Elle ne m'a jamais quitté

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Nostromo
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Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par Nostromo »

Bonjour tout le monde,

"Elle ne m'a jamais quitté", c'est le titre de l'autobiographie de Dominique Farrugia, qui fait la part belle à sa sclérose en plaques (on peut raisonnablement supposer que c'est d'elle qu'il s'agit dans le titre). Je ne ne suis pas trop client de ce genre de bouquins en général, mais j'ai fait une exception pour celui-ci : d'une part suis un grand fan des Nuls, de la Cité de la Peur et de Farrugia, d'autre part sa sep est plus ou moins contemporaine de la mienne, à quelques années près, donc je me disais que ça allait me rappeler des souvenirs...

Sa sep s'est vraisemblablement déclarée en 1990 et Farrugia est persuadé qu'elle a été déclenchée par le décès de Bruno Carette, en décembre 1989 : "c'est sa mort qui a déclenché ma sclérose en plaques", p. 76 ; elle a été diagnostiquée entre fin 1991 (probable) et fin 1992 (certaine), soit trois à quatre ans plus tôt que la mienne : il s'agit presque de la même époque, l'absence totale d'internet dans le cas de Farrugia, un peu moins totale dans le mien, étant la seule différence notable.

Ah sinon, sa prise en charge initiale avait été faite à l'Hôpital Américain de Neuilly (dr. Pertuiset), pendant que je me laissais docilement prendre en charge par l'APHP. Même s'il est plus ou moins conventionné, l'Hôpital Américain de Neuilly fait un peu penser, en lisant la description, à une clinique où la santé est un bien qui s'achète : "on me fait des trucs sympas comme me prélever de la moelle épinière, deux fois même, dont une sans anesthésie. Pour donner une idée précise de l'expérience, il faut imaginer sauter en parachute. Sans parachute" (p. 93). Chochotte :mrgreen:. Quand j'avais demandé une anesthésie locale pour mes ponctions lombaires à l'APHP, je m'étais fait proprement envoyer sur les roses, à peine si la deuxième fois on avait consenti à me filer un demi Valium une demi-heure avant. Hôpital Américain 1 - APHP 0.

Le traitement qui lui avait été ensuite administré, une fois son diagnostic certain, laisse rêveur : cortisone hebdomadaire car "à cette époque, il n'existe aucun autre médicament pour traiter la SEP, c'est donc ce que me prescrit le professeur Pertuiset" (finalement, pas de bol d'être allé consulter dans une clinique de stars). Il n'est pas précisé si ce sont de petites quantités par voie orale, ce qui me semble le plus vraisemblable, ou des quantités plus importantes en IV, tout ce qu'on sait est que : "au delà de l'indescriptible souffrance que j'endure, je deviens fou de rage. La cortisone a pour effet secondaire d'énerver comme on peut difficilement l'imaginer. Chaque dimanche, donc, je m'enferme à la maison, seul, pour pouvoir repartir le lundi, comme si de rien n'était" (p. 99). Hmmm. Hôpital Américain 1 - APHP 1.

Ce n'est ensuite qu'au second semestre 1996 qu'il réussira à obtenir de l'interféron-bêta. Gout m'en avait alors déjà parlé, quelques mois auparavant, comme "expérimental". Vu comment il avait tourné ses propos, j'avais compris qu'il laissait la porte entrouverte au cas où j'aurais voulu m'y engouffrer, mais on n'aura jamais le fin mot de l'histoire :). Si Farrugia avait quant à lui réussi à en obtenir, c'était sous le manteau, comme un trafiquant de drogue : il avait été contrait de se rendre à ses frais à New-York et d'en commander, toujours à ses frais, ... aux tarifs américains : "J'entre, commande le traitement, qui coûte le prix d'un aller sur Mars -- chez eux, pas de sécurité sociale -- et je rentre à Paris" (p. 129). Hôpital Américain 1 - APHP 2 :).

Il commence le traitement très rapidement, dans l'espoir aussi manifeste qu'abusif que cela fera refluer ses symptômes et que cela guérira sa bête (son neuro aurait dû lui traduire la notice avant...) : "il semblerait que ce soit une panacée. J'y vois un espoir, et accepte sans délai d'en devenir sujet" (p. 128) ; "chaque matin, j'essaye de voir si mon état évolue, mais pendant les deux premières semaines rien ne semble se passer" (p. 129). Donc forcément, cela ne se passe pas comme escompté : "les jours qui suivent, je périclite : les effets secondaires sont terribles et me rendent vraiment malade. Je ne sens plus ma jambe gauche [...]. Je lui [à mon docteur] dis que j'arrête le traitement. Il me confirme qu'il sait, oui, que c'est ce qu'on va faire. Il me dit qu'il y a une place à l'hôpital de jour et que je vais reprendre un bolus de cortisone" (pp. 130-131). Là, j'ai très mal à mon Farrugia : si on lui traite ça à coup de bolus de cortisone, ce qui le gêne est beaucoup moins un effet secondaire de l'interféron-bêta, que... une nouvelle poussée, que ne suppriment pas les interférons-bêta. Et son neuro ne le lui a donc pas fait comprendre ?

