Nostromo a écrit : ↑01 mai 2023, 15:49
Coulinette,
Linette2021 a écrit :Excellents les articles. Donc en gros nous sommes Ok en SP ce sont forcément l'atrophie et/ou la perte axonale qui sont à l'origine de la dégradation progressive ...
"Forcément", avec une pathologie aussi retorse que la sep, c'est un adverbe à proscrire de ton vocabulaire, mais à part ça c'est ce que j'en pense, oui.
Selon moi, atrophie cérébrale et perte axonale désignent la même chose, disons qu'à l'échelle
microscopique, qu'est globalement incapable de voir l'IRM, la perte axonale entraîne à l'échelle
macroscopique une atrophie cérébrale parfaitement visible par la même IRM. Perte axonale, pour ne pas dire neuronale : une fois l'axone détruit, le neurone perd la seule raison qu'il avait d'exister et donc, il meurt et se fait dégager par le liquide cérébro-spinal. Ce qui entraîne sa disparition, et donc une réduction du volume du cerveau.
Laquelle réduction de volume est donc, dans l'ensemble, visible à l'IRM.
Tel que je le vois (c'est pour bonne partie intuitif, mais je ne pense pas être si loin que ça de comment ça se passe réellement), l'ordre naturel des choses est le suivant : à force de se faire bouffer sa myéline, l'axone est laissé à nu. Or la myéline ne sert pas qu'à la conduction saltatoire (transmission beaucoup plus rapide du signal le long de l'axone), elle sert également à protéger l'axone (le potentiel d'action continue souvent à passer le long d'un axone mis à nu : même si c'est plus lentement, du fait de la disparition des nœuds de Ranvier, il continuera à passer). L'axone non protégé va alors finir par disparaître, le reste du neurone le suivra peu de temps après, ce qui entraînera donc un certain nombre de conséquences, dont entre autres des problèmes cognitifs et une atrophie cérébrale accélérée. Atrophie cérébrale qui se manifeste d'ailleurs, pour la plus grande partie, dans le cortex cérébral : or le cortex cérébral est truffé de
somas (les "corps" des neurones, cytoplasmes + noyaux, i.e. la substance grise, celle qui est en première ligne dans les fonctions cognitives), beaucoup moins de substance blanche.
Note d'ailleurs que certains axones, en règle très générale les plus courts (au pif, ceux du cortex qui servent aux fonctions cognitives...), ne sont de base pas myélinisés. En toute logique, il y a une certaine probabilité pour qu'ils soient les premiers à se faire dégommer, vu qu'ils ne sont pas protégés, et le reste du neurone à leur suite. Or leur disparition n'entraîne a priori pas de lésion : les lésions (non actives) qu'on voit à l'IRM sont le résultat des efforts du système nerveux central pour réparer la gaine de myéline de l'axone
blessé, via les astrocytes qui vont former une nouvelle gaine autour de l'axone (
gliose astrocytaire, nouvelle gaine qui sera beaucoup moins efficace que celle de myéline, elle ne permettra notamment aucune conduction saltatoire). Dans le cas d'un axone non myélinisé, bin une fois l'axone
mort, il n'y a pas beaucoup d'efforts de cicatrisation à faire, donc pas de charge lésionnelle particulièrement phénoménale : c'est un blessé qui va se cicatriser, pas un mort... Toute la différence entre la charge lésionnelle et l'atrophie cérébrale. Et ce qui explique pourquoi les toubibs ont longtemps été persuadés (je suis sûr que tu trouveras encore, aujourd'hui, en France, des neuros qui te sortiront un tel discours), vu que les "plaques" lésionnelles de la sep ne sont jamais observées sur la substance grise (forcément...), que la sep était spécifiquement une pathologie de la substance blanche. Elle est bien bonne

.
Je disais que les axones non myélinisés se rencontraient essentiellement dans le cortex cérébral : c'est précisément là qu'on note la présence d'une atrophie cérébrale accélérée,
dès les tout premiers stades de la pathologie. Si tu considères que RAW représente les attaques contre la myéline, alors que PIRA représente les attaques contre les axones eux-mêmes, alors tout se tient...
Mais normalement sur l'IRM on évalue l'évolution de l'atrophie... la perte axonale, non il me semble. Donc dégradation progressive de l'état et IRM inchangée me paraissent incompatibles.
Certes mais ce que je te disais, c'est qu'une grosse majorité de patients sont tellement obnubilés par leur seule charge lésionnelle (alors que la meilleure chose qu'ils pourraient en faire, c'est se la carrer... enfin voilà quoi, tu m'as compris

