Salut Tiburce,
Je vais encore être bavard
Tiburce a écrit :Tout ça pour dire qu'il faut espérer une véritable attention des chercheurs sur l'ensemble des phénomènes physiologiques qui interviennent dans la SEP. Empêcher les poussées n'est qu'une face de la médaille. Et pour nous malades il faut aussi apprendre à bien communiquer avec son neurologue. Si on peut se réjouir d'avoir un IRM sans évolution cela ne signifie pas toujours que la maladie est sous contrôle. Il faut un praticien à l'écoute de son patient et ne pas hésiter à lui remonter toutes les évolutions de la maladie que l'on constate. Personnellement je n'ai pas encore trouvé la perle rare...
Oui, freiner les poussées n'est qu'une face de la médaille.
J'irai même plus loin. En fait je dirais que cette fameuse médaille présente deux faces (pour une médaille, ça tombe bien

), une face "inflammatoire" (poussées) et une face "progression indépendante de l'activité inflammatoire" (PIRA).
Ce qui m'embête est que l'action qui consiste à freiner les poussées (pour les chercheurs : réduire le taux annualisé de poussées et/ou réduire l'activité lésionnelle constatée au fil des IRM) n'est selon moi qu'une sous-partie de cette face "inflammatoire", et toujours selon moi, pas du tout la plus importante. Je m'explique

: vaut-il mieux se taper, option 1, une poussée tous les deux ans, mais dont la récupération est incomplète en dépit d'une charge lésionnelle contenue ou, option 2, une poussée tous les six mois (soit un taux annualisé de poussée quatre fois supérieur) : mal ! avec une évolution plus importante de la charge lésionnelle : mal aussi ! mais dont la récupération est très bonne à chaque fois ? Pour moi la réponse est immédiate en faveur de l'option 2 : une vision à long terme me semble largement préférable dans le cas de la sep, qu'une vision à court terme, mais je suis ouvert à la contradiction.
Le degré de récupération à l'issue d'une poussée devrait donc être, selon mon point de vue, un élément essentiel à considérer dans l'évolution d'une sep récurrente-rémittente. Or c'est un élément qui est purement et simplement ignoré par la plupart des études, en particulier je n'ai pas souvenir d'une seule étude de phase 3 (étape ultime avant l'AMM d'un traitement) qui s'y soit jamais intéressée. Ces études de phase 3 considéreront au contraire que l'option 1 est préférable à l'option 2, ce qui, toujours selon mon point de vue donc, est un non-sens total. Ce degré de récupération peut pourtant être mesuré de façon
relativement précise (certes pas parfaite...) et très simplement au travers de l'examen clinique neurologique : on mesure l'EDSS au pire de la poussée, puis une nouvelle mesure une fois que la poussée est de l'histoire ancienne, on obtient par différence le degré de récupération.
Tu parles de la possibilité d'avoir "un IRM sans évolution", je dirais que cette "absence d'évolution" mérite d'être précisée, car elle ouvre un tiroir à malice. L' "évolution visible à l'IRM" sur laquelle se focalisent la plupart des neuros est celle de la charge lésionnelle (nombre et étendue des lésions ->
activité inflammatoire), ils s'intéressent beaucoup moins à l'évolution de l'atrophie cérébrale (soit, à peu de choses près, PIRA). Les neuros ne font pas ça de leur propre initiative, mais parce que c'est ce que veut le protocole : l'évolution de la charge lésionnelle est en effet un des éléments (conjointement avec le nombre de poussées et l'évolution de l'EDSS) qui permet de déterminer le "score de Rio", ce "score de Rio" étant l'outil de référence pour estimer l'efficacité d'un traitement sur un patient. On en revient au même biais que celui du paragraphe précédent, dans lequel le degré de récupération à la suite d'une poussée ne compte même pas pour le tiers de la note (on peut considérer qu'il est partiellement pris en compte dans l'évolution de l'EDSS) : un patient A qui aura fait plusieurs poussées et montré une augmentation de sa charge lésionnelle, mais sans aucune aggravation de son EDSS ni aucune atrophie cérébrale significative sur l'IRM, va se retrouver avec un score de Rio supérieur à un patient B qui n'aura fait aucune poussée, ni ne montrera aucune aggravation de sa charge lésionnelle, mais aura vu son EDSS et son atrophie cérébrale s'aggraver. Le patient A, caractéristique de la face
inflammatoire de la médaille mais dont l'état clinique sera resté stable, se verra plus volontiers changer de traitement, du fait d'un score de Rio supérieur, que le patient B, caractéristique de la face
PIRA de la médaille, dont l'état clinique et l'atrophie cérébrale se seront aggravés et auquel on dira que "tout va bien".
Faut-il en vouloir aux neurologues de procéder de la sorte ? La réponse est aussi immédiate que dérangeante et difficile à admettre : évidemment non, puisque les seuls traitements dont ils disposent ciblent la seule face inflammatoire de la médaille, aucun traitement n'ayant jusqu'ici montré la moindre efficacité contre la face PIRA. Il n'y a donc, pour l'instant,
rien qu'ils puissent proposer au patient B. Tu procéderais comment, toi, si tu étais à leur place ?
En considérant que la face PIRA et la face inflammatoire représentent deux maladies distinctes, la face PIRA est donc une maladie contre laquelle il n'existe pour l'instant aucun traitement : du point de vue du patient, il ne sert strictement à rien de consulter pour une absence de résultat inévitable, courue d'avance, le patient est livré à lui-même. Tant qu'aucun traitement n'existe contre PIRA, tu ne risques pas de trouver ta "perle rare"...
A bientôt,
JP.