Il décide, à cette occasion, de quitter son neuro pour s'en trouver un autre. La raison de ce divorce n'a toutefois rien à voir avec le gros malentendu sur l'efficacité du traitement, mais avec la suggestion que le neuro lui fait alors, fort pertinemment à mon avis, de mettre un peu la pédale douce sur le boulot : "C'est à l'hôpital qu'il viendra me voir et me dira : 'vous devriez prendre un mi-temps thérapeutique' [...] Il n'avait pas compris [...] que mon seul médicament valable était le travail" (p. 131).

Sur ce point en particulier, il m'est très difficile d'avoir une interprétation sereine. Dans les pages précédentes, Farrugia parle de (certaines de, la plupart de, toutes ?) ses poussées. Première alerte, donc, juste après le décès de Bruno Carette ; deuxième alerte : "un jour de 1990, on est en plein tournage [...] je suis en train de courir, mes jambes se dérobent sous moi [...] On tourne de manière compulsive, je suis fatigué [...] Mais ça ne justifie pas [...] que je n'arrive plus à me baisser pour lacer mes chaussures [...] que je ne puisse plus courir non plus" (pp. 79-80). Troisième alerte pendant qu'il bossait sur Les Nuls, l'Emission : "je me souviens d'être rentré chez moi fatigué, épuisé" (p. 90). Une autre en 1994 pendant la promo de la Cité de la Peur : "on est aplatis de fatigue, non écrasés plutôt, non non désagrégés [...] ce film, notre film, me fait boire le calice en même temps que la lie" (p. 112).

Bref, travailler comme un dingue, dans son cas, était-ce réellement, comme il le dit, l'antidote, ou le poison ?

Enfin tout ça me rend perplexe. Les opinions thérapeutiques de Dominique m'échappent, je ne les partage absolument pas, et dans le même temps chacun gère sa sep à sa façon, "chacun sa merde" :), il le fait comme il le sent (comme je le fais comme je le sens). C'est sans doute ce qui motive la réaction de Lyon-Caen, patron de la neuro à la Salpé à l'époque (à l'époque c'était le patron de mon neuro, et prédécesseur de Catherine Lubetzki, qui a depuis largement dépassé le maître), quand il le choisit pour remplacer son neuro des débuts à l'Hôpital Américain. Lyon-Caen, vieux briscard, le laisse vivre sa vie, avec la conscience intime que vivre sa vie va aggraver son état, mais qu'au moins il l'aura vécue : "J'arrive à lui dire que je vais partir faire un film aux Philippines et il me répond : "il ne vous faut pas de stress, vous faites du cinéma. Je vous dis qu'il ne vous faut pas trop de chaleur, vous allez tourner aux Philippines. C'est super ! Allez-y, vous avez raison !".

Ma chaise se dérobe sous mes fesses, et pourtant je comprends totalement la réponse de Lyon-Caen.

Perplexe, je suis :).
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Re: Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par Linette2021 »

Merci pour ce bref résumé JP - je ne sais pas pourquoi je n'ai pas envie de lire ce livre mais son contenu m'intrigue. Il parait qu'il y parle plus de sa carrière que de sa sep.

Si je comprends, sa sep a été déclarée à une époque ou ne maitrisait pas bien cette pathologie aussi bien sur le plan des symptômes (confusion poussée effet secondaires) que sur le plan des traitements. Et un farrugia qui ne voulait pas faire de concessions dans sa vie pour appréhender sa sep. D'ailleurs je l'ai entendu dire dernièrement dans une interview que son plus grand regret était d'avoir refusé de freiner son rythme de vie pour se ménager, rythme de vie qui était incompatible avec sa sep". La Neuro de salpé, comme tu le mentionnes, lui rappelle que la chaleur est contreindiquée, le stress aussi ... mais elle ne peut le forcer à faire les choses différemment.

Par contre au vu de ton résumé je le trouve un peu dur avec l'hôpital américain, qui a certes ses défauts mais qui regroupe les meilleures compétences. la majorité des praticiens sont ou étaient des chefs de services en APHP... en revanche pour certaines pathologies il est clair qu'il vaut pieux être suivi en hôpital public. Avec ma famille nous sommes suivi à l'HA depuis des années (Mon mari a une bonne mutuelle) principalement pour avoir accès aux bons médecins dans un délai court... après mon diagnostic de sep, j'ai demandé à mon médecin traitant si je devais rester à rotshild ou s'il était préférable que je sois suivie à l'HA... il m'a répondu très clairement: " si on m'avait diagnostiqué une sep à moi c'est à Rotshild que j'irai, vous êtes très bien là où vous êtes". Preuve que l'HA a ses limites face à certaines pathologies. A mon avis ceci est encore plus vrai à l'époque.

