Salut Khadija,
Mon cas est tordu, niveau diagnostic (j'espère que tu peux lire un roman) :
1986 (20 ans) : je suis entièrement paralysée, paresthésies sur tout le corps absolument énormes (le froid me paraissait brûlant, e vice versa, le doux paraissait rugueux, etc), forte diplopie, nystagmus important, je ne peux quasiment plus parler.
IRM (très rare à l'époque) : on voit des taches qui montrent que la myéline est bouffée à pas mal d'endroits. On me le montre.
Le professeur du service neuro de l'hôpital parisien où je suis soignée (qui était censé être LE spécialiste de la SEP de l'époque) me dit DROIT DANS LES YEUX : "vous n'avez pas la SEP". Il me le répète. Du coup, je dis, terrorisée par ce que je vis : "qu'est-ce que j'ai ? Est-ce que ça peut recommencer ?". "On ne sait pas si ça peut recommencer. On ne sait pas ce que c'est, mais vous n'avez pas la SEP" (...).
Enormes transfusions de cortisone (qui durent toute la journée à l'époque). 1 premier "mélange" ne fonctionne pas, mon état continue d'empirer. Le 2è mélange fonctionne. Je commence très lentement à récupérer. Ouf. Toujours terrorisée, mais ouf, la tendance est renversée. Entre-temps, j'avais quand même demandé à mourir tellement la situation était invivable mentalement pour moi.
Après tu connais sans doute le processus : cortisone en cachet et convalescence de plusieurs mois, le temps de récupérer.
Après, pour résumer, j'ai eu régulièrement des problèmes, même si je n'ai jamais plus eu une poussée d'une telle ampleur.
Au tout début la seule chose qui me reste, c'est la fatigabilité, et un équilibre moins bon qu'avant. Les poussées ensuite sont plus faibles, mais elles existent bel et bien. Au fil du temps, les problèmes s'accumulent quand même.
Pour mon malheur (tu comprendras plus tard pourquoi), pendant 18 ans, j'ai continué à consulter dans ce même hôpital, même service, donc. Je tombais sur des internes qui avaient mon dossier sous le nez (au bout d'un moment le fameux soit-disant grand professeur est parti à la retraite), et me disaient de me reposer et prendre... de la vitamine B ! Toujours rien sur la SEP, et quand je parlais de séquelles pour tenter de comprendre ce qu'il m'arrivait, on me répondait "oui oui c'est des séquelles", et on refermait le dossier.
En 96-97, je m'intéresse aux méthodes et alimentations alternatives. Je tombe sur le livre de Kousmine : "la SEP est guérissable". Tous les symptômes décrits sont les miens... Grand trouble. J'adopte la méthode Kousmine, basiquement, et ne sais quoi penser avec l'avis contradictoire du "milieu médical officiel"...
J'ai continué ma vie comme je pouvais. On ne parlait pas couramment de la SEP à ces époques, contrairement à maintenant.
Effectivement, le repos me faisait du bien mais... J'ai beaucoup galéré au niveau professionnel et personnel, avec tout ça, comme tu peux te douter.
Arrivée en 2003, j'essaye de sortir d'une période chômage en préparant un concours. Grosse tension. Me retrouve encore avec des grosses pertes d'équilibre, des pb de proprioception, nystagmus, une fatigue incommensurable, pb de concentration, sautes d'humeur, douleurs diffuses... Ca fait un moment que je ne suis pas allée à l'hôpital parce que j'en ai marre d'entendre "reposez-vous et prenez de la vitamine B". Pas besoin d'eux pour ça. Du coup, je parle de tout ça à une des filles avec qui je prépare le concours. Elle est fille de médecin et me dit : "c'est curieux, on dirait vraiment tous les symptômes de la SEP, ce que tu me racontes..." Du coup, je me dis que je vais prendre le taureau (insaisissable) par les cornes : j'arrache un rendez-vous à l'hôpital rapidement (d'habitude il faut 2 mois), et arrivée devant la énième interne en neuro je lui explique mes pb, en lui faisant comprendre que le coup "repos-vitamine B" j'en ai ras le bol ; elle dit "irm". Je fais. on se revoit en janvier 2004. Elle commence à tourner autour du pot, alors qu'il y a pas mal de lésions. Là, je l'arrête, et je lui dis : "pouvez-vous me dire que CE N'EST PAS LA SEP ?" Après un moment de silence et les yeux un peu hagards, elle me répond : "heu, non, je ne peux pas vous dire ça. C'est une forme de SEP"... Là, après 18 ans de galères, je peux enfin me poser : j'ai une réponse (même si formulée de la façon pas la plus directe...)
En même temps, elle ne me fait faire AUCUN examen supplémentaire, et ne me prescrit aucun traitement donc, à part de la vitamine... C (ça ne s'invente pas), et du repos (en pleine préparation de concours c'est facile), parce que je lui avais dit que "repos-vitamine B" j'en avais ras le bol...
Je réussis le concours (je ne sais pas comment avec tout ça

) 65 candidats reçus sur presque 600 présentés.
