Salut Violette, sois, contre vents et marées, la bienvenue parmi nous !
Tu ne dis pas ton âge mais mon petit doigt me souffle que tu as moins de trente ans, voire nettement moins. C'est quoi la bonne réponse

?
Ta description de la poussée qui t'a valu ton diagnostic m'a furieusement fait penser à celle qui, en son temps, m'avait valu le mien, si ce n'est que j'avais échappé à l'incapacité de marcher. De pas tant que ça, j'avais des faiblesses musculaires telles que je m'étais retrouvé à embrasser le sol à plusieurs reprises... L'incapacité de marcher était-elle, chez toi, due à de telles "faiblesses musculaires", ou avait-elle une autre cause, par exemple des vertiges ou l'impossibilité de coordonner tes mouvements ? La sep n'a pas son pareil pour nous faire prendre conscience que des choses qui nous paraissaient jusqu'ici naturelles, qu'on effectuait sans même y penser, comme marcher "normalement" tout en conservant son équilibre, nécessitaient en fait un effort de concentration intense dès que les automatismes se mettaient à débloquer.
Si on essaye de faire le tri dans ce que tu as vécu lors de ton diagnostic, le scanner n'est en soi pas nécessaire, l'IRM répondant aux mêmes besoins tout en étant bien plus précise ; il reste que le scanner est en général disponible le jour même, alors que l'IRM peut encore nécessiter de poireauter un moment. Le scanner permet par ailleurs d'exclure l'éventualité d'un AVC (qui nécessite une prise en charge beaucoup plus urgente qu'une sep), AVC qui devait figurer en bonne position sur la liste des suspects quand on t'a vue arriver à l'hôpital. A peu près la même remarque à propos de la radio (de la cage thoracique ?), pas nécessaire non plus une fois qu'on a fait l'IRM, mais en ces temps de covid...
Le blood patch n'est pas une conséquence de ta poussée, mais (en général) d'une ponction lombaire un peu merdée par l'interne qui l'aura faite. Les occasions de pratiquer des ponctions lombaires au cours d'une carrière de médecin étant rares, quand il y en a une à faire il est d'usage de la confier à un interne, histoire qu'il apprenne sur le tas (oui, c'est de toi que je parle

), et en général c'est donc la première fois qu'il la pratique -- et le patient aussi. Une ponction lombaire un peu ratée peut donner lieu à un "syndrome post-ponction lombaire" (
voir ici), qui peut se montrer particulièrement douloureux et contre lequel on utilise maintenant un blood patch. J'avais fait mon syndrome post-PL aussi lors de mon diagnostic, mais à l'époque on ne pratiquait pas encore le blood patch, tout ce à quoi j'avais eu droit pour soulager ça était de l'ibuprofène 400

(humour hospitalier).
Je suppose enfin que le kiné avait pour but de te réapprendre à marcher et que le psy pouvait être en réponse à ta crise d'angoisse, réaction légitime devant un tel déferlement mais
a priori pas une conséquence directe de la sep non plus.
Il y a donc pas mal de tes malheurs qui ont été (inévitablement) causés par le diagnostic lui-même et ne sont pas en soi imputables à ta sep, c'est à dire que tu peux considérer qu'ils sont maintenant définitivement derrière toi. Une nouvelle vie commence maintenant pour toi, qui voit s'effondrer certaines des certitudes que tu avais acquises jusqu'ici, et qui va donc nécessiter un nouvel apprentissage. Il se fera relativement naturellement, jour après jour, mais nous serons toujours ici pour répondre aux innombrables questions que tu ne manqueras pas de te poser.
Je ne vais pas entrer ici dans le détail de ce qu'est la sep (on aura d'autres occasions pour cela

), simplement l'essentiel de ce qu'il te faut savoir est que tu es donc dans une forme dite récurrente-rémittente de la maladie, celle qui s'exprime par poussées suivies de rémissions (il existe aussi une forme dite progressive primaire, qui se manifeste en l'absence de poussée). Au fil des poussées inflammatoires, un handicap permanent pourra s'installer, mais il est fréquent, en début de maladie, que les poussées soient suivies d'une très bonne récupération. Cette forme récurrente-rémittente dispose par ailleurs de traitements relativement efficaces pour ralentir la fréquence des poussées, freiner -- parfois considérablement -- l'évolution de la maladie et améliorer le pronostic à long terme. Quel traitement t'a-t-il d'ailleurs été proposé ? Au bout de quelques années de phase récurrente-rémittente ("quelques" peut aller de cinq ans à jamais), l'installation d'un handicap permanent n'aura plus besoin de poussées pour apparaître : c'est ce qu'on appelle alors la phase "secondaire progressive" de la maladie. Dans ton cas, ce n'est pas pour demain, et demain est un autre jour.
Le pronostic individuel de chaque patient, c'est à dire en particulier celui qui te concerne, est considéré comme impossible ; autrement dit, quand un neuro s'essaye à en faire un et qu'il finit par tomber juste, ça veut dire qu'il a eu du bol : si tu t'amuses à prédire, avant de lancer un dé, que tu vas tomber sur un six, une fois de temps en temps tu auras raison... Tu peux notamment tout à fait connaître un début dans la maladie "sur les chapeaux de roue" (c'est ton cas, comme ce fut dans une moindre mesure le mien), suivi d'un long endormissement de ta maladie, mais aussi un début très discret mais avec une "montée en puissance" irrépressible. On ne sait pas pourquoi, c'est comme ça. Ce qu'on croit savoir est qu'une bonne récupération à la suite de tes poussées est primordiale : il vaut mieux avoir beaucoup de poussées très invalidantes sur le coup, mais suivies d'une récupération totale ou presque, que peu de poussées très peu invalidantes suivies d'une récupération inexistante. Ton degré de récupération à la suite d'une poussée est en partie entre tes mains : il ne faut jamais jeter l'éponge, jamais capituler.
Ah sinon, la fièvre n'est
jamais un symptôme de la sep, ni d'ailleurs une conséquence des bolus de corticoïdes. Je te suggère donc fermement, si elle ne disparaît pas très rapidement (allez, je te laisse jusqu'à demain), de consulter ton généraliste à ce sujet ; ou en tout cas d'en discuter avec l'infirmière qui devrait te guider dans tes premières injections, peut-être souhaitera-t-elle retarder cette première injection tant que la fièvre est présente.
A bientôt, haut les cœurs !
Jean-Philippe.