). Autrement dit, un sépien qui, sans traitement, devrait connaître deux poussées en deux ans, n'en connaîtra plus qu'une s'il prend du Tecfidera. En moyenne : tu n'as
aucune garantie d'efficacité individuelle, d'ailleurs lors des études de phase III, il est systématique (pas "très courant" : systématique) que certains patients du bras placebo connaissent des poussées moins fréquentes que certains patients du bras "traitement actif". Il reste qu'en moyenne, les patients du bras "traitement actif" connaîtront environ 50 % de poussées en moins que les patients du bras "placebo". Ce n'est évidemment pas parce que tu commencerais le traitement demain que cela t'empêcherait d'avoir une poussée en janvier : si le diméthyle fumarate réduit le risque de connaître une poussée, il ne l'annule pas : "on ne sait pas, une poussée peut arriver demain", la phrase reste vraie que tu te traites au Tecfidera ou à l'eau minérale.
D'autre part, faire une poussée n'est pas grave en soi ; que cette poussée soit très invalidante n'est pas forcément grave non plus. La seule chose qui peut vraiment être grave, c'est de ne pas bien en récupérer, i.e. d'en conserver des séquelles permanentes : nuance (les séquelles ne dépendent que fort peu de la fréquence des poussées, comme de leur sévérité). Or, aucun des traitements de fond actuellement commercialisés ne revendique une meilleure qualité de récupération à la suite de la poussée qui n'aura pas pu être évitée.
Sur l'autre plateau de la balance, ce que tu poses c'est le fait de te retrouver contrainte à prendre un traitement au long cours, deux fois par jour, avec les effets indésirables potentiels qui vont avec et la difficulté de cacher la chose à ton entourage.
“Qu’est ce qui vous empêche de l’essayer et voir les effets secondaires vous n’en aurez peut être pas?”
Qu'est-ce qui t'empêche d'essayer de ne rien prendre et de voir si tu fais des poussées, tu n'en auras peut-être pas ?

(je prêche le faux pour savoir le vrai, hein...)
Et je ne veux pas non plus me tirer une balle dans le pied et dans 10 ans me dire “peut être que si j’avais pris le traitement peut être que je pourrais encore faire ceci ou cela”.
L'efficacité statistique des traitements de fond sur l'évolution à long terme, si elle est réelle, est décrite comme
modeste par les plus grands neurologues eux-mêmes, par exemple ci-dessous, Catherine Lubetzki. Pour être plus précis, au bout de vingt ans de traitement cette efficacité t'aura permis (en moyenne, dans ton cas particulier personne ne peut le savoir) de gagner trois ans -- avec un handicap à peine inférieur : un demi point d'EDSS -- par rapport à si tu avais passé ces vingt mêmes années sans jamais prendre le moindre traitement.
"Le développement des immunothérapies (immuno-modulateurs et immuno-supresseurs) a considérablement réduit la fréquence des poussées, directement liées à l’inflammation focale. En revanche, ces immunothérapies n’ont qu’une efficacité modeste sur l’accumulation du handicap au cours des phases progressives de la maladie." (Catherine Lubetzki,
ici).
Ne crois pas que je sois farouchement anti-traitements. En fait, je pense fermement que si j'étais diagnostiqué à l'époque actuelle, plutôt qu'il y a trente ans, j'insisterais lourdement pour être collé d'office sous natalizumab (que j'aime appeler un
traitement de cheval) : une seule prise toutes les quatre semaines (comme ça se passe à l'hôpital, ça oblige à prendre un jour de congé tous les mois, mais c'est tout), mais avec une efficacité bien supérieure à celle de tous les traitements de première intention. Bloquer une seule journée par mois à l'hôpital, je trouve d'autre part que c'est beaucoup moins contraignant que devoir prendre deux cachets par jour, tous les jours -- mais chacun voit midi à sa porte

. Ce choix est basé sur le fait à peu près universellement admis que, comme pour d'ailleurs à peu près toutes les maladies, un traitement sera d'autant plus efficace qu'il sera pris tôt. Par conséquent, prendre le plus tôt possible le traitement le plus efficace disponible sur le marché, même si c'est pour l'arrêter au bout de seulement deux ou trois ans pour cause du principal effet indésirable du natalizumab, qui est le risque de LEMP (risque de LEMP qu'on retrouve aussi avec le diméthylfumarate, soit dit en passant, certes en un peu moins fort), deux ou trois ans à la suite desquels je ne prendrais donc plus aucun traitement, me semble être la façon la plus efficace, sur le long terme, d'attaquer la bête. Mais je me trompe peut-être, hein...
Je sens bien que ça ne t'aide pas
A bientôt,
Jean-Philippe