Galères neuro pendant ma 1ère année après le concours, mais comme je n'ai aucun suivi et aucun traitement, je me fais arrêter pour sciatique (c'est vrai qu'entre autres j'ai une sciatique carabinée).
Je change de lieu de travail l'année suivante, et me retrouve avec des heures supplémentaires "obligatoires" à faire et une surcharge de travail. Parfait dans mon cas, mmmfff, mais j'arrive à donner le change. Je m'épuise à la tâche, mais "ça tient" grosso modo (à court terme).
L'année suivante j'arrive à obtenir un allégement de mon temps de travail (salaire allégé aussi bien sûr). Malgré cela, je me sens épuisée. Je n'arrive plus à récupérer des forces quand je me repose. Je continue à travailler quand même. La qualité de mon travail s'amoindrit bcp. Je ne veux pas m'arrêter ; je pressens une poussée plus ou moins consciemment, et n'étant pas bien suivie, j'essaye d'avancer contre vents et marées. J'ai pas mal de pertes d'équilibre, pb oculaires, etc.
Arrivée en juin 2007, je me fais arrêter pour sciatique, mais en fait je fais aussi une poussée en bonne et due forme.
Je fais des bolus de cortisone en juillet, par une neuro de la région où j'étais arrivée après le concours (j'ai oublié, j'avais déménagé 2 fois après le concours). Elle me dit de trouver plus près de chez moi. j'en trouve une beaucoup plus près. Qui saisit que j'ai une SEP au vu des différentes IRM, qu'il faut me suivre, et me prescrit du Bétaféron. Mais je ne la sens pas des masses, elle l'air d'un bouquin vivant, mais n'a aucune conscience de l'individu qu'elle a en face. Je rencontre par mon kiné d'alors un monsieur qui a la SEP, a eu une activité Groupe de parole SEP, et me dit de plutôt consulter à la Salpêtrière (je suis ds région Paris) ou sa propre neuro, et en tous cas ailleurs qu'auprès de la fameuse neurologue du coin...
La neuro du monsieur et la Salpê m'envoient balader : la neuro me dit de consulter dans ma région (elle est dans un autre département et ne prend plus de patients "d'ailleurs"), et la Salpê ne prend que sur lettre de médecin. Le monsieur SEP n'est pas médecin.
Je consulte à Paris au pif. Et là, ENFIN, je tombe bien ! Très bien même. Le neuro se rend compte que j'ai été complètement laissée à l'abandon (a été élève du fameux grand professeur de 86, et me dit qu'il n'était pas génial comme prof), me fait faire irm, potentiels évoqués, ponction lombaire, et tests neuro de base... Il donne un diagnostic PRECIS de SEP, et me prescrit de l'Avonex ! Nous sommes en 2008 !
Voilà pourquoi je dis que j'ai eu ma 1ère poussée en 86 et ai été diagnostiquée en 2008...
Mais dans l'absolu ça reste faux, car J'AI ÉTÉ DIAGNOSTIQUÉE SEP EN 1986 par le fameux professeur à la noix qui m'a répété à l'époque que je n'avais pas la SEP. Simplement j'ai appris de façon imprévisible en 2012 qu'on m'avait MENTI sur mon diagnostic pendant toutes ces années !
J'espère que tu es toujours là, y a du rebondissement
Je te passe les détails sinon, on y est encore demain, mais j'ai appris que ma mère avait dit aux médecins tout de suite après le diagnostic en 86 de me cacher la vérité (elle me voyait ramer et demander ce qu'il m'arrivait, mais ne voulait pas que je sache la vérité, plus pour se protéger elle, que moi). Elle l'a caché aussi à un de mes frères, et mon père. 2 de mes frères et mon oncle étaient au courant, mais avec l'injonction de ne rien me dire.
Côté médical, en fait, comme je consultais toujours dans le même hôpital jusqu'en 2004, les petits internes de service voyaient dans le dossier médical qu'on ne devait pas parler de SEP (et donc la prendre en charge), donc ils se la fermaient, jusqu'à ce que je prenne l'interne de 2003-4 "au col"... Et surtout que je change d'endroit pour me faire suivre.
Tu vas peut-être penser que j'aurais dû consulter plus tôt ailleurs, mais il faut voir que, d'une part mon généraliste aussi me cachait le pb bien qu'au courant, et d'autre part à ces époques-là, on allait moins facilement d'un médecin à l'autre pour avoir du diagnostic différentiel. C'était moins dans les moeurs. Et puis... Je ne suis pas une spécialiste du MENSONGE (médical notamment), et je ne m'attendais pas à ce que, non seulement on me cache la vérité alors que je la réclamait depuis le départ, mais en plus qu'on me dise sciemment que "ce n'est pas la SEP", alors qu'on l'a diagnostiquée depuis 86 (ils auraient pu simplement dire qu'ils ne sauvaient pas, à la limite) !!!
Voilà, Khadija, je pense que tu comprends pourquoi je te disais que c'était tordu. Et long.
PS : ne me demande pas quels rapports j'ai avec ma mère depuis qqs années, merci
