Je lance ce topic spécifique en référence à cette discussion, extraite d'un message de présentation (où elle a donc de moins en moins sa place) :
Ca fait longtemps que je voulais lancer un topic sur les cellules gliales, le temps me semble être venu, le sujet me semble essentiel dans le cas de la sep : je me jette donc à l'eauMystic a écrit :Pouvez-vous développer ?Nostromo a écrit :il existe d'autres yeux à l'intérieur du SNC, ce sont ceux des cellules gliales, au premier rang desquelles les oligodendrocytes qui, cerise sur le gâteau, disposent en plus de leur propre truelle et de leur propre ciment.

Qu'est-ce qu'une cellule gliale ?
Une cellule gliale (de "glie", glu, colle) est une cellule qui aide au bon fonctionnement des neurones, du cerveau et du système nerveux central. Elles sont divisées en quatre grands types, seuls les deux principaux vont m'intéresser ici, en particulier pour leur implication dans la sep : les astrocytes et les oligodendrocytes (les deux autres types ne sont pas indignes d'intérêt, loin de là, mais allons à l'essentiel). Ces cellules représentent, en masse comme en volume, environ la moitié du système nerveux central -- l'autre moitié étant constituée par les neurones et leurs axones. Je parle ici de masse comme de volume "nets égouttés", comme sur les boites de conserves : l'ensemble va en outre baigner dans le liquide cérébrospinal.
Les astrocytes (littéralement, "cellules en forme d'étoile") sont impliqués dans la sep dans la mesure où ce sont eux qui constituent les plaques cicatricielles : pas d'astrocytes, pas de plaques (pas de bras, pas de chocolat). Ces plaques cicatricielles ne sont pas mauvaises en soi : certes, elles peuvent bien nous embêter quand on en découvre de nouvelles sur une IRM, mais si elles sont apparues c'est uniquement parce qu'il y avait eu, auparavant, une inflammation à cet endroit, inflammation qui avait potentiellement abîmé myéline et axones, qu'il s'agissait donc de protéger autant que possible. Ce qui conduit les astrocytes à construire ces plaques, comme une protection (Margot voulait une truelle et un seau de ciment : les voici !).
Les oligodendrocytes ("cellules qui présentent peu de dendrites") sont quant à eux chargés de l'entretien de la myéline et en particulier, quand il y a lieu, de la remyélinisation. On peut en gros se les représenter comme des rouleaux d'adhésif (l'adhésif étant donc la myéline dont ils sont remplis), que l'oligodendrocyte va enrouler autour d'un axone endommagé, un peu comme un électricien pourra procéder autour d'un fil électrique dénudé. Les plus réactifs de mes lecteurs auront compris que le travail de remyélinisation des oligodendrocytes pourra être entravé par la présence de plaques d'astrocytes.
Inutile de dire qu'astrocytes comme oligodendrocytes sont donc vachement importants dans le cas de la sep.
A l'intérieur du SNC, comment se passe une poussée de sclérose en plaques ?
C'est toute la question

