wallis a écrit :Hello JP ! T'es en forme dis donc

Hier ça allait pas mal. Aujourd'hui plus difficile, ma femme est en vadrouille ce week-end et comme j'ai deux copains qui sont exactement dans la même situation, hier soir on s'est consolé en organisant un petit apéro vaudois entre mecs à la maison (17 h - 2 h du matin tout de même). Le réveil fut un peu difficile ce matin et au moment où j'écris, les brumes vaporeuses de Lavaux (smoke on the water ?) ne sont pas encore totalement dissipées...
Tu dis "comprendre tout à fait ma position sur la question des traitements", tu as donc un avantage considérable sur moi, car je suis toujours aussi perplexe. Je veux donc bien que tu m'en fasses un résumé à l'occasion

. Je suis en fait totalement d'accord avec ta phrase : "dans certains cas les traitements sont vains, pour d’autres cas, ils peuvent tout de même faire leurs preuves et limiter la casse". Je ne peux qu'être d'accord, puisque la chose est démontrée statistiquement. Le hic étant que pour un cas donné pris au hasard (toi, moi, Jonathan, qui tu veux), il est
impossible de dire, même après coup, si
dans ce cas le traitement a été vain ou s'il a limité la casse : rien ne permet de dire ce qu'aurait été l'évolution dans un contexte différent, en particulier rien ne permet de dire si elle aurait été meilleure ou plus mauvaise.
Supposons un patient sous traitement qui est passé en cinq ans d'un EDSS 0 à un EDSS 4. Ce n'est pas parce qu'il est passé de 0 à 4 que le traitement s'est montré efficace ni inefficace : l'inefficacité ne serait que démontrée si, sans traitement, le patient serait également passé de 0 à 4 (voire de 0 à 3, voire stationnaire à zéro). L'efficacité serait démontrée si, sans traitement, le patient aurait atteint un niveau d'EDSS supérieur. Problème : même a posteriori, on est totalement incapable de déterminer ce qu'aurait été l'évolution de ce patient, sans traitement. Totalement incapable hein, pas "on n'est pas bien sûr" ou "on fait ça au doigt mouillé et à la grosse louche" : totalement incapable. La vérité statistique n'est pas la vérité individuelle de chaque patient.
Dans les études qui démontrent l'efficacité des médicaments (je vais simplifier), on prend disons une centaine de patients qui présentent des caractéristiques relativement comparables (typiquement, sep récurrente-rémittente pour tout le monde, un EDSS compris dans une fourchette déterminée, disons entre 0 et 3, une fréquence des poussées elle aussi comprise dans une fourchette prédéfinie, etc.). On te divise ça en deux groupes, un à qui est administré le traitement qu'on veut tester, un autre à qui on donne du placebo à la place, ni les patients ni ceux qui administrent les produits ne savent s'ils donnent le vrai traitement ou le placebo, et à la fin de la durée de l'étude (qui dépasse rarement les deux ans, ce qui sincèrement me choque devant une maladie "à long cours" comme la sep) on regarde comment ont évolué les deux groupes. La mesure de cette évolution porte notamment sur la fréquence ou le nombre des poussées pendant la période de test, l'évolution des plaques visibles à l'IRM (facteur sur lequel certains traitements sont d'une efficacité redoutable, mais je te renvoie là dessus au paradoxe clinico-radiologique de la sep) et le score EDSS avant / après de chaque patient.
En règle très générale, l'évolution dans le groupe "traitement" sera meilleure que dans le groupe "placebo", oooh de façon peut-être pas colossale, mais statistiquement significative. Il n'en reste pas moins que certains "placebo" seront, à l'issue de la phase d'étude, en bien meilleure forme que certains "traitement", alors qu'ils partaient à peu près du même point. Et ces "certains" ne sont pas si rares.
Je ne dis donc pas (mais du tout) qu'il est inutile de se soigner, je n'ai d'ailleurs pas besoin d'aller plus loin que ce fil : alors que Jacques envisageait justement la possibilité de "pas de traitement", j'ai clairement répondu que si j'étais dans sa situation, je choisirais sans trop d'hésitation le Rebif.
wallis a écrit :A bien t’écouter, on serait parfois tenté de prendre la maladie avec un fatalisme total, YOLO, adviendra que pourra de toute manière, on n’y peut rien ! Je comprends le point de vue et certains jours je le partage complètement, mais certains autres, pas du tout. Ça dépend de l’humeur, de l’état de fatigue… Ce qui est sûr c’est que c’est un point de vue plus facile à défendre lorsque l’on a ton âge, ton expérience de la SEP et ton état de santé plutôt que lorsqu'on a 18 ans et un diagnostic tout frais.

. J'avais 27 ans quand j'ai reçu mon diagnostic, et la maladie depuis deux ans et demi. Ma nature profonde veut que je l'ai effectivement toujours abordée de manière fataliste, encouragé que j'ai été en cela par plusieurs amis médecins. Dans un premier temps, j'avais rapidement compris que la médecine était un peu paumée devant la sep et je nourrissais par conséquent beaucoup d'espoirs dans les progrès qu'elle ne manquerait pas de faire. Comme beaucoup de gens, je me rappelle encore où j'étais, ce que je faisais, le 11 septembre 2001. Et je me rappelle tout autant où j'étais (ministère des finances, Bercy) et ce que je faisais (je surfais sur internet dans une salle d'informatique à la pause de midi) quand j'ai compris que les corticoïdes n'avaient aucun impact sur les éventuels symptômes résiduels à l'issue d'une poussée, ni encore moins sur l'évolution de la maladie. C'est là que j'ai compris qu'à part le fatalisme, il n'y avait guère d'attitude à adopter face à la maladie, mais j'ai peut-être compris de travers

.
Je ne sais pas, sincèrement, si "on vit mieux aujourd'hui avec la SEP qu'il y a 30 ans". Il y a eu une avancée importante de la médecine sur la sclérose en plaques dans cette période et cette avancée a été l'introduction des critères de McDonald en 2001. Cette avancée éclipse de loin toutes les autres (parmi celles-ci, je mettrai par exemple les progrès techniques qui amènent une amélioration constante de l'imagerie médicale, mais à l'opposé, l'examen clinique neurologique version 2018, dont le rôle est aussi essentiel que l'IRM, est rigoureusement le même que celui qui se pratiquait en 1988 et même bien avant cette date. Les bolus de corticoïdes, pareil, et en 1988 les ABCR (Avonex, Betaseron, Copaxone, Rebif) seraient mis sur le marché une poignée d'années plus tard. Il y a 30 ans, en fait, et au delà des critères unificateurs de McDonald, une seule avancée essentielle manquait à la médecine sur la sep : la découverte de la cause de la sclérose en plaques, découverte sans laquelle la mise au point de traitements réellement efficaces était illusoire. On en est où, au fait, aujourd'hui

?
wallis a écrit :Bon, maintenant que j’ai dit tout ça, j’espère que vous serez tous présents pour m’épauler le jour où je me taperai ma première poussée sous Rebif
Méééé oui. En tout cas moi, je serai là

. Et je pense que de toute façon, dans ton cas ça va bien se passer, tu as la maturité nécessaire, la tête sur les épaules, tu ne nourris pas d'espoirs insensés.
Bisous tout plein !
Jean-Philippe.