Hé coucou !
Ce message complète le mp que je t'ai déjà envoyé, mais comme il a une portée générale, je le mets ici

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J'ai un peu approfondi le concept de "fardeau excessif" au Canada, il repose essentiellement sur deux piliers : le coût qu'impliquerait pour le système de santé (1) la pathologie du candidat à la résidence permanente (coût calculé sur une année), et la probabilité d'évolution de ce coût, qu'elle soit à la hausse soit à la baisse, estimée sur cinq années consécutives. Ces coûts réels ou estimés sont ensuite comparés aux dépenses moyennes constatées en frais de santé par personne : s'ils sont
supérieurs au triple de ces dépenses moyennes, même d'un poil de cul, tu te fais refuser la résidence permanente (quelques exceptions peuvent se rencontrer, par exemple si ta demande de résidence permanente est liée à un gros projet d'investissement dans l'économie du pays, mais ce n'est pas ton cas), s'ils sont inférieurs à ce même montant j'ai comme l'impression que c'est tout bon.
Les dépenses moyennes de santé au Canada sont de l'ordre de 6'600 CAD / an / personne, ce qui nous situe le triple de ce montant un peu en dessous de 20'000 CAD / an / personne. Cela inclut les prix des traitements, le coût des consultations en neurologie, des IRM, etc. A priori tu te situes pour l'instant très nettement en dessous de telles dépenses, puisque pour une pathologie comme la sep le plus gros poste de dépenses est de loin celui des traitements et que de ce côté, tes dépenses s'élèvent pour l'instant à zéro. Restera ensuite à estimer la probabilité d'évolution de ce coût sur cinq ans, mais dès qu'il est question d'estimer une proba quelle qu'elle soit, le mètre étalon est souvent le doigt mouillé... (voir plus bas à ce sujet).
(1) en fait c'est un poil plus compliqué, on calcule le total entre système de santé et système social, mais tu as l'idée, la différence est ténue.
Il me semble absolument vain d'espérer que le Canada abandonnera un jour, que ce soit dans un avenir proche ou moins proche, ce mode de fonctionnement : la France et le Canada sont deux cultures très différentes et sous cet aspect, c'est la culture française qui se démarque très nettement du reste du monde, pas la canadienne (la vision canadienne reste d'ailleurs plutôt débonnaire quand on la compare à ce qu'on peut trouver ailleurs).
L'évaluation de l'état de santé du postulant à la résidence permanente est menée par un médecin agréé par le service de l'immigration canadien (IRCC) à l'occasion d'un examen médical spécifique, aux frais du postulant : on ne te demande donc pas de remplir un questionnaire, simplement de te rendre à une visite médicale. A ce médecin j'annoncerais que j'ai fait l'objet d'une névrite optique il y a x années (ça fera peut-être trois ans le jour où ça arrivera, peut-être plus : je ne sais pas quel est l'état d'avancement de ce projet chez toi et on en est déjà à plus deux ans sans poussée), traitée le cas échéant par une prise ponctuelle de stéroïdes mais sans aucun traitement de suivi et en l'absence de toute manifestation neurologique par la suite (oui, c'est tout moi ça, je suppose hardiment que tu vas continuer à ne pas faire de poussée pendant ce temps-là

