Je me décide à lancer un nouveau topic afin de complaire à mag (elle sait que je ne peux rien lui refuser) comme à Linette (elle sait combien elle me touche).
Et donc je reposte cette étude de Lublin et Häring, sur l'évolution du handicap selon qu'on prend, ou non, un traitement. Cette étude démontre l'existence d'une efficacité statistiquement significative des traitements de fond pour retarder l'arrivée à des degrés de handicap, déterminés par le score EDSS et considérés comme jalons : c'est à dire respectivement EDSS 4.0 et EDSS 6.0.
"Les patients sous placebo qui partaient d'un EDSS de 1.0 ont mis 8,95 années avant d'atteindre l'EDSS 4.0 et 18,48 années pour l'EDSS 6.0. Les patients sous traitement de fond avaient des durées significativement allongées, supérieure de 3,51 année pour l'EDSS 4.0 et 3,09 années pour l'EDSS 6.0".
J'avais mis tout ça sous la forme d'un graphique, que voici :
Graphique sur lequel j'observais que l'écart d'EDSS entre les traités et les non-traités était de toute façon inférieur à 1, et que trois années d'écart pour arriver à l'EDSS 6.0 au bout de vingt ans de maladie, c'était certes significatif d'un point de vue statistique, mais que du point de vue du patient sous traitement qui pendant, ce temps, était invité à se réjouir de se taper un EDSS de seulement 5.5 au lieu de 6.0, ça n'incitait pas forcément à déboucher une bouteille de champagne.
Ensuite, je m'étais intéressé à l'intérêt de lancer un traitement précoce, plutôt qu'attendre. J'avais cité la toute première étude sur laquelle j'étais tombé, parce qu'elle mettait en œuvre la fameuse cohorte lyonnaise et que j'ai toujours eu la plus grande estime pour les travaux de Sandra Vucusic et de son prédécesseur, feu Christian Confavreux. Cette étude, ici.
En gros, cette étude a séparé deux groupes :
- (précoces) celui des patients qui ont initié un traitement dans l'année qui a suivi leur SCI. Dans les faits, la durée médiane entre le SCI et le lancement du traitement de fond était de six mois.
- (tardifs) celui des patients qui ont initié un traitement au delà de l'année qui a suivi leur SCI. Dans les faits, la durée médiane entre le SCI et le lancement du traitement de fond était de trente-cinq mois (2 ans et 11 mois).
L'étude observe que les patients du groupe (précoces) ont eu besoin, une fois le traitement lancé, de 11 ans et 2 mois pour passer à un EDSS de 3.0, alors que les patients du groupe (tardifs) sont passés plus rapidement, une fois mis sous traitement, à l'EDSS 3.0 : 10 ans et 7 mois. L'étude en conclut en la preuve statistiquement significative de la meilleure efficacité des traitements s'ils sont pris tôt, et s'en félicite.
Sauf que, pour les patients du groupe (précoces), il s'est alors écoulé [SCI] 6 mois [traitement] 11 ans et 2 mois [EDSS 3.0] = 11 ans et 8 mois, entre le SCI et le score EDSS de 3.0.
Dans le même temps, pour les patients du groupe (tardifs), il s'est écoulé [SCI] 2 ans et 11 mois [traitement] 10 ans et 7 mois [EDSS 3.0], soit 13 ans et 6 mois, entre le SCI et le score EDSS de 3.0. Autrement dit, en prenant toujours le SCI comme point de départ, les patients traités tardivement atteignaient l'EDSS 3.0 près de deux ans plus tard, que les patients traités précocement.
J'avais un peu de mal à en conclure un intérêt si flagrant que ça, d'initier un traitement le plus tôt possible

Puisque j'en suis à parler de conclusion, la mienne pour l'instant est surtout que l'étude de la cohorte lyonnaise est d'une crédibilité contestable (en dépit du prestige de ses auteurs, comme du prestige de la revue dans laquelle elle a été publiée), alors que l'étude de Lublin et Häring est autrement plus bétonnée -- je la tiendrai donc pour vraie à partir de maintenant, alors que pour celle de la cohorte lyonnaise, heu, joker

Quoi qu'il en soit, la première étude présente le mérite de remettre l'église au milieu du village : il est vrai, je ne le conteste pas, que les traitements de fond retardent la survenue du handicap, tout comme il est vrai qu'ils réduisent la fréquence des poussées et qu'ils réduisent l'apparition de nouvelles lésions à l'IRM. Mon problème est que ces efficacités réelles ne sont pas liées : l'efficacité sur la fréquence des poussées est de bonne à très bonne (selon les traitements), l'efficacité sur le nombre de nouvelles lésions est de très bonne à excellente (idem), mais l'efficacité sur la survenue du handicap est, en comparaison, fort modeste. Or...
Bizatoutezétous,
Jean-Philippe