Chose promise chose due, j'avais rendez-vous jeudi matin chez mon neurologue historique, le Dr Olivier Goût, aujourd'hui chef du service de neurologie à la Fondation Rothschild, à Paris. Je disais a priori tout le bien que je pensais de lui sur la base des lointains souvenirs que j'en avais, j'en pense encore plus aujourd'hui et je ne peux que le recommander vivement. Mais c'est un homme occupé, à ne recommander qu'aux patients les plus... patients

Il a écarté le diagnostic de guérison par analyse de l'historique de mes IRM (l'historique était vite vu, des IRM je n'en ai passé que 5 ou 6 en 25 ans). A la différence des radiologues précédents qui se laissaient aveugler par la résorption des plaques précédentes, il s'est au contraire attaché à en déceler de nouvelles, afin de démontrer l'existence d'une activité de la maladie. Ca lui a pris un peu de temps, mais il en a trouvé, ce qui selon moi suffit à plier l'affaire. Par ailleurs il m'a soumis à un bref examen neurologique, le plus sommaire que j'aie jamais eu, duquel il est ressorti que j'étais "subnormal" (mais quand donc les médecins se décideront-ils enfin à parler français courant ?). J'ai répondu quelque chose du genre : "gnî ?" et il m'a précisé qu' "on voit bien qu'il y a quelque chose".
Il s'est refusé à toute tentative de pronostic quant à mon évolution pour le quart de siècle suivant, comme pour la semaine prochaine d'ailleurs, mais c'était un docteur que je venais voir, pas Madame Irma.
Quand il m'a demandé ce que je prenais comme médicaments, j'ai mentionné une seule prise de Solumedrol en 1997 et, pour la même poussée, de l'amantadine (Mantadix) contre la fatigue, que j'avais vite retournée à la pharmacie parce qu'elle me filait des palpitations. "Et c'est tout ?" "Heu... oui". J'ai précisé que pour ce que j'en savais, les traitements de fond ne faisaient que réduire un peu la fréquence des poussées, mais n'avaient aucune influence sur le pronostic à long terme, et que par conséquent, sans qu'il soit question d'un refus de principe, je n'avais juste jamais été particulièrement tenté, une histoire de ratio bénéfices / risques. C'est là que les surprises ont commencé : après une moue énigmatique dont il est spécialiste et dont il est fort délicat de déterminer si elle approuve ou désapprouve le propos qu'il vient d'entendre, il m'a dit que cela faisait au moins dix ans qu'il n'avait plus vu un seul patient qui ne prenait, et n'avait jamais pris, aucun traitement "de fond". Après une pause pour peser ses mots, il m'a parlé d'un marché mondial de plusieurs milliards de dollars (je crois qu'il a parlé de 2 ou 7 milliards, mais plus certain, en tout cas entre 2 et 7 ; j'ai été étonné par la modestie du chiffre, je m'attendais à plus), un marché essentiellement tiré par une attente et une demande toujours plus fortes de la part des patients.
Cette description du marché ne correspondait pas du tout à l'image que j'en avais, dans laquelle au contraire c'était plus volontiers les médecins qui poussaient, que les patients qui tiraient. Je reconnais pourtant volontiers que dans son cas particulier, s'il m'avait toujours donné une information sur l'existence des différents produits existants, il ne m'avait jamais particulièrement incité à franchir le pas, alors que je rentrais pourtant pile dans le profil pour passer sous Béta(f/s)éron dès son lancement. Je ne vois pas de raison pour laquelle il se comporterait différemment avec chacun de ses patients, en tout cas ceux qui, lors de leur diagnostic et des quelques années qui suivent, présentent un profil similaire au mien, particulièrement banal, de sep R/R.
Il a clos le sujet en me parlant de l'insuffisance des données disponibles, même sur les interférons béta pour lesquels on n'a "que" 25 ans de recul, et sur des gens qui sont "encore jeunes" (ceux qui sont sous traitement depuis 25 ans ont aujourd'hui volontiers mon âge, ou peu s'en faut), et dont on ignore les effets qu'ils peuvent avoir au delà d'une certaine ancienneté dans la prise du traitement, en particulier quand on arrive au moment de la vie où la dégénérescence du cerveau devient simplement liée à... l'âge. D'après ce que j'ai cru comprendre, la conjonction des deux risquait d'être une mauvaise surprise. Bref, une fois de plus, il n'a pas dit grand chose que j'aurais pu comprendre comme une invitation à initier un traitement.
Voilà voilà.
Jean-Philippe.