Bonne journée JP!
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lélé
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Message non lu par lélé »

Je l'ai lu et en effet il parle de sa carrière qui est sa vie de l'époque, il ne peut pas passer outre.
Justement je trouve qu'il est différent des autres car on y découvre l'arrière de la sep
L'annulation des rdv, le déni, en faire trop pour pas qu'on voit la maladie.
Et le côté réel qui peut gêner mais bien réel comme se faire pipi dessus, tomber, passer pour un alcoolique
Pour moi il n'a pas de langue de bois
En effet c'est pas un livre comme sep et talon aiguille ou d'autres qui montrent le bon côté de la sep en faisant attention de pas trop choquer le lecteur.
Quand jc a lu le livre il m'a dit'' mon cœur tout ce qu'il raconte et que tu as fais ces 20 dernières années c'est toi''
En effet il parle des nuls mais c'était sa famille sa vie, il n'avait pas grand chose d'autre. Ensuite il parle de sa famille au moment de la rencontre avec son épouse.
Pour moi c'est un livre realiste
Secondaire progressive.
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Message non lu par Margot »

Moi j'ai pas lu et ce qu'en dit JP ne m'encourage pas à le faire. Il faut dire que je n'aime pas trop lire des bouquins de malades, j'ai trop l'impression de baigner dans la soupe de la sep. J'aime, avec les livres, me divertir ou apprendre des trucs, bref oublier un peu la sep.
À un moment donné, je me suis dit que refuser de lire ces livres là, c'était probablement une forme de déni et que je ratais peut-être quelque chose alors j'en ai lu cinq ou six mais au final ça ne m'a pas apporté grand chose. Donc je me suis remise aux polars, aux récits d'explorateurs, à la philo, à la psycho etc.
Mais tout ça est une affaire de goût et je comprends aussi bien ce qu'en dit Lélé.
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PatrickS
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Re: Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par PatrickS »

Bonjour,

D'après ce qui est dit dans ce sujet, ce n'est pas la peine de lire ce livre.
Tout (et plus) se trouve déjà ici avec les différents témoignages.

Pour ce que vous avez économisé, vus pouvez me l'envoyer par chèque ou virement. :roll:

Patrick
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Margot
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Message non lu par Margot »

Ou un bon d'achat chez le boulanger, fromager, boucher ?
mdr
mariel13
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Re: Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par mariel13 »

Bonjour à toutes et tous 😘

Pas mal le boucher 🤣

Margot je partage ta vision aussi 😌 en petite Franc Comtoise … tête de bois 🤫

Merci Patrick pour l’économie 😉 🙏
C’est malheureusement ce que je pense aussi 😌
Donc là je vais me plonger dans les enfants rois de d. De Vigan vu que chacun sa Sep 😉🥴😔
Passez une bonne journée,
Prenez soin de vous
😘
Marie-L
Bises
Marie-LL





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Re: Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par lélé »

Ça parle de quoi mariel ce bouquin ?

La psycho c'est intéressant aussi comme littérature
Secondaire progressive.
mariel13
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Re: Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par mariel13 »

