Salut Kawyne,
Ca n'a pas l'air d'aller bien fort...
Dans le magazine "Elle" de cette semaine (21 août), il y a une interview, pp. 50-51, d'un certain Christophe André, psychiatre, qui doit sortir d'ici peu un ouvrage coécrit avec Matthieu Ricard et Alexandre Jollien, intitulé "l'Abécédaire de la Sagesse". L'interview est principalement axée sur l'anxiété qui naît de l'incertitude, incertitude en l'occurrence liée à la crise de la covid car c'est peut-être plus vendeur par les temps qui courent (autant ratisser large) ; il reste que cette incertitude est également un des paramètres essentiels qu'en tant que sépiens il nous faut apprendre à gérer, à accepter -- ce qui, en un sens, nous rend "plus sages", plus aptes à affronter le monde moderne, que l'homme de la rue. Je t'en recommande donc la lecture, de l'article dans un premier temps et, qui sait, de l'ouvrage dans un second.
Pour ce qui est de tes vertiges, maintenant, je suis plus perplexe : l'ORL comme le neuro disent ne rien voir, pourtant les vertiges comme les troubles de l'équilibre, comme le lien que je t'avais mis dans mon message précédent le rappelait, n'échappent normalement pas à un examen proprement mené. L'examen clinique neurologique permet en outre d'en identifier assez précisément l'origine, qu'elle soit vestibulaire, cérébelleuse ou autre. Tant que cette origine n'est pas identifiée, quand tu dis que ta neuro se contente de trente secondes d'examen clinique tout en se focalisant sur ce que l'IRM a à raconter, je trouve que ça fait peu. Est-ce le signe que ta neuro avait déjà, antérieurement, déterminé que ces vertiges que tu rapportes n'étaient pas imputables à la sep ? Il doit également être tenu compte du fait que l'ORL n'a rien noté de particulier... Comment décrirais-tu ces vertiges ?
A part ça, je me dis parfois que l'invention de l'IRM n'a pas apporté que du bon dans la prise en charge de la sep, ni d'ailleurs des autres pathologies neurologiques, car elle a incité les praticiens les moins scrupuleux à suivre cette
ligne de plus grande pente que les clichés IRM leur offraient sur un plateau, ... en passant d'autant moins de temps sur les fondamentaux, en l'occurrence l'examen clinique, pourtant tellement plus sensible. Mébon, on va expliquer ce point de vue par un certain désenchantement de ma part

. Je crois tout de même que tu as hélas probablement raison quand tu déplores que ton absence de traitement pourrait motiver le manque d'intérêt de ta neuro pour ton cas, j'ai connu jadis une neurologue qui m'avait réellement donné la très nette impression de n'exercer la fonction que de revendeur entre les labos et les patients. Ca m'avait paru à la fois un peu court et très triste.
J'en suis, avec le temps, après notamment la lecture de nombreuses études sur la sep, arrivé à penser que les neurologues pouvaient être répartis en deux obédiences principales, celle des "radiologues" (qui ne jurent que par l'IRM) et celle des "cliniciens" (dont la confiance limitée dans l'IRM, en particulier quand on prétend l'utiliser pour un autre motif que le seul diagnostic, les incite à se reposer en priorité sur ce qu'ils constatent eux-mêmes à l'examen clinique). L'obédience radiologue est plus prompte à vouloir fourguer du traitement, dans la mesure notamment où le principal outil de mesure de l'efficacité des traitements, dans les études préalables à leur commercialisation, est invariablement l'IRM (l'autre outil privilégié étant le taux annualisé de poussées, déjà moins précis). La pertinence de cet outil de mesure est pourtant fort discutable, et d'ailleurs discutée, la corrélation entre ce que montre l'IRM et l'état clinique, tel que mesuré par l'EDSS notamment, ayant quelques caractéristiques insaisissables. Mais c'est tellement plus pratique de pouvoir se fier sur du concret, en l'occurrence ici l'évolution dans le temps du nombre de lésions, pour "adapter" ses recommandations en termes de traitements...
La mauvaise nouvelle est que les radiologues sont majoritaires, et de plus en plus. La bonne est qu'il reste des cliniciens : à toi d'en trouver un

