Bloub Bloub,
Bloub a écrit :Alors non, dans mon cas, c'était plutôt balades tranquillou à droite à gauche, ni commando, ni longue méditation avec un âne
A la décharge de mes copains, ils avaient tellement surévalué leurs capacités qu'ils avaient choisi de se trimballer des sacs à dos de 22 kg (pour un poids pareil ils avaient dû emmener la télé, l'argenterie pour les repas, la demi-carcasse de bœuf, etc.). 22 kg, si t'es pas Sherpa, laisse tomber...
En fait, au cours de cette dernière virée dans les Cévennes, il y a déjà quelques années (avant que la SEP ne toque à ma porte), ce qui m'avait le plus étonnée était la panique en voiture dans les routes montagneuses. Dès qu'il y avait du vide au bord de la route (même avec un petit espace entre les deux, ou même avec quelques espèces de rambardes ou plots en bois), j'étais vraiment en panique. Si j'étais au volant, je ne dépassais pas 10 ou 20 km/h en ligne droite, moins dans les virages

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Aouah comment ça m'aurait rendu fou de me retrouver bloqué derrière toi

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J'avoue ne pas connaître ce que donne la conduite à la Sébastien Loeb dans les Cévennes, pour ça je me satisfais amplement des routes alpines

. Je me rappelle cependant que bien qu'ayant passé mon permis à Grenoble avec un moniteur qui avait consacré beaucoup de temps à m'entraîner à rouler aussi vite que possible sur les routes de montagne
(dans le respect de la réglementation en vigueur, cela va de soi), bin je connais en Corse quelques routes où mon attitude se rapproche de la tienne dans les Cévennes ; d'autant plus que quand tu t'arrêtes au bord de l'une de ces routes pour admirer le paysage, en regardant bien au fond du ravin tes yeux s'arrêteront toujours sur quelque épave qui a fini calcinée pour avoir loupé un virage... Cette appréhension est tout de même, pour ce que j'en ressens, indépendante de l'acrophobie.
Alors je laissais le volant à mon acolyte pour éviter de fâcher les locaux, mais alors je m'agrippais comme une dingue à mon siège, au toit de la bagnole, à tout ce que je pouvais agripper
Ma femme fait pareil dès que j'augmente un poil le rythme en voiture, mais je soupçonne que dans son cas ce n'est pas par peur, c'est juste une aimable manipulation de sa part pour me rappeler à l'ordre en silence
Autre circonstance où je me sens mal : quand il y a du vide des deux côtés...
C'est assez proche de ce que je ressens à pied (cf. ma deuxième photo), sauf que si tu me mets un parapet (corde...), ça m'enlève toute appréhension. Ah aussi sinon, tu connais ce qu'on appelle le "pont de singe" ? J'ai eu un mal de chien à en trouver une description sur internet, mais
la voici, piquée sur un site de scoutisme (j'avais quant à moi pratiqué la chose pendant mon école d'officiers, ce qui n'est pas si éloigné du scoutisme...). En gros, l'idée est qu'on te tend une corde au dessus du vide entre deux points (en l'occurrence c'était deux arbres) et tu traverses tout ça en rampant
sur le ventre. Je te rassure, nous étions tous assurés par ailleurs (si quelqu'un tombait du "pont de singe", une autre corde l'empêchait de s'écraser au sol) et c'était juste trop génial.
Des méthodes efficaces, dit-on, existent pour lutter contre la peur du vide ; j'avais, au détour d'un apéro, évoqué la chose à mon voisin psychiatre (le mari de la neurologue), en prenant justement mon exemple du sentier amplement large (50 cm) mais bordé de chaque côté d'un vide tel que si tu trébuches en dehors du sentier, c'est la mort assurée. Il m'avait juste répondu que c'était
peut-être un peu normal d'avoir les chocottes dans un endroit pareil, que c'était
peut-être grâce à ça que j'étais toujours en vie aujourd'hui, et que par conséquent dans un cas comme le mien il ne lui viendrait pas à l'idée de traiter (mais qu'il pourrait, s'il le voulait). Mouais

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J'ai trouvé
cet article très bien fait sur la peur du vide, avec en plus une illustration qui tombe à pic, je t'invite à le lire. Un élément important de l'acrophobie vient sans doute des informations que te donnent tes yeux : il y a une vingtaine d'années, j'avais fait (avec mon binôme, comme il se doit) le Grand Ferrand, dans le massif du Dévoluy. On avait grimpé ça sans aucune difficulté, et pourtant la description qu'en donne Wikipedia est redoutable : "
à l'approche du sommet, quelques pas d'escalade parfois exposés à de profonds à pics sont nécessaires". Sauf que quand nous nous sommes retrouvés "à l'approche du sommet", les nuages sont arrivés, avec une visibilité qui ne dépassait pas 10 mètres : n'ayant absolument pas conscience du vide qui nous entourait, bah c'est passé tout seul

. Il faudra que je le réessaye par beau temps, pour voir...
Mais du coup, je me dis qu'en ayant complètement les pieds dans le vide, sans être à raz du sol, ça a de bonnes chances d'être complètement différent. Et là, peut-être bien que le seul moyen d'en avoir le coeur net serait d'essayer.
Un truc que tu pourrais tester, c'est la descente en rappel, la difficulté principale étant que dans un premier temps, bah il faut commencer par arriver à l'endroit d'où tu vas descendre. Et idéalement, un rappel en surplomb, c'est à dire un où tu vas te retrouver suspendue en l'air pendant tout ou partie de la descente (en plus, en rappel, tu tournes le dos au vide et tu ne vois donc pas l'endroit où tu vas atterrir, en particulier pas quand tu te lances). J'en ai une fois fait un comme ça, de cinquante mètres, c'est sûr qu'au moment de te lancer dans l'inconnu ton rythme cardiaque prend quelques pulsations supplémentaires à la minute