Coucou Audrey,
Alors voici les critiques à propos de ce livre :
Nathalie Crom, Télérama
« Dans son nouveau-né Audrey roman, l’écrivaine ausculte les conséquences de la télé-réalité sur la vie familiale. […] C’est un roman qui parle autant des enfants que l’on exhibe que de celui que chacun cache à l’intérieur de lui. »
Raphaëlle Leyris, Le Monde des Livres
« À dévorer sans attendre. Un livre aussi glaçant que fascinant. Delphine de Vigan mélange les genres avec une grande habileté. Et pour notre plus grand plaisir. »
Amélie Cordonnier, Femme Actuelle
« Un roman fascinant, nécessaire, original par son côté policier, tout en aiguisant sa veine de fine observatrice de notre société. Son talent est là : Delphine de Vigan ne dénonce pas, elle ne juge pas, mais elle montre – et ça n’en est que plus frappant. »
Mohammed Aïssaoui, Le Figaro Littéraire
« Les enfants sont rois s’avère une redoutable mécanique, au style précis et efficace, qui nous emporte jusqu’à une étonnante pirouette, dans un futur proche. »
Baptiste Liger, Lire Magazine Littéraire
« Voici le genre de livre impossible à lâcher. Le livre qui vous happe, vous avale, vous plonge dans une fatale et délicieuse addiction. Bref, le livre qui vous fait sauter les repas et les heures de sommeil. Un grand livre. »
Bernard Lehut, RTL
« Le dernier livre de Delphine de Vigan, à qui l’on doit Rien ne s’oppose à la nuit et Les loyautés, toujours attentive à son époque, toujours virtuose du suspens, l’écrivaine aborde les questions de l’intimité et des ravages de la télé-réalité, des chaînes YouTube, des comptes Instagram et autre TikTok où nous exposons nos vies. »
Agnès Soubiran, France Inter
« Un roman qui m’a passionnée et terrifiée à la fois parce qu’il s’inspire d’un phénomène réel dont j’ignorais l’ampleur, qui interroge de façon vertigineuse. Un formidable roman. »
Anne-Elisabeth Lemoine, C à Vous
« Delphine de Vigan signe Les enfants sont rois, plongée à la fois sombre et passionnante dans le monde de YouTube et des enfants influenceurs filmés par des parents en quête de gloire et d’argent. »
Élisabeth Philippe, L’Obs
« La lecture de ce livre est aussi addictive que celle d’un bon Agatha Christie. »
Marianne Payot, L’Express
« Revenant sur des thèmes qui lui sont chers, comme l’abus de pouvoir et la violence intrafamiliale, l’auteure de Rien ne s’oppose à la nuit emprunte avec dextérité au polar pour livrer une analyse aussi vivante que glaçante des dérives d’un monde, le nôtre, où la mise en scène et l’exhibition de soi sont devenues la norme. »
Minh Tran Huy, Madame Figaro
« Delphine de Vigan brosse un portrait extralucide de notre monde à l’ère numérique, gangrené par l’hystérie des réseaux sociaux et l’exhibitionnisme virtuel. […] Sa façon de questionner le présent et le futur impressionne. »
Philippe Chevilley, Les Echos
« Entre polar très bien ficelé et roman social, Delphine de Vigan pose de nouveau un regard juste et bouleversant sur ce qu’elle appelle « les violences invisibles ». »
Sandrine Bajos, Le Parisien


DELPHINE DE VIGAN
Les enfants sont rois Collection Blanche, Gallimard Parution : 04-03-2021

« La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s’étonna de l’autorité qui émanait d’une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l’obscurité. “ On dirait une enfant ”, pensa la première, “elle ressemble à une poupée”, songea la seconde.
Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire. »

À travers l’histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d’une époque où l’on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familial.
Bises
Marie-LL





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Re: Elle ne m'a jamais quitté

Message non lu par Nostromo »

Coucou Linette,
Linette2021 a écrit :Il parait qu'il y parle plus de sa carrière que de sa sep.
Ca ma paru assez équilibré entre les deux ; étant donné par ailleurs qu'on note un lien assez flagrant entre ses périodes professionnelles les plus intenses et l'activité de sa sep, la chose aurait manqué s'il n'en avait pas parlé. A la fin de l'ouvrage, sinon, il expose aussi des solutions apparemment simples pour faciliter l'intégration des handicapés dans la société, ce qui est tout à l'honneur du livre.
Si je comprends, sa sep a été déclarée à une époque ou ne maitrisait pas bien cette pathologie aussi bien sur le plan des symptômes (confusion poussée effet secondaires) que sur le plan des traitements.
Arf tsss mdr Oui, mais non :mrgreen:

Déjà, ce serait une erreur de croire qu'on était à l'âge de pierre, ce n'est que du point de vue de l'offre de traitements de fond qu'on était sec. Le traitement de la poussée à base de méthylprednisolone IV 3 x 1000 mg était déjà couramment pratiqué, et depuis fort longtemps (au moins depuis le début des années cinquante), de même qu'étaient déjà proposés un paquet de traitements symptomatiques qui sont toujours prescrits aujourd'hui. Le diagnostic se reposait déjà, outre sur l'examen clinique, sur des IRM, des potentiels évoqués, des prises de sang, des ponctions lombaires, enfin tout le toutim ; certes on ne connaissait pas encore les critères de McDonald, mais on avait ceux de Poser, qui étaient tout aussi efficaces et guère différents -- la différence essentielle résidant dans le fait qu'au stade du SCI on ne pouvait te diagnostiquer, au mieux, qu'une sep "probable", et qu'il fallait attendre une deuxième poussée pour être admis en tant que sep "cliniquement définie" (une histoire de dissémination dans le temps).

Mébon, vu qu'à l'époque le seul traitement de fond qui avait montré une vague efficacité était les corticoïdes au long cours, et que les neuros refusaient généralement de le prescrire, du fait d'une liste aussi longue que parfaitement connue d'effets indésirables plus ou moins fréquents et graves (une connaissance qui n'a pas changé pendant tout ce temps), la règle générale était de ne pas administrer de traitement de fond, du tout : du strict point de vue thérapeutique, le diagnostic n'apportait rien. Les critères de McDonald ne sont arrivés, en 2001, que parce qu'une poignée d'années plus tôt (grosso modo de 1995 à 1998) avaient été introduits les ABCR (Avonex, Betaseron, Copaxone, Rebif) et qu'on commençait à envisager l'intérêt de ne pas tarder pour commencer un traitement.

