Salut Illimani,
Illimani a écrit :Le nombre de malades en France a plus que doublé en vingt ans. Y a-t-il une explication à cette explosion du nombre de cas ?
Plein d'explications possibles, aucune formellement démontrée : on en est réduit aux hypothèses. Mon opinion sur le sujet (non démontrée donc) est que cette explosion serait avant tout le résultat de critères diagnostiques de moins en moins stricts (j'envisage la possibilité d'autres causes, mais accessoires). Les critères diagnostiques de McDonald sont apparus il y a 22 ans (on fête leur anniversaire bientôt, d'ailleurs), révisés en 2005, 2010, 2017 et on est
certain que chaque nouvelle version des critères, diagnostique en tant que sep des cas qui ne l'auraient pas été avec la version précédente.
Cette explosion de la prévalence n'est pas la seule évolution intéressante, au cours des vingt dernières années : une autre est l'évolution de ce qu'on appelle le sex-ratio, i.e. la ventilation H/F des cas diagnostiqués. Il y a (un peu plus de) vingt ans, le sex-ratio était de 2 hommes pour 3 femmes (2:3), autrement dit tu avais deux sépiens pour trois sépiennes. Aujourd'hui il est d'un seul homme pour 3 femmes. Si tu fais entrer ces deux éléments de connaissance (évolution de la prévalence + évolution du sex-ratio) dans la même équation, tu te rends compte en fait que la prévalence de la sep chez les hommes n'a pour ainsi dire pas bougé au cours des vingt dernières années, c'est l'évolution de la prévalence chez les femmes qui représente l'essentiel, pour ne pas dire la totalité, de l'augmentation générale du nombre de cas. C'est à dire que pour intégrer une constante temporelle dans les ratios, tu es alors passé d'un sex-ratio H:F de 2:3, à 2:6 (au moins).
Également les chiffres indiqués par les instances sanitaires ne sont que des estimations : pourquoi n'avons-nous pas le nombre exact declaré par l'Assurance Maladie (ALD) ? Est-ce à dire que beaucoup de personnes diagnostiquées de sclérose en plaques seraient sans traitement ni aucun suivi médical ?
Toi, tu n'as jamais bossé dans la haute administration

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Il y a fort longtemps, j'étais consultant externe pour quelques ministères, notamment le ministère des finances à Bercy et en particulier la direction informatique du bureau du personnel. La DRH si tu préfères, mais toute l'informatique, ce qui incluait en particulier les versements des traitements de tous les fonctionnaires rattachés au ministère des finances, et il y en avait un paquet. Les équipements étaient le dernier cri de ce que tu pouvais trouver et, de mémoire, ils étaient déjà plus d'une centaine de fonctionnaires à bosser rien que dans cette seule direction informatique. Le directeur informatique m'avait une fois sorti, plein de fierté encore, un truc qui m'avait laissé sans voix : il pouvait estimer
à 100 près, le nombre de
directeurs qui bossaient sur
le seul site de Bercy (je ne te parle pas des vulgaires cadres A : des
directeurs). Relis cette phrase plusieurs fois, savoure-la bien.
(Par pudeur, je ne dirai rien de la fois où j'étais allé faire mon business au ministère de la justice, où ce qu'ils avaient du mal à dénombrer de façon précise était... le nombre de pensionnaires aux frais de l'état que contenaient les prisons).
Mais c'était il y a très longtemps hein, ça a forcément dû changer depuis (mpffffrrt

).
Pour en revenir au cas particulier de l'assurance maladie, il faut savoir qu'il y a plusieurs régimes distincts, chacun faisant sa propre tambouille : tu as le régime général, le régime agricole, et une poignée de régimes dits "spéciaux" (enfin une poignée... 27 régimes spéciaux, si je me rappelle bien). Les régimes spéciaux vont par exemple s'occuper des militaires, des marins, des employés d'EDF, de la SNCF, de la RATP, etc. : non seulement la liste est longue, mais en plus la proportion de la population française concernée est loin d'être insignifiante. Va t'y retrouver, dans ce fatras

!
Ensuite, je ne vais pas nier que certains cas échappent à la couverture radar, puisque c'est notamment le mien : je n'ai jamais déclaré d'ALD à la sécu française (ni d'aucun autre pays d'ailleurs) et, si j'étais toujours résident français (ce que je ne suis plus depuis un moment un peu moins long que quand je bossais pour des ministères), je n'aurais toujours pas déposé de dossier d'ALD. La dernière fois que j'ai vu un neuro remonte à il y a bientôt cinq ans, ma dernière IRM à 2016 et je n'ai jamais pris de traitement de fond. Je ne pense pas que mon cas soit exceptionnel.
Ce qui pose tout un tas de problèmes pour établir des statistiques à peu près pertinentes, notamment pour ce qui concerne l'évolution statistique de la pathologie sur le long terme : si les statistiques ignorent les cas qui, comme le mien, ont estimé n'avoir besoin ni de suivi ni d'ALD (nous sommes déjà quelques-uns rien que sur ce forum), elles vont de facto se retrouver avec un biais qui va surreprésenter les formes les plus actives de la pathologie. Et devine quoi, ce sont évidemment ces statistiques biaisées qui vont servir de base aux diverses communications à destination des patients...
Je te laisse digérer tout ça

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Jean-Philippe.