.
A noter également (toujours essayer de se mettre à la place de l'autre) que le rôle du neurologue face à la sep a longtemps été particulièrement ingrat : une fois le patient diagnostiqué, il ne pouvait plus rien pour lui, sinon lui administrer en cas de poussée des bolus de méthylprednisolone dont il savait qu'ils n'avaient pas d'influence sur le pronostic à long terme, ainsi que des traitements pour prendre en charge avec plus ou moins de succès tel ou tel symptôme. L'arrivée de l'IRM puis, quelques années plus tard, des premiers traitements de fond (en termes de raisonnement bayésien, je ne crois pas un seul instant que ces deux évènements soient indépendants), les a soulagés de ce poids immense : enfin, ils allaient pouvoir "faire quelque chose", enfin, ils avaient l'espoir réel de pouvoir modifier le cours de la maladie de leur patient (la traduction anglaise de "traitement de fond", dans le cadre de la sep, est d'ailleurs précisément "disease modifying therapy"). Ca aide à comprendre pourquoi une majorité parmi les neuros, la tienne par exemple, est plus attachée à ces traitements de fond qu'un berger allemand l'est au fémur de ruminant que vient de lui offrir le boucher...
dois je accepter ce traitement copaxone ?? [...] ou attendre que la maladie me détruit au fil des jours...
Ta question me semble se reposer sur une causalité incorrecte : ce n'est pas parce que tu prendras de la Copaxone que la maladie ne te détruira pas au fil des jours, elle te détruira simplement
statistiquement (un peu) moins vite, enfin surtout dans la mesure où le traitement aura été initié tôt dans la maladie. A contrario, la phrase "autant de sep que de sépiens" ne date pas d'hier, à vrai dire elle date même de bien avant l'invention du premier traitement de fond. Ce qui signifie que bien avant la mise sur le marché du premier traitement de fond, on savait déjà que certaines sep étaient à évolution bénigne, voire sans évolution (la sep est dite "latente" dans ce cas, c'est le stade ultime

), alors que d'autres étaient d'évolution beaucoup plus rapide et sévère. Le hic c'est qu'on était juste incapable de prédire, pour tel patient, quelle serait son évolution. Les temps ont heureusement bien changé depuis tout ce temps et toutes ces nouvelles technologies : incapable de prédire l'évolution, on l'est toujours...
Ne pas administrer de traitement sur une sep latente ne l'empêchera pas d'être latente ; administrer un traitement sur une sep d'évolution rapide et sévère retardera peut-être (de quelques années, de quelques mois) l'inévitable, mais ne l'empêchera pas de survenir. Et même dans le cas d'un traitement réputé plus costaud que la Copaxone. La seule "vraie" efficacité des traitements de fond consiste à les administrer dès la première poussée, afin de retarder la survenue de la deuxième, ce qui pour le coup est très utile. Mais une fois la deuxième poussée survenue, il commence en effet à se faire tard...
J’aimerai tellement que cette SEP me laisse tranquille et se stabilise mais est-ce possible ?? maladie dégénérative tout est dit je pense, elle continuera à nous faire du mal jusqu’au bout..
Oui, c'est possible. Cette maladie est certes dégénérative, mais (retour à "autant de sep que de sépiens") pas à la même vitesse pour tout le monde. Alors c'est certes possible, mais tu n'as aucun moyen de forcer la survenue de cette possibilité. Sinon éventuellement une certaine foi : les croyances ne mangent pas de pain (ou alors sans gluten

), d'où la lecture que je te recommandais au début de ce message.
Parle-nous de tes vertiges !
A bientôt,
JP.