Ce qui fait à peu près l'objet d'un consensus :
La barrière hémato-méningée (ou hémato-encéphalique, c'est selon) se détend, ce qui permet à d'aussi grosses cellules que les lymphocytes de passer à travers, d'entrer par conséquent à l'intérieur du SNC (en temps normal, ils en sont bien incapables, trop massifs qu'ils sont) et d'y provoquer une inflammation. Cette inflammation, située à hauteur de la substance blanche (axones myélinisés) s'accompagne d'un œdème (gonflement des tissus). Cet œdème va agir comme un bloc de conduction, c'est à dire qu'il gênera, freinera, voire stoppera, la conduction de tout influx nerveux qui essayerait de passer ("None Shall Pass").
Ceci explique pourquoi :
1. une poussée est relativement limitée dans le temps (quelques semaines) : dès que cesse l'inflammation, l'œdème se résorbe, le bloc de conduction se lève, l'influx nerveux peut de nouveau circuler, le rétablissement est rapide. La démyélinisation éventuelle, là dedans, tient un second rôle, pour ne pas dire qu'elle fait de la figuration.
2. les corticoïdes (Solumedrol), en agissant directement sur l'inflammation, et donc directement sur l'œdème, permettent d'accélérer la venue de la fin de la poussée.
3. les séquelles éventuelles qui persisteront à l'issue de la poussée, en revanche, n'ont plus rien à voir avec l'œdème, mais avec la démyélinisation qui a pu avoir lieu en parallèle. Un rétablissement complet à la suite d'une poussée, peu importe sa durée ni sa violence, signifie avant tout que cette poussée n'a pas provoqué de démyélinisation suffisante pour entraîner des séquelles permanentes. Cela explique accessoirement pourquoi les corticoïdes n'ont pas d'influence sur les séquelles résiduelles qui resteront d'une poussée : ils n'agissent que sur l'œdème, mais ils n'ont pas d'effet sur la démyélinisation... dont on peut donc envisager qu'elle a eu lieu avant l'administration des corticoïdes.
Une fois l'inflammation terminée, les astrocytes vont former une cicatrice protectrice là où elle a eu lieu (=> plaque, on parle aussi de gliose astrocytaire), ce qui est l'affaire d'une poignée de semaines, et les oligodendrocytes vont quant à eux œuvrer à réparer la myéline endommagée, mais ça va leur prendre beaucoup plus de temps (l'échelle de temps se mesurera alors plus volontiers en années).
Ce qui fait moins l'objet d'un consensus :
C'est l'ordre dans lequel tout ceci se passe.
La doxa habituelle considère que l'évènement déclencheur est l'ouverture de la BHE aux lymphocytes, que ce sont ces lymphocytes qui, une fois entrés à l'intérieur du SNC, vont provoquer le carnage de myéline et l'apparition progressive, poussée après poussée, du handicap, et que la sep est par conséquent une maladie auto-immune.
Je partage très peu cette opinion, que je reconnais pourtant comme majoritaire, du fait que :
- les maladies auto-immunes génèrent automatiquement la présence d'auto-anticorps. Or, on n'a jamais réussi à identifier le moindre auto-anticorps dans le cas de la sep : présenter la sep comme auto-immune est donc, au mieux, une hypothèse, une supposition.
- une fois qu'on s'est basé sur le présupposé que la sep était auto-immune, on considère automatiquement que l'intervention des lymphocytes est injustifiée, qu'elle est le résultat d'un dérèglement du système immunitaire. Il existe pourtant des pathologies qui, comme c'est le cas dans la sep, ouvrent la BHE au passage des lymphocytes dans le SNC, qui laissent ensuite les lymphocytes y faire leur boulot de cellules tueuses, ce qui provoque évidemment une inflammation. C'est typiquement le cas avec les méningites. L'inflammation pourra certes provoquer quelques dégâts collatéraux, mais elle est néanmoins admise comme étant une réaction saine, normale, de l'organisme. Et si l'intervention des lymphocytes était, dans le cas de la sep, également justifiée ? On sait notamment que les lymphocytes, dans le cas d'une poussée de sep, ne s'attaquent pas qu'à la myéline, mais également aux oligodendrocytes : et si la cible première des lymphocytes était les oligodendrocytes, bien avant la myéline ?
- un élément laisse d'ailleurs envisager le besoin d'une action du système immunitaire dans le cours d'une poussée de sep, c'est la mort programmée ("apoptose") des oligodendrocytes, dont quelques études indiquent qu'elle serait antérieure à tous les autres évènements et par conséquent, qu'on tiendrait ici le véritable déclencheur de l'ouverture de la BHE et de l'inflammation qui en découle. On se retrouve avec des déchets à l'intérieur du SNC, certes habituellement ce n'est pas des lymphocytes mais des macrophages qu'on enverra pour faire le nettoyage, mais l'intervention de lymphocytes dans un tel contexte, d'autant qu'elle serait donc ultérieure à la mort programmée des oligodendrocytes, ne semble pas totalement invraisemblable (reste à déterminer selon quel mécanisme, je reconnais

- En outre, les oligodendrocytes étant directement reliés à la myéline d'un ou plusieurs axones (voir schéma ci-dessous, pompé de Wikipedia, merci Wikipedia), on peut envisager chaque tronçon démyélinisé comme une conséquence directe de la mort de l'oligodendrocyte qui l'alimentait jusqu'ici -- avec un rôle par conséquent plus difficile à cerner, du processus immunitaire qui accompagne tout ça.
Ah ça faisait longtemps que j'avais besoin de mettre tout ça au clair

Jean-Philippe