C'est peut-être pour cela que tu as pensé que j'avais une image négative de l'HA. En fait ça n'est pas clairement dit dans le livre, donc c'est uniquement la façon dont j'interprète la chose, mais telle que je la ressens Farrugia s'est pointé devant Pertuiset en lui fixant l'objectif ni atteignable, ni discutable, de pouvoir continuer à vivre sa vie d'avant : "démerdez-vous, mais il faut me filer les cachets qui me le permettront" ; d'où son traitement hebdomadaire à base de corticoïdes. Je pense que tu n'es pas loin de partager ce point de vue, quand tu parles d'un Farrugia "qui ne voulait pas faire de concessions pour appréhender sa sep" : il y a tout de même quelques bonnes raisons de penser que le neuro de Farrugia s'est aplati devant les exigences de son patient (qui était donc moins un patient qu'un client...), puisqu'il l'a collé sous corticoïdes au long cours, ce qui était... osé :).

Ceux qui comme moi suivaient ce que devenait Farrugia à l'époque l'ont alors vu gonfler comme une baleine. Or le surpoids rajoute un handicap considérable avec la sep, et le cas de Farrugia -- qui en attribue lui-même une part de responsabilité à la cortisone, p. 174) ne fait pas exception. En 2019, il commence un traitement de cheval (avec opération) pour perdre du poids, et cette perte de poids a un effet bénéfique très sensible sur son handicap : "en vingt deux mois, je passe de cent vingt à soixante-quatorze kilos. Et tout d'un coup, je peux de nouveau faire des choses que je ne faisais plus depuis longtemps. [...] Avant, il fallait me porter pour tout faire. Mais maintenant, aller aux toilettes tout seul, je peux !" (p. 177).

Je n'envisage pas une seconde que n'importe lequel des neuros de la Salpé lui aurait prescrit un traitement à base de corticoïdes au long cours... Je me rappelle d'ailleurs très bien, pour ma poussée de 1997, la première qui avait suivi mon diagnostic, je m'étais -- suivant en cela scrupuleusement les recommandations de Gout -- présenté aux urgences neuro de la Salpé et, Gout étant absent ce jour-là, j'y avais été pris en charge par Catherine Lubetzki (que des stars en devenir :D). Voyant que mes symptômes n'étaient pas si catastrophiques que ça (paresthésies de l'hémicorps droit + grosse fatigue), elle avait ouvertement renâclé à lancer un flash de corticoïdes. Je ne me rappelle pas l'avoir entendu sortir de juron, mais on n'en était pas loin, j'étais tout penaud. Ce n'est que parce que j'avais tout de même, sur le coup, assez lourdement insisté (c'est qui cette c*nasse qui me prétend le contraire de mon neuro, haha, elle n'y connaît vraiment rien), qu'elle avait finalement jeté l'éponge. J'avais tout de même enregistré, dans un coin de mon cerveau, ses réticences : cette poussée fut pour moi à la fois la première et la dernière que j'ai flashée au Solumedrol.

Le tableau étant posé, imagine, maintenant, un traitement au long cours...

Pour ce qui est de la confusion poussée/effets secondaires, il est assez manifeste que le neuro de Farrugia ne l'a pas faite, puisqu'il l'a collé aussi sec sous Solumedrol, mais que la communication n'est pas bien passée entre lui et son patient, apparemment toujours persuadé aujourd'hui qu'il avait affaire à un effet secondaire de l'interféron. Cette mauvaise communication a peut-être un lien avec cette profonde différence sémantique patient / client (là, ça peut être vu comme un reproche que je fais à l'HA), mais elle peut aussi s'expliquer par la situation de profond déni, flagrante au fil des pages, dans laquelle Farrugia est resté terré pendant un moment qui m'a semblé interminable, encore plusieurs années après son diagnostic. On peut aussi se demander dans quelle mesure la relation "client" plutôt que "patient" qui était celle de Farrugia avec son neuro, n'a pas permis à ce déni de prendre ses aises beaucoup plus longtemps que nécessaire.
D'ailleurs je l'ai entendu dire dernièrement dans une interview que son plus grand regret était d'avoir refusé de freiner son rythme de vie pour se ménager, rythme de vie qui était incompatible avec sa sep
C'est bien qu'il en soit conscient maintenant :mrgreen:, mais ce n'est vraiment pas l'impression que tu en retires à la lecture du livre : la phrase "mon seul médicament valable était le travail" est posée noir sur blanc et jamais démentie par la suite (par exemple par un "qu'est-ce que j'ai été con de croire un truc pareil" :) ).

