"Elle ne m'a jamais quitté", c'est le titre de l'autobiographie de Dominique Farrugia, qui fait la part belle à sa sclérose en plaques (on peut raisonnablement supposer que c'est d'elle qu'il s'agit dans le titre). Je ne ne suis pas trop client de ce genre de bouquins en général, mais j'ai fait une exception pour celui-ci : d'une part suis un grand fan des Nuls, de la Cité de la Peur et de Farrugia, d'autre part sa sep est plus ou moins contemporaine de la mienne, à quelques années près, donc je me disais que ça allait me rappeler des souvenirs...
Sa sep s'est vraisemblablement déclarée en 1990 et Farrugia est persuadé qu'elle a été déclenchée par le décès de Bruno Carette, en décembre 1989 : "c'est sa mort qui a déclenché ma sclérose en plaques", p. 76 ; elle a été diagnostiquée entre fin 1991 (probable) et fin 1992 (certaine), soit trois à quatre ans plus tôt que la mienne : il s'agit presque de la même époque, l'absence totale d'internet dans le cas de Farrugia, un peu moins totale dans le mien, étant la seule différence notable.
Ah sinon, sa prise en charge initiale avait été faite à l'Hôpital Américain de Neuilly (dr. Pertuiset), pendant que je me laissais docilement prendre en charge par l'APHP. Même s'il est plus ou moins conventionné, l'Hôpital Américain de Neuilly fait un peu penser, en lisant la description, à une clinique où la santé est un bien qui s'achète : "on me fait des trucs sympas comme me prélever de la moelle épinière, deux fois même, dont une sans anesthésie. Pour donner une idée précise de l'expérience, il faut imaginer sauter en parachute. Sans parachute" (p. 93). Chochotte

Le traitement qui lui avait été ensuite administré, une fois son diagnostic certain, laisse rêveur : cortisone hebdomadaire car "à cette époque, il n'existe aucun autre médicament pour traiter la SEP, c'est donc ce que me prescrit le professeur Pertuiset" (finalement, pas de bol d'être allé consulter dans une clinique de stars). Il n'est pas précisé si ce sont de petites quantités par voie orale, ce qui me semble le plus vraisemblable, ou des quantités plus importantes en IV, tout ce qu'on sait est que : "au delà de l'indescriptible souffrance que j'endure, je deviens fou de rage. La cortisone a pour effet secondaire d'énerver comme on peut difficilement l'imaginer. Chaque dimanche, donc, je m'enferme à la maison, seul, pour pouvoir repartir le lundi, comme si de rien n'était" (p. 99). Hmmm. Hôpital Américain 1 - APHP 1.
Ce n'est ensuite qu'au second semestre 1996 qu'il réussira à obtenir de l'interféron-bêta. Gout m'en avait alors déjà parlé, quelques mois auparavant, comme "expérimental". Vu comment il avait tourné ses propos, j'avais compris qu'il laissait la porte entrouverte au cas où j'aurais voulu m'y engouffrer, mais on n'aura jamais le fin mot de l'histoire


Il commence le traitement très rapidement, dans l'espoir aussi manifeste qu'abusif que cela fera refluer ses symptômes et que cela guérira sa bête (son neuro aurait dû lui traduire la notice avant...) : "il semblerait que ce soit une panacée. J'y vois un espoir, et accepte sans délai d'en devenir sujet" (p. 128) ; "chaque matin, j'essaye de voir si mon état évolue, mais pendant les deux premières semaines rien ne semble se passer" (p. 129). Donc forcément, cela ne se passe pas comme escompté : "les jours qui suivent, je périclite : les effets secondaires sont terribles et me rendent vraiment malade. Je ne sens plus ma jambe gauche [...]. Je lui [à mon docteur] dis que j'arrête le traitement. Il me confirme qu'il sait, oui, que c'est ce qu'on va faire. Il me dit qu'il y a une place à l'hôpital de jour et que je vais reprendre un bolus de cortisone" (pp. 130-131). Là, j'ai très mal à mon Farrugia : si on lui traite ça à coup de bolus de cortisone, ce qui le gêne est beaucoup moins un effet secondaire de l'interféron-bêta, que... une nouvelle poussée, que ne suppriment pas les interférons-bêta. Et son neuro ne le lui a donc pas fait comprendre ?
Il décide, à cette occasion, de quitter son neuro pour s'en trouver un autre. La raison de ce divorce n'a toutefois rien à voir avec le gros malentendu sur l'efficacité du traitement, mais avec la suggestion que le neuro lui fait alors, fort pertinemment à mon avis, de mettre un peu la pédale douce sur le boulot : "C'est à l'hôpital qu'il viendra me voir et me dira : 'vous devriez prendre un mi-temps thérapeutique' [...] Il n'avait pas compris [...] que mon seul médicament valable était le travail" (p. 131).
Sur ce point en particulier, il m'est très difficile d'avoir une interprétation sereine. Dans les pages précédentes, Farrugia parle de (certaines de, la plupart de, toutes ?) ses poussées. Première alerte, donc, juste après le décès de Bruno Carette ; deuxième alerte : "un jour de 1990, on est en plein tournage [...] je suis en train de courir, mes jambes se dérobent sous moi [...] On tourne de manière compulsive, je suis fatigué [...] Mais ça ne justifie pas [...] que je n'arrive plus à me baisser pour lacer mes chaussures [...] que je ne puisse plus courir non plus" (pp. 79-80). Troisième alerte pendant qu'il bossait sur Les Nuls, l'Emission : "je me souviens d'être rentré chez moi fatigué, épuisé" (p. 90). Une autre en 1994 pendant la promo de la Cité de la Peur : "on est aplatis de fatigue, non écrasés plutôt, non non désagrégés [...] ce film, notre film, me fait boire le calice en même temps que la lie" (p. 112).
Bref, travailler comme un dingue, dans son cas, était-ce réellement, comme il le dit, l'antidote, ou le poison ?
Enfin tout ça me rend perplexe. Les opinions thérapeutiques de Dominique m'échappent, je ne les partage absolument pas, et dans le même temps chacun gère sa sep à sa façon, "chacun sa merde"

Ma chaise se dérobe sous mes fesses, et pourtant je comprends totalement la réponse de Lyon-Caen.
Perplexe, je suis
