Salut Miss,
Mystic a écrit :J'ai 24 ans, aucun nouveau symptôme mais effectivement de nouvelles plaques sur l'IRM,
Savoir l'âge que tu as est important avec la sep. En fait on ne sait pas bien lequel est le plus important à connaître, entre l'âge du patient et le nombre d'années qu'il a passées dans la pathologie (notamment en termes de perspectives d'évolution de la maladie --
statistiques, les perspectives). Nombreux sont les chercheurs à privilégier l'âge. Comment as-tu récupéré de ta poussée ? ta diplopie, ton nystagmus, sont-ils toujours présents ou ont-ils finalement plié bagage ?
Ta sep s'est donc déclarée alors que tu n'avais que vingt ans, ce qui est particulièrement jeune. Pas tout à fait une sep pédiatrique, mais très jeune tout de même : la mienne par exemple s'était déclarée à 25 ans, diagnostiquée à 27, et je faisais alors encore partie des "jeunes", ce qui était encore considéré comme une perspective d'évolution favorable. Là encore :
statistique, la perspective -- c'est toujours une question de statistiques, sachant que le pronostic individuel de chaque patient est absolument impossible à prédire (tu liras parfois "peu" prévisible, ce qui laisse supposer qu'il l'est tout de même, dans une certaine mesure, mais c'est dans l'ensemble du bullshit

, c'est les neuros qui essayent de se convaincre que l'IRM du patient a des choses à leur raconter).
Donc, ton jeune âge représente
statistiquement l'espoir d'une évolution tranquille de ta sep. Un élément clinique vient cependant perturber ce (réel) signe d'espoir, c'est la forme sous laquelle s'est manifestée ta première poussée : une diplopie et un nystagmus laissent envisager une atteinte du cervelet et/ou du tronc cérébral (atteintes sous-tentorielles de toute façon, "sous la tente" du cervelet), et ça, selon les mêmes critères que précédemment, c'est
statistiquement de perspective d'évolution défavorable, les neuros n'aiment pas (du tout). Ce qui n'empêche
en rien ton pronostic individuel de rester... absolument imprévisible. Une autre chose qui s'apparente à du BS pronostique mais que les neuros n'aiment pas non plus, c'est donc les lésions visibles à l'IRM. Bis repetitam : statistiquement c'est de mauvais pronostic, individuellement, face au cas particulier de chaque patient, on ne peut rigoureusement rien en déduire ; notamment du fait que la grande majorité des lésions n'entraîneront jamais l'apparition du moindre symptôme.
A titre d'illustration, on rencontre lors des autopsies deux à trois fois plus de cerveaux qui présentent des lésions caractéristiques de la sep, que ce que l'on devrait rencontrer par simple règle de trois sur la base des cas connus, diagnostiqués. On parle pour décrire ces cas, largement majoritaires donc, de
formes latentes de sep, i.e. des formes qui présentent certes toutes les caractéristiques anatomiques d'une sep en bonne et due forme (lésions sur le système nerveux central), mais qui n'ont jamais présenté de caractéristiques cliniques (symptômes) suffisantes pour amener le sujet à consulter. Des seps toutes douces avec ceux qui en sont atteints, si tu préfères.
Afin de t'aider à conserver la tête froide, à éviter de partir inutilement en vrille, mes IRM ont par exemple toujours montré une chiée de lésions (je pense faire partie, mais je dis ça au doigt mouillé, des 10% de sépiens qui en présentent le plus) et la poussée qui a conduit à mon diagnostic présentait une atteinte combinée cérébelleuse et pyramidale, soit en termes de pronostic statistique le pire du pire que je pouvais espérer, ou en tout cas dans le peloton de tête. Comme symptômes j'avais une ataxie cérébelleuse (impossible de boire mon café sans en foutre partout, par exemple), une diplopie, une démarche dite ébrieuse, de violents vertiges rotatoires, une faiblesse musculaire qui m'avait envoyé embrasser le sol à plusieurs reprises, de la spasticité, une perte de goût, enfin à chaque fois que j'essaye d'en dresser la liste j'en oublie facilement la moitié. Malgré cela, aujourd'hui, après d'autres poussées et une trentaine d'années de cohabitation avec ma bête, je me porte toujours comme un charme (enfin, j'ai de l'arthrose au genou, mais ça n'a rien à voir avec la sep, c'est juste la vieillesse qui est un naufrage