Par delà cette situation de déni, j'ai également eu l'impression que Farrugia faisait preuve, encore aujourd'hui, de la naïveté d'un tout jeune diagnostiqué vis-à-vis de sa maladie. Le meilleur exemple que j'en trouve, parmi tant d'autres, est sa conception du traitement de la poussée, quand il donne des conseils aux sépiens de ses lecteurs :

Soignez-vous, à vive allure
La poussée de sclérose en plaques intervient souvent le matin. Tu te réveilles, ta nuit a été mauvaise et tu sens que tu as du mal à bouger une jambe ou tes doigts de pied, ta main, que tu parvenais bien à utiliser avant. Instantanément, dis-toi que tu es en train de faire une poussée. Dans ce cas, il faut avoir le réflexe d'aller directement chez ton neurologue ou même aux urgences. Parce que les poussées laissent des séquelles. Il ne faut donc surtout pas attendre.
" (p. 210).

En fait, tu peux attendre aussi longtemps que tu veux, ça ne changera rien à l'évolution à long terme de ta maladie (cf. les réticences de Lubetzki quand je m'étais pointé la bouche en cœur aux urgences neuro de la Salpé). Après avoir cherché un peu, cette connaissance de l'absence d'impact du bolus de Solu sur l'évolution à long terme de ta sep, est elle aussi connue depuis au moins les années cinquante...

En attendant, Farrugia a vécu une vie bien remplie.
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Message non lu par Linette2021 »

Hello JP -
Nostromo a écrit : 12 nov. 2021, 18:44 Ca ma paru assez équilibré entre les deux ; étant donné par ailleurs qu'on note un lien assez flagrant entre ses périodes professionnelles les plus intenses et l'activité de sa sep, la chose aurait manqué s'il n'en avait pas parlé.

ok. peut être que ceux qui ont acheté le livre principalement pour lire sur son expérience de sep sans aucun intérêt pour sa carrière ont été dérangé par le récit sur celle ci.
Déjà, ce serait une erreur de croire qu'on était à l'âge de pierre, ce n'est que du point de vue de l'offre de traitements de fond qu'on était sec.
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Message non lu par Linette2021 »

Nostromo a écrit : 12 nov. 2021, 18:44 Coucou Linette,
Oh non je t'ai répondu par un long message sur plusieurs partie... seule une petite partie est passée trotriste j'ai la flemme de tout reprendre trotriste
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Merci mariel
Je vais le demander à ma sister pour mon anniversaire
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Coucou,
Linette2021 a écrit :Oh non je t'ai répondu par un long message sur plusieurs partie... seule une petite partie est passée trotriste j'ai la flemme de tout reprendre trotriste
Ce sont des choses qui arrivent. C'est trop tard pour cette fois, mais en fonction du navigateur que tu utilises pour envoyer tes messages, si tu reviens en arrière (une fois, ou deux, ou trois...) tu peux finir par retrouver ton message dans l'état où tu l'avais laissé.
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Nostromo a écrit : 12 nov. 2021, 18:44

Soignez-vous, à vive allure
La poussée de sclérose en plaques intervient souvent le matin. Tu te réveilles, ta nuit a été mauvaise et tu sens que tu as du mal à bouger une jambe ou tes doigts de pied, ta main, que tu parvenais bien à utiliser avant. Instantanément, dis-toi que tu es en train de faire une poussée. Dans ce cas, il faut avoir le réflexe d'aller directement chez ton neurologue ou même aux urgences. Parce que les poussées laissent des séquelles. Il ne faut donc surtout pas attendre.
" (p. 210).

En fait, tu peux attendre aussi longtemps que tu veux, ça ne changera rien à l'évolution à long terme de ta maladie (cf. les réticences de Lubetzki quand je m'étais pointé la bouche en cœur aux urgences neuro de la Salpé). Après avoir cherché un peu, cette connaissance de l'absence d'impact du bolus de Solu sur l'évolution à long terme de ta sep, est elle aussi connue depuis au moins les années cinquante...

En attendant, Farrugia a vécu une vie bien remplie.
Oui mais, si son idée est de dire : allez vite chercher un traitement, qui limite le nombre de poussée d'un tiers dans les premières années, on limite de facto les handicaps qui en découlent, ou les restes d'une poussée. Bien que finalement 20 ou 30 ans plus tard ce soit le bordel.
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Salut Niko, ça me fait plaisir de te revoir parmi nous, et je me réjouis encore plus de te revoir en vrai à la fin de cette semaine :).
zoniko a écrit :Oui mais, si son idée est de dire : allez vite chercher un traitement, qui limite le nombre de poussée d'un tiers dans les premières années, on limite de facto les handicaps qui en découlent, ou les restes d'une poussée.
Oui certes, mais dans l'extrait que je cite il fait explicitement référence au traitement de la poussée, pas au traitement de fond.
Bien que finalement 20 ou 30 ans plus tard ce soit le bordel.
C'est compliqué mais il semble tout de même que l'évolution à long terme soit sensiblement meilleure avec traitement, que sans traitement. J'ai récemment traduit de l'anglais un article fort intéressant qui parlait entre autres de cela, ici.

