Yo,
Myblu a écrit :Mais au quotidien, comment savoir si c'est un symptôme plus ou moins permanent ou une poussée ?
Un symptôme "plus ou moins permanent" présente une certaine... permanence. Si cela fait plus de trois mois (normalement ça disparaît plus vite que ça, quoique pas toujours) que tu le ressens sans amélioration particulière, tu peux considérer que c'est installé, ou plutôt que ça va peut-être finir par partir, mais qu'alors ça va vraiment prendre du temps. Je m'étais par exemple trimballé une fatigue résiduelle d'une poussée survenue au début de l'été, jusqu'au printemps suivant. Elle avait fini par disparaître et ne m'a jamais plus embêté, ... sauf en cas de poussée. En général dans un cas pareil tu arrives à l'identifier, puisque c'est un symptôme que tu associes à telle poussée précédente, et qui depuis la fin de cette poussée décroît plus ou moins vite.
Si c'est un symptôme typique de la sep mais que tu n'as encore jamais rencontré jusqu'ici, il y a de grooooosses chances pour qu'il soit provoqué par une poussée en cours.
Quand en revanche c'est la subite réapparition d'un symptôme déjà rencontré, ça se corse

:
- soit ça peut être provoqué par une poussée qui s'attaque à une fonction nerveuse déjà atteinte lors d'une poussée précédente. C'est relativement fréquent (j'insiste sur le "relativement"). Il y a alors une démyélinisation supplémentaire.
- soit il s'agit d'une aggravation temporaire d'anciens symptômes, provoquée par exemple par la chaleur, le stress, le manque de sommeil, une infection quelconque, etc. Il n'y a dans ce cas pas de nouvelle démyélinisation et on n'est donc pas en présence d'une poussée.
Simple, non ?
...
J'anticipe ta prochaine question : mais comment diable distinguer entre les deux ?
Bin c'est pas facile du tout, même (voire en particulier) pour les neurologues. Le meilleur juge de paix dont on dispose est l'IRM avec gadolinium (produit de contraste) : si une IRM passée alors que tu éprouves ces symptômes montre des zones qui réagissent au gado, alors cela démontre une rupture en cours de la barrière hémato-encéphalique. En clair, ça veut dire que les lymphocytes qui provoquent l'inflammation sont libres de passer du sang vers l'intérieur du cerveau, puis d'y provoquer une inflammation, chose qui leur est interdite en temps normal. Si c'est le meilleur juge de paix, il n'est pas non plus infaillible : une IRM réagira positivement au gado en cas d'épisode inflammatoire asymptomatique (donc pas poussée), or rien n'interdit d'avoir simultanément un épisode asymptomatique (pas poussée) et une réminiscence non-démyélinisante (pas poussée non plus). Mais bon...
Un autre bon juge de paix est la disparition rapide des symptômes une fois qu'on a réussi à agir sur leur cause. Si par exemple, alors que tu présentes ta réminiscence de symptômes, tu es victime d'une infection, qu'on traite cette infection et que les symptômes disparaissent sans autre, alors pas poussée. Le protocole hospitalier pour définir une poussée interdit d'ailleurs de diagnostiquer (puis de traiter) une poussée si le patient présente de la fièvre : dès 38°C et au delà, tu te fais envoyer sur les roses. Une des raisons est que la fièvre est la traduction courante d'une lutte de ton système immunitaire contre une infection en cours. Or le traitement de la poussée est typiquement à base d'anti-inflammatoires puissants (stéroïdes) et administrer des stéroïdes alors que ton organisme lutte contre une infection, revient le plus souvent (manifestement pas toujours, mais bref...) à laisser le champ libre à l'infection, qui va pouvoir s'en donner à cœur joie -- ce que personne ne souhaite. On rencontre ce même mécanisme, de disparition rapide des symptômes une fois que tu as agi sur leur cause, avec le phénomène d'Uhthoff (clique !).
Une autre façon de trancher est si une IRM que tu passes plus tard, est parfaitement superposable à une IRM que tu auras passée auparavant : pas poussée. Cela n'exclut pas totalement la possibilité d'une poussée ayant ciblé précisément une zone déjà atteinte, mais il y a de bonnes chances pour que pas. Tu seras d'ailleurs ravie de découvrir que le doigt mouillé du neurologue (les probabilités, si tu préfères, ou encore pile ou face) est un outil diagnostic très utilisé

. Les neuros préfèrent quant à eux utiliser le terme de "subjectivité", mais la signification en est la même.
Quand j'avais été diagnostiqué (ça remonte donc à vingt-cinq ans en arrière), mon neuro m'avait dit que surtout, si je sentais venir une nouvelle poussée, alors il fallait que je file à la Salpé (c'était là que ça se passait) pour qu'on me colle illico sous corticoïdes. J'avais répondu que oui bon d'accord, mais... comment je reconnaîtrai si c'est une poussée ? Réponse pleine d'emphase du neuro : "ne vous en faites pas : vous le
saurez !" Moralité, si je n'avais effectivement pas loupé la poussée suivante, celle d'après j'étais complètement passé à côté, alors que c'était pourtant une névrite optique (le truc qui se
voit, quoi

) : ce n'est que longtemps après qu'au détour d'une discussion j'avais évoqué cet épisode au neuro, qui m'avait immédiatement fait un fond d’œil et avait constaté immédiatement la pâleur papillaire si caractéristique d'une démyélinisation passée...
J'anticipe ta question suivante : "oui mais si c'est une poussée et que je crois que ce n'en est pas une et que je ne vais pas à l'hôpital pour faire des bolus de solumédrol ?"
La réponse va te plaire : pas grave

. Les corticoïdes n'ont jamais démontré la moindre efficacité sur l'évolution de la maladie (1), i.e. rapporté au traitement de la poussée, ils n'ont pas d'influence sur l'installation éventuelle de séquelles permanentes à l'issue de la poussée. La seule efficacité qu'ils ont démontrée est celle d'accélérer la venue de la rémission (au lieu d'avoir la tête dans le c.. pendant un mois, tu ne l'as que pendant deux semaines), voire (concession que je consens à mon ami Bashogun) d'atténuer l'intensité avec laquelle tu ressens les symptômes tant que la poussée est active.
(1) ce n'est pas tout à fait vrai : ils ont au contraire démontré une certaine efficacité sur l'évolution, mais uniquement à condition d'être pris juste avant la survenue de la poussée. On a réussi à mesurer ça sur un effectif suffisant de patients, mais pour y arriver d'un point de vue individuel il faudrait que chacun suive un traitement à base de corticoïdes en permanence, chose fort peu envisageable étant donnés les risques associés à la prise de corticoïdes sur le long terme. Donc, en théorie ils sont efficaces, en pratique : nope.
Je me demande si je ne t'ai pas embrouillée encore un peu plus, sur ce coup
A bientôt,
JP.