) qu'ils en oublient tout le reste, et que par conséquent, quand ils vont apporter leur témoignage (car c'était de cela que tu me parlais : témoignages de patients), ils parleront d'une stabilité de leurs IRM (comprendre : stabilité de la charge lésionnelle) associée à une progression de leur handicap.
Comme par ailleurs, jusqu'à plus ample informé il n'existe aucun traitement contre la perte axonale, je soupçonne également les neuros de glisser cet aspect des choses sous le tapis et de ne pas en informer les patients aussi clairement qu'ils pourraient, préférant mettre l'accent sur "c'est super, vous n'avez aucune nouvelle lésion". Ce qui part d'une bonne intention, c'est plus ou moins le même principe que celui que j'emploie de mon côté depuis que j'ai délibérément arrêté, il y a vingt ans, de m'intéresser à cet aspect de ma sep.
Ceci nous permet également de comprendre pourquoi les traitements immunodilatateurs sont efficaces sur le long terme pour certains sépiens mais pas pour d'autres, puisqu'environ 50% des sépiens passent en progressive et les immunodilateurs ne sont pas efficaces sur la partie neurodégénérative de la maladie caractéristique de la SP. Le reste continu en RR et les immunodilateurs continuent à être indiqués.
Fais-moi une faveur, enseigne une bonne fois pour toutes à ton correcteur orthographique que ce n'est pas
dilatateurs, mais
modulateurs ou
suppresseurs 
.
A part ça, je ne sais pas au bout de combien d'ancienneté dans la maladie, un traitement de fond continue à être indiqué : à partir du moment où tu ne fais plus de poussées, ce qui finit toujours par arriver au bout de x années, en quoi un traitement de fond pourrait-il encore être utile ? "Ah oui mais si je ne fais plus de poussée, c'est justement parce que je prends un traitement de fond !" : raisonnement circulaire et de toute façon, la disparition des poussées au bout d'un certain temps était déjà observée
avant l'apparition des tout premiers traitements de fond. Si on ne sait pas si on est passé en progressive, on est
certain qu'on n'est plus récurrent depuis un moment. Tu noteras d'ailleurs que les toubibs (ceux qui suivent l'actualité, pas les autres) ne parlent déjà plus de formes
récurrentes-rémittentes, mais de formes
rémittentes, tout court...
pourquoi certains passent en SP et pas d'autres?
Pour moi, le passage en SP n'est jamais que le moment où tu arrêtes de faire des poussées (fin de RAW), où tu deviens donc moins obnubilé par la seule activité inflammatoire focale (poussées), et où, débarrassé de ce bruit de fond, tu peux te rendre compte de l'
éventuelle présence d'une progression à bas bruit (PIRA)...
qu'est ce qui déclenche le passage en SP?
... sauf que cette éventuelle présence d'une progression à bas bruit, était déjà là
dès le déclenchement de la maladie, le truc c'est que ni toi, ni ton neuro, ne la voyaient : les poussées faisaient l'effet d'un projecteur en pleine face, comment veux-tu voir des détails fins avec un projecteur dans les yeux ? Après, la présence à bas bruit sera non seulement très variable d'un patient à l'autre (si on en mesure l'ampleur par exemple par le rythme de l'atrophie cérébrale), mais en plus elle restera, du fait de la plasticité cérébrale, silencieuse pendant un certain temps entre le déclenchement de PIRA, et ses premiers symptômes objectifs.
pour quoi le passage en SP est signe d'handicap pour certains mais de stabilisation pour d'autres?
J'avais, il y a un certain temps, vu passer une étude qui analysait sur le long terme l'évolution de l'atrophie cérébrale (PIRA, donc) d'une cohorte de sépiens, vs. une cohorte de "sujets sains". La présentation Powerpoint que je t'avais postée hier parlait d'atrophie cérébrale sépiens vs. sujets sains (sépiens -0,5 à -0,8 % vs témoins < -0,3%). Mouais

: d'après l'étude que j'avais lue, certains sépiens s'en sortaient
mieux que la moyenne des sujets sains (et d'autres, évidemment, bien plus mal), il y avait même certains sépiens qui affichaient un rythme annuel de
plus quelque chose, ce qui signifiait que leur cerveau ne perdait tellement pas de volume, qu'il en
gagnait. La raison n'est pas à chercher ailleurs que dans les erreurs de mesures provoquées par exemple par les mises à jour des logiciels IRM, ou par l'installation d'un équipement plus performant, etc. : je te rassure tout de suite

.
D'autre part, les études de médecine sont tragiquement peu exigeantes en culture mathématique et je soupçonne la formulation " < -0,3% ", pour les "témoins", de devoir être comprise comme son exact contraire : < - 0,3 %, d'un point de vue mathématique c'est
toute valeur comprise dans l'intervalle [- 100 %, - 0,3 %[ (je limite à - 100 % parce que je suppose qu'il est impossible de perdre plus de 100% de son cerveau). Par conséquent, - 0,1 %, qui représenterait pourtant une atrophie cérébrale
moins grave, n'en fait pas partie (car - 0,3 %
< - 0,1 %, on est d'accord ?), alors que - 1,0 %, qui est un rythme d'atrophie plus rapide que celle du sépien le plus atteint, en fait partie (car -1,0 %
< - 0,3 %, désolé, c'est des maths

). L'intervalle "sépiens" [- 0,5 %, - 0,8 %] se retrouve
entièrement inclus dans l'intervalle "témoins", ce qui en l'état, n'apporte donc rigoureusement aucune information digne d'intérêt.
Je soupçonne donc le Dr Françoise Durand Dubief d'avoir voulu dire
>= -0,3 %, plutôt que
< -0,3 %... On est peu de chose

.
Bref. La définition de "secondaire progressive" nécessite une aggravation des symptômes qui
ne peut pas être expliquée par une ou plusieurs poussées (tu as le droit d'avoir connu des poussées, mais ces poussées ne doivent pas pouvoir expliquer l'aggravation de ton handicap). Pour le neurologue moyen, "ne pas pouvoir expliquer une aggravation des symptômes par une poussée" signifiera que le patient n'a fait rigoureusement aucune poussée, or son handicap s'est aggravé (si son handicap s'est aggravé et qu'il a connu une poussée, par défaut on associera les deux). A l'époque de mon diagnostic, les formes progressives
"avec poussées surajoutées" n'existaient tout simplement pas, c'est une invention relativement récente ; quel patient peut d'ailleurs affirmer, alors qu'il est en forme rémittente et qu'il a un EDSS supérieur à zéro, que l'intégralité de ce handicap objectif lui a été provoqué par des poussées, et pas par l'évolution lente de PIRA ? (la même question s'applique au neurologue).
Tiens,
un peu de lecture (avec ce qu'il faut comme pointures dans la liste des auteurs).
Bizzz,
JP.