).
Si j'avais tes antécédents et que je souhaitais postuler à la résidence permanente canadienne, c'est comme ça que je le jouerais et je n'aurais sincèrement pas l'impression de présenter ainsi les choses de façon malhonnête. Note que je parlerais spécifiquement de névrite optique et que j'éviterais d'employer le terme de "syndrome cliniquement isolé".
Le toubib aura immédiatement l'estimation de tes coûts annuels à date sur le système de santé : zéro, mais comme c'est aussi à lui qu'écherra l'estimation de la probabilité d'évolution de ces coûts sur cinq ans, c'est là que les choses pourront éventuellement se corser pour toi. Ce toubib ne sera pas un neurologue mais avec un peu de malchance il saura qu'une névrite optique entraîne une
probabilité de sep et souhaitera dès lors obtenir un certain nombre d'informations complémentaires. Parmi celles-ci, la présence d'éventuels épisodes neurologiques ultérieurs (si tu arrives toujours à répondre par la négative ça sera sans doute un point très positif dans ton dossier), mais il est également envisageable qu'il voudra savoir si tu as fait depuis cette névrite l'objet d'un suivi radiologique et neurologique, et ce que raconte ce suivi. Toujours si j'étais dans ta situation, je répondrais que oui mais je m'arrangerais au préalable avec mon neurologue pour qu'il me fasse un courrier objectif, factuel, qui ne cherche pas à noyer le poisson, mais qui reste autant que possible dans le domaine du clinique (impeccable chez toi), sans s'appesantir plus que le strict nécessaire sur les aspects radiologiques (moins impeccables chez toi). Un neurologue complaisant, ou tout simplement honnête, peut même à l'occasion inscrire dans son rapport que telle ou telle nouvelle tache est "vraisemblablement" due à l'évolution de la technologie d'imagerie.
Cette opposition entre clinique et radiologique est d'ailleurs une de mes plus anciennes marottes concernant la sep, je te rappelle que si j'ai des IRM cérébrales autant que médullaires qui paraît-il ne montrent que dévastation et désolation, cliniquement je n'ai aucune raison de me plaindre. Or c'est de fait son état clinique qui va déterminer le coût du patient : quelle foi accorder, dès lors, à ce que peuvent bien raconter ses IRM ? Cela dit, si tu arrives (dans le cas où on te les demande, ce qui est une possibilité) à présenter une IRM qui ne montre aucune évolution par rapport à la précédente, le tout sans traitement, ...
Et après il ne te restera plus qu'à allumer un cierge et à prier
Pour essayer d'apaiser ton inquiétude je t'ai gardé le meilleur pour la fin :
https://www.canada.ca/fr/immigration-re ... essif.html. On te donne des indications fort intéressantes sur le calcul du "fardeau excessif", en gros ça se résume vraiment à une question de pognon. L'exemple 1 donne le cas d'un patient sep, décrété "fardeau excessif", je ne résiste pas au plaisir de te le copier-coller :
Un homme de 50 ans qui présente une demande [...] est atteint de sclérose en plaques. Sans médicaments, le demandeur aurait des problèmes de vision, de faiblesse et d’engourdissement. Le demandeur prend le médicament Avonex pour traiter et gérer ses symptômes et pour prévenir une aggravation de son état de santé. Il a également des rendez‑vous réguliers avec un neurologue et se soumet à des tests de laboratoire et de diagnostic.
En supposant que ses coûts sont les suivants :
Médicaments : 21 480 $ par année
Visites chez le médecin spécialiste tous les quatre mois : 213 $ par année
Tests diagnostiques (une imagerie par résonance magnétique du cerveau [IRM]) : 900 $ par année
Tests de laboratoire (fonction hépatique tous les quatre mois) : 100 $ par année
Le coût total des services de santé et des services sociaux pour ce demandeur est de 22 693 $ par année (ou 113 465 $ sur cinq ans). Ce coût dépasse le seuil de 19 812 $ par année. Ce demandeur serait donc interdit de territoire parce qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que son état de santé représente un fardeau excessif pour les services sociaux ou les services de santé.
Je ne sais pas si c'est réellement comme ça que ça fonctionne ou si l'exemple est au contraire parfaitement illusoire (je n'avais pas entendu dire qu'Avonex avait une efficacité symptomatique), mais tu noteras que l'estimation de l'évolution des coûts sur cinq ans est le simple résultat de la multiplication par cinq des coûts sur une année : le seul "pronostic" qui est fait consiste donc à considérer que l'état du patient va rester stable sur cinq ans (Avonex est loin d'être le traitement de fond le plus coûteux et j'ai cru comprendre que les neuros pratiquaient volontiers le changement de traitement en cours de route...). Si c'était effectivement comme ça que c'était calculé, pour toi ça serait jackpot immédiat et tu n'aurais pas d'inquiétude à te faire.
Bonne digestion

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Jean-Philippe.