On y retourne !
Tiens j'évacue la chose tout de suite, tu demandais si les IRM étaient dangereuses pour la santé, la réponse est non, du moment que tu n'as pas des objets métalliques à l'intérieur du corps genre pacemaker etc. Mais tu es sans doute encore un peu jeune pour ça. J'ajoute tout de même un bémol : il y a quelque chose dont on ne connaît pas vraiment les risques à en prendre trop régulièrement, tout en soupçonnant qu'il puisse y en avoir, et pas qu'un peu, c'est le gadolinium (souligné, clique !). Une enquête est toujours en cours, pour ce que j'en ai compris.
Mais la question du jour était donc : dois-tu suivre ton instinct, de ne pas prendre de traitement de fond ?
En temps normal, c'est à dire dans d'autres circonstances, à la question de suivre son instinct je réponds toujours oui, en particulier parce que je n'ai jamais supporté me voir dicter par quelqu'un d'autre, le comportement que je devais avoir. Ici, c'est plus compliqué, il y a du pour comme du contre. Dans ma situation particulière, je n'ai jamais envisagé sérieusement de mettre le doigt dans un tel engrenage et les circonstances ont voulu que je ne regrette pas ce choix. Mais les circonstances changent d'une personne à l'autre, elles peuvent même changer avec le temps pour une même personne, et ma situation est
ma situation : en tant que telle elle ne peut donc être comparée à aucune autre. C'est ici que je te renvoie à la vérité première que j'énonçais au début de mon précédent message qui, tu l'as compris, n'avait d'autre but que de préparer le terrain pour celui-ci

.
J'ai revu mon neurologue historique pour la dernière fois au mois de juin, et c'était la toute première fois que je le revoyais depuis la lettre dont j'ai cité des extraits un peu plus haut dans ce fil : quinze ans déjà. Après quelques années d'
école de recrues à la Salpêtrière, où nous nous étions rencontrés, il était devenu, et est toujours aujourd'hui, chef du service de neurologie d'un hôpital parisien spécialisé dans la sclérose en plaques : en tant que tel, des patients atteints de cette pathologie, il en voit défiler plus en une semaine qu'un neurologue "de ville" n'en verra jamais de toute sa carrière.
Il m'a demandé ce que je prenais comme traitement, je lui ai répondu aucun, et après qu'un ange fut passé il m'a déclaré que j'étais le premier patient qu'il voyait depuis plus de dix ans, à ne prendre aucun traitement. Il a enchaîné en précisant que ce n'était pas lui et, plus généralement, pas les neurologues qui poussaient pour la mise en place d'un traitement (la France est sans doute un peu différente de la Suisse de ce point de vue

), ce que confirme la lecture de son courrier ; pas les neurologues donc, mais les patients. Il a poursuivi en me parlant d'un marché mondial de plusieurs milliards de dollars, que se partageaient les industries pharmaceutiques. Et il a conclu en me disant que si jusqu'ici les effets secondaires étaient assez bien contrôlés, en particulier sur les traitements les plus éprouvés que sont Avonex, Betaseron, Copaxone et Rebif, nul ne savait ce que réservait l'avenir, en particulier quand la dégénérescence du cerveau ne serait plus la chasse gardée de la sep, mais provoquée par l'âge du patient. Il m'a donné l'impression d'un gars un peu inquiet sur la question.
Les arguments en faveur d'un traitement, maintenant, sont très bien résumés dans ce document de la Revue Médicale Suisse :
https://www.revmed.ch/contentrevmed/dow ... 77/1192014. En particulier, un faisceau d'indices concordants (quoique principalement empiriques) semble indiquer qu'un commencement aussi précoce que possible du traitement entraînera un meilleur pronostic à long terme qu'un commencement plus tardif : il ne s'agit plus de simplement espacer des poussées, mais de déterminer dans quel état (score EDSS) tu seras dans vingt, trente, quarante ans et plus. Quand s'est posée pour moi la question du traitement, j'avais déjà passé dix ans en tête-à-tête avec la maladie : il était un peu tard pour parler de commencement précoce, et en plus cette importance d'un commencement précoce était une notion inconnue à l'époque. Toi, ça fait à peine plus d'un an, en supposant évidemment que je puisse enlever les guillemets autour de "première" poussée, et ça devient une toute autre affaire.
Pas facile, hein

.
Je ne vais donc pas te conseiller l'une ou l'autre option, simplement te dire de faire comme tu le sens. Mais, de la même façon qu'on ne "sent" vraiment un grand crû qu'après un examen minutieux, visuel, olfactif, gustatif, je te suggère de faire autant que possible reposer ta décision sur des éléments tangibles, factuels, qu'ils aillent dans le sens de ton instinct actuel ou pas. Ces éléments, je t'en ai donné quelques-uns ici, il y en a beaucoup d'autres, par exemple celui que tu es a priori, selon les indications que tu as donnée sur l'historique de ta sep, dans une situation
statistique de pronostic plus favorable que défavorable. Un seul indicateur est clairement défavorable, il s'agit du temps très court qui a séparé tes deux premières poussées (mais étaient-elles réellement les deux premières ?) : en général on considère que "favorable", c'est au moins un an, et plus volontiers deux, voire plus (comme dit l'adage, plus c'est long plus c'est bon) entre les deux premières poussées. Tous les autres sont
statistiquement favorables : première poussée monosymptomatique (un seul symptôme lors de ta première poussée), début de la maladie avec une névrite optique, symptômes exclusivement sensoriels sur les premières poussées, jusqu'au fait que tu sois une femme plutôt qu'un homme, tout ceci est de meilleur pronostic. Mais tu auras noté qu'il ne s'agit que de statistiques, et tu partages ta vie avec une petite bête vicieuse qui se fout de beaucoup de choses en général, et des statistiques en particulier.
Je t'embrasse,
Jean-Philippe.