Youkou Lélé,
lélé a écrit :Ce qui est traitre dans cette maladie c'est que même entre compagnons d'infortune la compréhension peut être compliquée car ce qui fonctionne chez certains peut ne pas fonctionner chez l'autre ou de ce dire '' si moi j'y arrive pourquoi pas lui ou elle '' alors que malheureusement ce serait si simple
Oui.
Il faut toujours, avec la sep, partir de la règle de base :
"autant de sep que de sépiens". Le pronostic individuel de chacun de nous reste en particulier impossible et c'est toujours à la sep que reviendra le dernier mot.
Il reste que des méthodes existent pour lutter plus ou moins efficacement contre la bête. La plus immédiatement évidente de ces méthodes est la prise d'un traitement de fond pour les formes qui présentent une activité inflammatoire. L'efficacité du traitement de fond n'est que statistique : il est tout à fait habituel que dans les études de phase 3, randomisées double-aveugle tout ça, certains des patients inclus dans le bras
"placebo" s'en sortent mieux, à la fin de l'étude, que certains patients du bras
"traitement actif" (ce qui ne fait qu'illustrer la grande variabilité d'un patient à l'autre) ; il reste que dans l'ensemble, statistiquement, le bras
traitement actif s'en sort mieux que le bras
placebo : efficacité statistique, ce qui marche pour tel patient ne marchera pas forcément pour tel autre mais dans l'ensemble, le traitement a les effets qu'il revendique.
La généralisation de la statistique à chaque cas individuel est selon moi un exercice aussi périlleux que la quadrature du cercle. Je trouve notamment que les critères, pourtant tout à fait médicaux, qui sont utilisés par les neurologues pour mesurer l'efficacité
individuelle des traitements de fond qu'ils administrent à chacun de leurs patients (critères modifiés de Rio, pour citer les plus fréquemment utilisés), sont une vaste plaisanterie : si un patient s'est sensiblement aggravé avec le traitement A, ça n'est certainement pas suffisant pour en conclure que le traitement A a été inefficace dans son cas. Rien ne permet en effet d'affirmer qu'avec un autre traitement, le patient s'en serait mieux porté : on n'en sait
jamais rien, puisque forcément, on n'a pas pu tester cette autre option dans le même temps. De la même façon, ce n'est pas parce que le patient se porte comme un charme après quelques années de traitement B que ça autorise qui que ce soit à conclure que le traitement B a été efficace -- une telle conclusion oblige à partir du présupposé que ce même patient se serait plus mal porté avec un autre traitement, voire même avec pas de traitement du tout, ce dont on ne sait rien non plus.
De tels raisonnements sont pourtant exactement ceux que suivent les neurologues quand ils déterminent que le traitement qu'ils administrent à chacun de leurs patients est efficace ou ne l'est pas : leurs connaissances sur l'efficacité des traitements ne sont que statistiques, elles ne sont d'aucune aide face au cas individuel de chaque patient et en particulier, à l'imprédictibilité de son pronostic. Les neuros savent très bien tout ça,
mais on ne va pas tout de même pas se laisser emm... par un obstacle aussi trivial, n'est-ce pas ?
Cette imprédictibilité de chaque cas individuel ne doit cependant pas inciter à jeter le bébé avec l'eau du bain, puisqu'on sait que telle méthode (tel traitement) est, et de façon significative, plus souvent efficace qu'inefficace. Les traitements de fond restent donc justifiés, évidemment, mais seulement statistiquement, pas au cas par cas. Sauf que si c'est l'échelle statistique qui intéresse la science, c'est évidemment la seule échelle du cas par cas qui intéressera chacun de nous. Les neuros, quant à eux, ont le cul entre deux chaises, entre d'une part la volonté de prendre en charge au mieux la pathologie de chacun de leurs patients, et d'autre part les outils dont ils disposent pour le faire, qui sont essentiellement statistiques.
De la même façon que l'imprédictibilité de chaque cas individuel ne remet pas en cause l'efficacité générale des traitements, elle ne remet pas en cause non plus l'efficacité générale de telle ou telle autre méthode, non chimique cette fois, comme la pratique d'une activité physique, une hygiène de vie un peu rigoureuse, de bons cycles de sommeil, etc. (on a tous nos propres méthodes, plus ou moins démontrées par la science, de
complètement à
pas du tout). On s'attend à ce qu'il y ait des sépiens pour lesquels ça marchera moins bien qu'avec d'autres, certes, mais dans l'ensemble, statistiquement, exactement comme pour les traitements de fond, on sait que c'est efficace, on sait qu'on peut recommander ces méthodes.
Avancer une raison pour laquelle telle méthode, que ce soit le dernier anticorps monoclonal à la mode ou la pratique de la méditation de pleine conscience, serait une méthode efficace pour tel cas individuel mais inefficace pour tel autre, est une activité d'apprenti sorcier à laquelle chacun devrait soigneusement éviter de se livrer.
Ne te laisse pas abattre, Audrey. Je sais combien tu en baves au quotidien, je t'envoie toutes mes pensées les plus positives
A bientôt,
JP.