Salut Natacha, bienvenue à toi parmi nous !
Cela fait plus de 26 ans que la sep s'est déclarée chez moi et, je te le dis avec le bon espoir que cela pourra soulager ton inquiétude, de tous les souvenirs que la maladie m'a offerts pendant tout ce temps, la période du diagnostic concentre de loin la plupart des plus mauvais. J'ai donc confiance que cela ira mieux : pour le moment tu es dans un sale moment... dont tu finiras par voir le bout. Patience, courage, résilience

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Au fil des années le diagnostic de sep est devenu de plus en plus standardisé et rapide, mais il est vrai que cette rapidité nécessite l'IRM (on arrive à s'en sortir sans, mais c'est plus difficile). "De mon temps" (hahaha), l'IRM existait déjà et était déjà utilisée dans le diagnostic, mais on parlait encore volontiers d' "errance diagnostique" dans le cas de la sep. C'était parce que les éléments que les médecins arrivaient à glaner restaient longtemps insuffisants pour atteindre les critères qui permettaient d'annoncer un diagnostic, essentiellement du fait qu'on n'annonçait le diagnostic qu'une fois qu'on en était absolument certain.
Aujourd'hui, ... moins. Au fil des années ces critères sont devenus de plus en plus débonnaires, ce qui a renversé le contexte de cette "errance" : si l'IRM satisfait le radiologue on ne s'embarrassera souvent plus de recherches complémentaires. De ce fait, il y a un pourcentage de patients (faible, mais croissant) qui se voient aujourd'hui diagnostiquer une sep, et le cas échéant traiter en conséquence, alors qu'ils ont en fait autre chose. Dans certains (rares) cas, le traitement qui leur est alors administré contre une sep diagnostiquée à tort, peut aller jusqu'à aggraver les symptômes et l'évolution de la pathologie dont ils souffrent réellement : ça se rencontre, et aujourd'hui, donc, beaucoup plus qu'hier (notamment du fait qu'hier, on avait beaucoup moins de traitements à proposer).
Tu n'as pas envie qu'une telle chose t'arrive, crois-moi

. Obtenir un diagnostic certain est réellement essentiel, ça prendra le temps que ça prendra, il ne faut surtout pas que tes médecins confondent vitesse et précipitation.
A part ça, la sep est une maladie démyélinisante du système nerveux central (elle attaque la myéline des axones, ce qui entrave la bonne circulation de l'influx nerveux et peut donner lieu, en fonction de la zone du snc qui a été attaquée, à une pléthore de symptômes différents, des plus insignifiants aux plus invalidants). Des maladies démyélinisantes du snc, il y en a donc d'autres ; ce qui va caractériser la sep de la façon la plus certaine sera sa dissémination, sa
multiplicité (pour ça qu'on dit "multiple sclerosis" en anglais) : la sep ne concentre pas ses attaques sur une seule zone du snc (dissémination dans l'espace), et elle ne se contente pas d'une seule attaque (dissémination dans le temps). Bashogun a donc parfaitement raison d'insister sur cette double dissémination, temporelle et spatiale, car c'est celle-ci qui permettra à coup sûr d'éviter une erreur de diagnostic.
La dissémination dans l'espace, si elle est présente, n'échappera pas à l'IRM -- c'est immédiat, il suffit d'observer des lésions distinctes dans différentes zones du snc.
La dissémination dans le temps (i.e. au moins deux attaques distinctes, DIT), c'est plus compliqué : l'IRM pourra voir la présence d'une ou plusieurs attaques antérieures, mais ne pourra pas dire, dans ce cas, si ce qu'elle voit est le fruit d'une seule, ou de plusieurs attaques, et n'aura donc pas assez de billes pour établir la DIT. L'IRM peut toutefois établir cette DIT, dans le cas où elle réussit à observer simultanément les restes d'une ou plusieurs ancienne(s) attaque(s), ainsi qu'une attaque en cours (au fait, on parle de "poussée") : à la différence d'une ancienne attaque, une attaque en cours présentera une activité inflammatoire, qui sera vue différemment à l'IRM. Bon, cela suppose que tu sois en poussée le jour de l'IRM, ce n'est pas forcément ce qu'on te souhaite

. Une dernière possibilité consistera à faire des IRM de suivi tous les x temps (6 mois, un an, ...) et à regarder si, d'une IRM à l'autre, de nouvelles lésions apparaissent : dans ce cas, la DIT sera démontrée, ... mais ça pourra prendre un sacré moment, parfois plusieurs années, pourquoi pas même toute la vie -- ce qui serait alors une très bonne nouvelle pour le patient, car ça voudrait dire qu'il a peut-être une sep, mais que celle-ci lui fout une paix royale. Ca vaut le coup d'apprendre à ronger son frein... Dans un tel cas, l'analyse du liquide céphalo-rachidien (ponction lombaire) pourra apporter des arguments forts en faveur d'une sep, mais sans aller jusqu'à la certitude totale.
Un autre argument encore plus fort que la ponction lombaire en faveur de la dissémination dans le temps, est l'entretien que tu as avec le neurologue à la recherche d'un éventuel historique de symptômes neurologiques, conjugué à l'examen clinique neurologique. A l'âge de la technologie, on tend peut-être à faire reposer trop de décisions sur la seule IRM, alors que l'entretien neuro ainsi que l'examen clinique sont deux outils qui, s'ils peuvent paraître surannés, qui sont en fait d'une efficacité redoutable. As-tu connaissance d'un historique de symptômes, dans ton cas ?
Et donc, si c'est la sep, tu auras compris que c'est une maladie multiple : multiple dans les zones du snc qu'elle attaque, multiple dans le nombre d'attaques différentes, mais aussi multiple dans l'intensité de ses attaques, multiple dans son expression différente d'un patient à l'autre, multiple dans la façon dont chaque patient arrivera à récupérer de chaque attaque, multiple dans la nature et la gravité des symptômes qu'elle provoquera. Apprendre à vivre avec la sep, si ce diagnostic t'est confirmé, c'est -- dans un premier temps du moins -- apprendre à vivre avec un énorme point d'interrogation comme nouveau compagnon, à vie. Ca oblige à revoir certaines choses, mais peut être vu de façon positive : ton point de vue personnel, ta propre subjectivité, joueront un rôle essentiel.
J'espère avoir bientôt le plaisir de te relire, n'hésite pas à poser toutes les questions qui pourraient te passer par la tête !
Jean-Philippe.