Coulinette
Linette2021 a écrit :Je ne comprends pas quand ils disent qu’un traitement réduit la charge lésionnelle de 80%mais les pousses de 30%… il n’y a pas un lien entre charge lésionnelle et pousssess? Quelle utilité de réduire la charge lésionnelle si ça ne réduit pas les pousses et donc l’handicap à long terme? Merci.
La charge lésionnelle a ceci de pratique qu'elle est factuelle, observable et quantifiable à l'IRM. Sans doute pour cette raison qu'elle fait régulièrement partie des "outcomes" qu'on définit avant de lancer une étude de phase 3 sur un médicament quelconque : en plus une réduction de 80% impressionnera toujours le lecteur, au point de lui faire oublier de vérifier l'état clinique des patients

. Il se trouve par ailleurs que plusieurs traitements contre la sep annoncent des réductions de la charge lésionnelle assez considérable (sans considération de leur efficacité clinique), chose qui est subodorée en général dès la phase 2. On ne peut pas en vouloir au labo, dans ces conditions, de choisir de mettre un gros coefficient, dans son étude de phase 3, sur sa "matière forte"...
La charge lésionnelle sinon, c'est les lésions, les plaques, que celles-ci soient actives ou anciennes. Un épisode inflammatoire s'accompagnera toujours de l'apparition d'au moins une nouvelle lésion, ou de la réactivation de l'inflammation sur une ancienne lésion ; mais beaucoup plus qu'une seule peuvent apparaître (ou être "rallumées"...) d'un coup : j'en avais ainsi bien plus d'une dizaine sur la seule poussée qui m'avait valu mon diagnostic en 1995, c'est à dire que même si je n'avais connu que cette poussée, elle suffirait pour que je présente une charge lésionnelle élevée, encore aujourd'hui ; en revanche, j'ai un rythme d'atrophie cérébrale bas.
Cette ou ces lésions qui s'activent, ou se réactivent, lors d'un épisode inflammatoire, ne seront pas forcément toutes symptomatiques et il pourra même arriver, à l'occasion, qu'aucune de ces lésions activées par l'épisode inflammatoire ne provoque le moindre symptôme ; on ne pourra alors plus parler de poussée en bonne et due forme, puisque la poussée a besoin d'au moins un symptôme pour exister. Cependant, tel que cela sera vu à l'IRM, ça sera bonnet blanc - blanc bonnet : bien malin serait celui qui, sur deux clichés différents mais d'apparence similaire, pourrait dire lequel correspond à une poussée symptomatique, et lequel ne s'est accompagné d'aucun symptôme. S'il existe tout de même une
vague corrélation (statistique) entre la charge lésionnelle et l'état clinique des patients, celle-ci reste fort médiocre, d'où la notion évoquée ailleurs de paradoxe clinico-radiologique.
Si une poussée clinique s'accompagnera toujours d'au moins une zone d'inflammation (lésion active), l'intensité et le nombre des symptômes de cette poussée sera relativement décorrélé du nombre de ces lésions actives. Une seule lésion pourra provoquer plusieurs symptômes, comme plusieurs lésions pourront n'en provoquer aucun. Bref

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Mézalors, pourquoi se prendre la tête avec cette notion de charge lésionnelle ? Deux excellentes raisons à cela, à mon avis les meilleures du monde : 1. parce que c'est facile à mesurer et à intégrer à une étude de phase 3 (cf. plus haut) et 2. parce que certains traitements sont de vrais tueurs de charge lésionnelle. Marketing bigpharma, tout ça

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Sauf que

. Tu te rappelles sans doute la différence profonde, évoquée ici il y a peu, entre "RAW" et "PIRA". Rappel : RAW c'est Relapse Activity Worsening, l'aggravation clinique causée par les poussées ; PIRA c'est Progression Independent of Relapse Activity, l'aggravation clinique qui survient indépendamment des poussées. Entre RAW et PIRA, plusieurs études concordantes indiquent que c'est PIRA qui va de loin provoquer, quoique pas tout de suite, plus volontiers au bout de quelques années, les ravages les plus étendus. Or, les traitements actuels se sont tous focalisés sur RAW, c'est à dire sur poussées et charge lésionnelle, alors que contre PIRA, pschittt, plus personne. Cela avait
dès 2007 poussé un brillant neurologue lyonnais, le Pr Confavreux, à faire cette observation :
https://sante.lefigaro.fr/actualite/200 ... se-plaques, "la progression inéluctable et irréversible du handicap ne serait pas liée aux poussées de la maladie
(comprendre : RAW), mais à une dégénérescence diffuse chronique du cerveau
(comprendre : PIRA)" ; "la vitesse d'accumulation globale du handicap n'est pas influencée par la présence ou l'absence de poussées".
Le Pr Confavreux est décédé il y a déjà un moment, mais son flambeau a été repris par son bras droit, le Pr Sandra Vukusic. Elle a depuis noté une efficacité relative des traitements de fond actuels pour ralentir le rythme de progression du handicap et de l'atrophie cérébrale, ce qu'on peut être tenté de comprendre comme étant une efficacité contre PIRA. Sauf que cette efficacité ne s'exprimerait pas à travers PIRA, mais à travers RAW : quand une même zone du cerveau fait l'objet d'atteintes inflammatoires récurrentes (rien n'interdit à l'inflammation de taper plusieurs fois pile au même endroit), alors les neurones finissent par crever du seul fait de cette répétition d'attaques inflammatoires, ce qui aboutit à terme à l'apparition d'une atrophie cérébrale dans ces endroits (qu'on décrit en radiologie comme étant des "trous noirs"), trous noirs qui ont donc RAW pour seule origine. Lutter contre RAW permet donc de lutter contre cette forme d'atrophie cérébrale en particulier, qui ne représente que la partie émergée d'un iceberg beaucoup plus imposant ; mais tu noteras que pour modeste que soit le résultat, il reste évidemment toujours bon à prendre.
Et donc, contre PIRA, on est toujours sec...