A tout bientôt,

JP.
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Nostromo a écrit : 16 nov. 2021, 18:32 C'est compliqué mais il semble tout de même que l'évolution à long terme soit sensiblement meilleure avec traitement, que sans traitement.
J'ai récemment annoncé mon diagnostic à deux collègues (amies) et l'une d'elle m'a dit "il y a près de 20 ans on m'a posé le même diagnostic, je suis depuis sous interféron et j'attends encore la deuxième poussée"... traitement ou bol je préfère dire traitement ... la neuro m'a dit exactement la même chose que toi JP " aujourd'hui on a assez de recul pour dire que les traitements pris tôt permettent de ralentir l'évolution des sep RR et donc l'handicap à long terme on a d'ailleurs beaucoup de patients qui après des années d'évolution sont à une ou deux poussées"... Je n'ai pas encore commencé le traitement j'attends mon rdv avec l'infirmière je croise vraiment les doigts pour faire partie de cette cible "sep sympa"
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Coulinette,
Linette2021 a écrit :"il y a près de 20 ans on m'a posé le même diagnostic, je suis depuis sous interféron et j'attends encore la deuxième poussée"... traitement ou bol je préfère dire traitement
Oui hum enfin là tu sais ce que j'en pense :) : une sep à "une seule poussée" (ta copine en est toujours à attendre la deuxième après vingt ans), au bout de quelques années à ne rien voir venir, des doutes sérieux, et de plus en plus sérieux à mesure que le temps passe, commencent à peser sur le diagnostic de sclérose disséminée (sclérose disséminée est un synonyme de la sclérose en plaques) : la dissémination, on l'attend toujours, en l'occurrence la dissémination dans le temps clinique. Et au bout de vingt ans d'attente, ma foi...

Ces doutes se répercutent directement sur le bien-fondé même du traitement : parmi les critères d'inclusion des premières études de phase III qui, vers 1995, avaient validé la pertinence des interférons-bêta dans le traitement de fond de la sep, figurait d'ailleurs systématiquement un taux annualisé de poussée, du genre "au moins deux poussées cliniques au cours des trois dernières années" (sinon, passe ton chemin, tu ne nous intéresses pas). Dans le cas de ta copine, en plus de "traitement" et "bol", j'ajoute donc une troisième possibilité, qui est "pas de bol" :mrgreen: : pas de bol d'avoir été contrainte, depuis près de vingt ans, de suivre un traitement qui reste lourd et dont on ne sait même pas si, dans son cas particulier, il a eu la moindre utilité.

Il y a un côté apprentis sorciers dans tout ça : quand, à de jeunes adultes pleins d'avenir, on annonce un diagnostic aussi lourd, qui va la plupart du temps bouleverser leur vie et les contraindre à suivre un traitement, lourd lui aussi, sur une base permanente, ... il vaut mieux être sûr de son coup. L'est-on réellement, ou arrive-t-il plus ou moins fréquemment qu'on pose un diagnostic erroné ?

On a recensé un certain nombre de cas, en augmentation régulière au fil des vingt dernières années, de diagnostics erronés de sep. Ces cas ne représentent qu'une toute petite fraction de la partie émergée de l'iceberg, dans la mesure où les patients concernés sont exclusivement ceux qui souffraient en fait d'autres pathologies bien précises, contre lesquelles les traitements de fond de la sep se montraient délétères -- allant jusqu'à provoquer quelques décès parmi ces patients. Dans l'immense majorité des cas, une erreur de diagnostic n'aboutit heureusement pas à une issue aussi fatale.

Avant les critères de McDonald, on ne diagnostiquait qu'une fois confirmée la présence d'au moins deux poussées cliniques, ce qui provoquait l' "errance diagnostique" de personnes qui n'étaient jamais diagnostiquées, du fait qu'elles ne dépassaient jamais le stade du SCI (elles erraient d'accord, mais en contrepartie, neurologiquement parlant, elles ne s'en portaient pas plus mal). Depuis, l'errance diagnostique a pour ainsi dire totalement disparu dans le cadre de la sep, le prix à payer étant qu'on te pose un diagnostic et qu'on initie un traitement à une proportion de patients, en fait presque exclusivement des patientes (il faudra un jour que quelqu'un s'intéresse à cette autre bizarrerie statistique), pour qui rien ne le justifie. Dans le même temps, c'est à dire en vingt ans, la prévalence de la sep a été multipliée par deux (plus précisément par 2,5 chez les femmes, alors qu'elle n'a pas bougé chez les hommes), sans qu'on ait encore réussi à proposer une explication épidémiologique qui tienne la route, et ce n'est pas faute d'avoir cherché : on ne peut donc pas exclure, à ce stade, que cette proportion de sep indûment diagnostiquées et indûment traitées serait aussi importante qu'une sur deux. La moitié des sep diagnostiquées aujourd'hui qui ne justifieraient pas le moindre traitement, c'est colossal.