) : le pronostic statistique est une chose, le pronostic individuel est une autre paire de manches. Il que tu gardes toujours ça à l'esprit : un diagnostic de sep, c'est avant tout l'apparition soudaine d'une épée de Damoclès, tout en n'oubliant pas que dans l'histoire, le crin de cheval qui retient l'épée ne s'est jamais cassé, il a toujours tenu bon.
Quand j'avais reçu mon diagnostic, il n'y avait pas encore de traitements de fond, sinon de l'interféron à titre expérimental, ce qui fait que je n'ai jamais pris de traitement. Aujourd'hui, l'offre a considérablement changé, le contexte n'est plus le même et je crois bien que si mon diagnostic devait avoir lieu aujourd'hui, je commencerais d'emblée par un traitement
de cheval : celui qui aurait mes faveurs est le natalizumab (Tysabri), c'est de loin le plus efficace tout en conservant des effets indésirables (risque de leucoencéphalite multifocale progressive, on dira LEMP à partir de maintenant) qu'on arrive à bien contrôler. Il faudrait peut-être que je lutte un peu avec les neuros pour l'obtenir, mais je pense que j'y arriverais, je sais être une tête de lard quand il y a besoin

. Alors certes ça ne servirait à rien, puisque sans traitement, mon évolution à long terme s'est finalement avérée idyllique, mais ça, aucun moyen de le deviner au moment du diagnostic... Le Kesimpta (ofatumumab) est assez proche du Tysabri, c'est un anticorps monoclonal aussi (c'est le cas de toutes les molécules qui finissent en -mab, pour
monoclonal
anti
body), une injection par mois aussi, mais les effets indésirables sont moins violents et pas besoin d'hospitalisation pour l'injection. On n'a pas encore le recul suffisant pour mesurer son efficacité à long terme par rapport au natalizumab, qui reste le traitement de référence.
La raison pour laquelle je ferais un tel choix (natalizumab) est que parmi les choses qu'on sait à peu près, ou du moins qu'on pense savoir, figure en bonne position celle qu'il est important de frapper le plus précocement possible, le plus fort possible. Le plus précocement possible : initier un traitement sans tarder est
statistiquement de meilleur pronostic qu'attendre avant de le mettre en route (tu te rappelles ce que j'ai dit à propos de ce statistiquement, oui ?

). Le plus fort possible : plusieurs études observationnelles ont montré que les patients qui commençaient à traiter leur sep avec un traitement
de cheval, soit en gros les molécules qui se terminent en -mod ou en -mab, avaient
statistiquement (

) une meilleure évolution à long terme que ceux qui commençaient avec un traitement classique de "première intention", genre interféron ou diméthylfumarate -- alors que si ces patients avaient d'emblée commencé avec un traitement de cheval, c'était précisément parce que leur pronostic statistique avait été considéré plus mauvais par les neuros, que celui des patients qui s'étaient vu prescrire un traitement "classique".
Le corollaire de cette observation est qu'après quelques années, le traitement devient de plus en plus dispensable : s'il est important de frapper précocement, une fois passée la fenêtre de tir du "précoce" il ne sert plus à grand chose de continuer à frapper... Si j'avais effectivement commencé d'emblée avec du natalizumab, dès que l'index JC (qui mesure le risque de LEMP) aurait commencé à devenir menaçant, ce qui arrive en général après une poignée d'années, j'aurais arrêté le traitement et je ne l'aurais remplacé par rien, puisque je serais sorti du
précoce : tout aurait déjà été joué, plus la peine d'insister. Mais il s'agit ici d'une simple interprétation personnelle, aucun neuro ne te sortira ça

.
Et donc, comment as-tu récupéré de ta poussée ? Au bout de combien de temps as-tu noté une stabilisation, si tu en as noté une ?
A bientôt,
JP.