, mais une fois que tu es en suspension dans le vide, toute l'appréhension s'envole et ce n'est plus que du bonheur.
autant avec un équilibre plus précaire (genre Romberg complètement foireux)
Le Romberg peut devenir "complètement foireux" du fait de plusieurs causes distinctes, comme une proprioception déficiente (atteinte volontiers médullaire), un syndrome vestibulaire (oreille interne) ou un syndrome cérébelleux. Il a donc plusieurs façons différentes de s'exprimer ; il trahit chez moi cette vieille ataxie cérébelleuse, mais comme il est gentil il se contente de le faire "discrètement"...
Mais en perdant de vue la terre ferme où reposent mes pieds, j'aurais plutôt bon espoir que la cohérence du truc (pas de pieds, de chemins avec du vide, juste l'air et ses mouvements à exploiter) évite la panique.
Plus je te lis, plus je me dis qu'une bonne séance de (descente en) rappel s'impose

: en rappel tu es donc suspendue dans le vide, tu descends le long d'une corde grâce à un descendeur (qu'il soit matériel ou réalisé avec les moyens du bord, peu importe), en gros c'est toi qui, avec l'action de tes mains sur le descendeur, contrôle ta vitesse de descente, le principe étant que si tu lâches tout, la descente s'arrête automatiquement (s'il faut "faire un effort" pour descendre, aucun n'est nécessaire pour s'arrêter). Je pense par ailleurs à tes pieds qui ont perdu de la sensation : la vitesse à laquelle tes pieds vont toucher le sol excède rarement celle d'un saut depuis une hauteur de quelques dizaines de centimètres. Dans le pire des cas il faudrait que quelqu'un descende avant toi, pour t'indiquer quand le sol commence à se rapprocher.
Il n'y aurait pas un club qui te proposerait la descente en rappel des falaises de Mers-les-Bains

? Il y a un Club Alpin Français à Amiens, par exemple, et un autre au Havre.
Du coup au pire, je passe 1/4h en panique, blanche comme un linge, et me dis plus jamais ça ! Possible aussi que ça me donne envie d'y retourner au plus vite...
L'avantage avec le parapente c'est que tu commences par descendre une colline en trottinant, ce qui n'a rien de vertigineux. La vitesse aidant, elle gonfle la voile et tu te retrouves d'un coup suspendue en l'air, mais la transition entre le plancher des vaches et le gaz est comparable à celle d'un simple saut qui serait un peu amplifié.
Caribou Caribou,
En parlant de sortir de sa zone de confort et dépasser ses limites, celle-là en est une toute belle ! C'est tellement à pic !
La maison de mes parents est dans la vallée du Grésivaudan juste en face : en gros ces trois pics ont passé des années à me narguer, sur l'air connu de "alors, tu montes, mon mignon ?"

. Et aujourd'hui, à chaque fois que je rends visite à mes parents, j'envoie aux trois pics de longues œillades emplies d'amour...
La grosse différence que je vois entre la photo 1 et 2, c'est la présence d'un assurage et d'un guide sur la première et absent sur la deuxième. Ça joue vraiment beaucoup !
Oui, du tout au tout. Peu de temps auparavant j'avais fait le
Mont Aiguille, forteresse très impressionnante d'où que tu la regardes, j'avais évidemment là aussi pris un guide, et la forteresse imprenable s'était, au bout du compte, tellement facilement laissée conquérir que j'en avais ressenti une profonde frustration ("Club Med", "trop facile"). J'avais alors fait une sorte de règle de trois dans ma tête :
(Mont Aiguille + guide) => fun = 1,
(x + guide) => fun = 5,
Trouver x ! 
.
Il y a peu, j'ai expérimenté le plongeon du haut d'une falaise...

J'ai rarement autant hésité de ma vie ! Ça m'a pris au moins 10 minutes, je posais des milliard de questions au gars qui nous accompagnait sur ce qui pouvait m'arriver, ça tournait en boucle dans ma tête et finalement j'ai arrêté de réfléchir et j'ai sauté !

J'y suis retournée deux fois, le premier saut était de 6 mètres et le deuxième de 10 mètres, l'eau est totalement noir en dessous, on voit rien (mais on sonde la rivière avant de sauter bien-sûr !) J'ai sérieusement dû me mettre un coup de pied aux fesses pour sauter !
Rien qu'en piscine, plonger d'un plongeoir de 5 mètres commence à faire un peu réfléchir au sens de la vie, alors j'imagine... 10 mètres ça doit vraiment te faire kiffer ton existence.
Mais je regrette pas de l'avoir fait. Je pense que l'idée d'avoir la SEP m'aide à faire ce genre de chose parce que si je le fait pas aujourd'hui, est-ce que je serai encore capable de le faire demain ?
Marrant, j'étais exactement dans le même état d'esprit dans les années qui avaient immédiatement suivi mon diagnostic : "c'est toujours ça qu'elle ne m'aura pas empêché de vivre !"
J'espère que Margot ne m'en voudra pas trop de pourrir son topic...