Salut Patrick,
PatrickS a écrit :Tu oublie tout le gluten qu'on avale en plus par rapport à ces temps la.
Peut-être, peut-être pas. Ce qu'il faut commencer par faire est de le quantifier, comme sur un bon d'économat.
Je commence par estimer la consommation quotidienne de gluten en 1900, en supposant que le pain en était l'unique source (alors qu'il y en avait évidemment d'autres, l'estimation que j'en fais est donc une estimation
basse). Je t'invite à corriger mes éventuelles erreurs de calcul ou dans les estimations.
900 g de pain (produit fini) par jour et par habitant en 1900, ça nécessite à vue de nez 1350 g de pâte, composée à 50% de farine (afin de rester sur une estimation basse, je vais prendre exprès de la T80, pauvre en gluten), le reste étant de l'eau et du levain que je vais supposer totalement libre de gluten, donc encore une fois une estimation basse. En estimant une teneur en gluten de 5% sur la T80 (estimation basse encore une fois), j'obtiens 34 g de gluten par jour et par habitant,
au strict minimum.
Alors on consomme plus de pâtes alimentaires ? D'accord, en prenant une teneur en gluten de 15% dans les pâtes sèches (par exemple De Cecco) et une portion quotidienne de pâtes sèches de 80 g, ce qui est supérieur aux recommandations habituelles (normalement on devrait tourner à 125 g pour 2 personnes, soit un peu plus de 60 g par personne), ça me fait 12 g de gluten par (bonne) portion de pâtes.
On consomme plus de pizzas ? OK, la teneur en gluten de la farine "Tipo 00" utilisée pour les pâtes à pizzas les plus riches en gluten étant de 15%, une boule de pâte de 250 g (estimation particulièrement généreuse pour une portion individuelle : ça me ferait plutôt deux belles pizzas individuelles qu'une seule), composée à 60% de farine, le reste étant de l'eau, me donne 23 g de gluten.
Donc je reconnais : si je consommais
chaque jour deux belles pizzas (250 g de pâton) et une bonne grosse ration de pâtes, ces deux produits étant de loin les plus chargés en gluten de ce qu'arriverais à trouver aujourd'hui, j'arriverais à peu de choses près à la même consommation de gluten que le gluten qui était consommé
rien qu'à travers la consommation de pain en 1900 (à supposer donc qu'il n'existait à l'époque aucun autre mode de consommation de gluten, que le pain : par exemple, qu'on ne confectionnait jamais de sauce à base de farine, qu'on ne faisait jamais de gâteaux, etc.). On notera accessoirement que se nourrir quotidiennement de deux belles pizzas et d'une grosse ration de pâtes, du point de vue de l'équilibre alimentaire, c'est comment dire... assez perfectible, comme alimentation

: l'intolérance au gluten risque de ne pas arriver en tête de liste des préoccupations au sujet de la santé de la personne qui suivrait chaque jour un tel régime.
Le gluten rajouté aux farines car, comme tu les dit, les farines actuelles n'en ont pas assez. Il suffit d'aller chez pun professionnel des farines et voir la composition, ce que j'ai fait à l'époque ou j'avais mon restaurant).
Ce qui compte n'est pas la teneur brute d'une farine en gluten (en général on tourne autour de 8 à 12%), mais l'évolution de cette teneur brute au fil des années, comme l'évolution de la consommation de ce produit au fil des années. Note bien que je suis prêt à entendre l'argument : il n'est pas question de polémiquer ici, mais d'essayer de déterminer de quoi on parle au juste. Donc avant de l'entendre, il me faudra des éléments solides pour pouvoir en juger.
Après, je suis bien d'accord qu'il faut faire un minimum attention à ce qu'on avale. Une baguette de supermarché (ou même une baguette qu'on trouvera en boutique) sera volontiers fabriquée à partir de pâtons industriels qui auront le plus souvent été surgelés (la surgélation pour être transporté sous forme de pâton faisant partie intégrante du modèle économique de la vente de pseudo-pain en supermarché). Or, pour qu'un pâton supporte bien la surgélation, c'est à dire en particulier pour que la pâte conserve un semblant de bulles une fois cuite, il faudra en augmenter (un peu : quelques pourcents, pas plus) la teneur en gluten ; chose qui ne sera évidemment pas utile si le pain est pétri et cuit sur place, d'où une teneur plus faible en gluten des pains d'un vrai boulanger (1). Idem pour les pains de mie industriels en sachet : ici, l'ajout de gluten (un peu encore une fois) assure une conservation plus longue. Avaler de la merde, comme deux pizzas et une ration de pâtes par jour, ou du "pain" industriel qui n'a de pain que le nom, ou des plats tout prêts (plats en sauce dans lesquels on ajoutera du gluten pour donner un semblant de consistance à la sauce, par exemple) plutôt que faire la cuisine soi-même, selon moi ça relève du choix délibéré, auquel on arrive très bien à échapper à condition de s'en donner un minimum de peine.
(1) Ce n'est pas parce qu'on tombe sur une "boulangerie" de centre-ville qu'on peut en déduire que le pain est fabriqué et cuit sur place. Un bon moyen (pas infaillible, mais déjà assez efficace) pour le savoir est d'aller quémander dans la boutique quelques grammes de levure de boulanger, "je voudrais faire une brioche à la maison". Il m'est arrivé plus d'une fois que les serveuses roulent des yeux ronds en entendant une telle question, "ah mais non Monsieur, on n'a pas de ça ici !" : j'avais l'impression de leur avoir demandé si elles avaient une chambre à l'étage pour recevoir en privé leurs meilleurs clients. Inutile de préciser que chacune des fois où ça m'est arrivé, fut la dernière où je suis entré dans leur boutique (je dis "boutique" car elle ne mérite pas d'être appelée une boulangerie)

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Mais à vrai dire, peu importent ces considérations : en 1900 on consommait 900 g de pain par jour et par habitant, soit au moins 30 g de gluten, et on ne s'en portait pas plus mal. La raison en est que le gluten fait partie intégrante d'un régime équilibré, en particulier en tant que source d'apport en acides aminés essentiels, un régime pauvre en gluten étant susceptible d'entraîner une carence dans ces acides aminés. Il faudrait donc trouver par quelle autre source remplacer le gluten pour éviter une telle carence... Ce qui m'amène à ma grande interrogation : même en supposant que l'on consomme effectivement plus de gluten aujourd'hui qu'en 1900 (allez, admettons, c'est pour la bonne forme), ce dont il s'agit serait donc de
retrouver un équilibre ; or, supprimer toute source de gluten dans son alimentation ne revient évidemment pas à retrouver un équilibre, mais au contraire à partir dans l'excès inverse. Qu'est-ce qui justifie, donc, d'essayer de corriger une situation qu'on admettra préoccupante, en partant résolument dans l'excès inverse ?