J'avais évoqué cette diablerie une fois à ma voisine neurologue. Outre qu'elle n'était pas au courant de cette explosion de la prévalence de la sep en vingt ans, son explication immédiate (dont rien ne dit que c'est la bonne explication, ça serait trop facile :) ) avait été... l'évolution des critères de diagnostic.

La seule chose qu'on peut tenir pour certaine dans tout ça, c'est qu'on ne sait pas grand chose :)
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Nostromo a écrit : 17 nov. 2021, 10:08 : une sep à "une seule poussée" (ta copine en est toujours à attendre la deuxième après vingt ans), au bout de quelques années à ne rien voir venir, des doutes sérieux, et de plus en plus sérieux à mesure que le temps passe, commencent à peser sur le diagnostic
je ne sais pas JP - à moi ils m'ont dit la sclérose en plaques est là depuis un moment mais les lésions n'ont donné aucun symptômes jusqu'a présent ou peut être des symptômes qui sont passés inaperçus car très légers... j'ai pas mal de lésions... je me dit que cela peut être également le cas pour ma collègue ...elle fait des contrôles IRM qui montrent de nouvelles lésions mais pas de poussées ... ou peut-être pas de grosses poussées ... Je ne suis pas encore rentrée dans les détails avec elle et je compte le faire riree après est-ce que c'est le traitement ou est-ce que de toutes façons sa sep est "light" grand point d'interrogation...
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Salut Linette,
Linette2021 a écrit :à moi ils m'ont dit la sclérose en plaques est là depuis un moment mais les lésions n'ont donné aucun symptômes jusqu'a présent ou peut être des symptômes qui sont passés inaperçus car très légers... j'ai pas mal de lésions... je me dit que cela peut être également le cas pour ma collègue ...elle fait des contrôles IRM qui montrent de nouvelles lésions mais pas de poussées ... ou peut-être pas de grosses poussées ... Je ne suis pas encore rentrée dans les détails avec elle et je compte le faire riree après est-ce que c'est le traitement ou est-ce que de toutes façons sa sep est "light" grand point d'interrogation...
C'est toujours la même histoire. Je vais donc un peu radoter, j'espère que tu ne m'en voudras pas trop :).

Remontons en 2001. 2001, c'est l'année où les critères diagnostiques de McDonald ont remplacé les critères diagnostiques de Poser. Les critères de McDonald sont plus débonnaires que ceux de Poser, dans la mesure où ils donnent beaucoup plus d'importance à ce qu'on voit sur l'IRM (critères IRM de Barkhof, remplacés depuis par les critères IRM encore moins stricts de Swanton). Les critères de Poser, quant à eux, faisaient la part belle à l'expression clinique de la maladie : autrement dit, si tu avais des IRM toutes pourries (les IRM existaient déjà, hein ;) ), mais pas de symptôme détectable lors de l'examen neurologique, tu pouvais repasser pour obtenir ton diagnostic.

Vers cette époque, on reconnaissait l'existence de formes latentes de sep. Une forme latente (ou quiescente) c'est quoi, c'est la présence de lésions caractéristiques de la sep, mais une présence de lésions qui ne s'accompagne pas du moindre symptôme.

Cette particularité était connue depuis fort longtemps, bien avant l'IRM : la connaissance était basée sur ce qu'on voyait lors des autopsies, qui présentaient ces lésions caractéristiques dans environ un cas sur 500, soit une prévalence de 200 pour 100'000. Or, la prévalence diagnostiquée de la sep, telle que mesurée notamment sur les dossiers d'ALD pour cette cause (la prévalence de la sep est toujours calculée de la même façon aujourd'hui), tournait à l'époque autour de 50 à 80 cas pour 100'000. On en déduisait donc que les formes latentes de sep étaient au moins aussi nombreuses que les formes symptomatiques. Tu retrouveras une trace de cette connaissance en 2006 encore, par exemple ici (pdf), pp. 5 - 6 (document provenant de la Haute Autorité de Santé) :
HAS a écrit :Formes cliniques
[...]
● Il existe des formes latentes, qui pourraient être au moins aussi fréquentes que les formes ayant une évolution ultérieure symptomatique.
[...]
● Les formes bénignes ou quiescentes doivent être connues : elles peuvent ne pas
justifier de traitement de fond
(risques iatrogènes et effets délétères sur la qualité de vie supérieurs au bénéfice attendu).
Or, selon la définition même d'une forme latente (présence de lésions visibles à l'autopsie, et par conséquent tout autant visibles à l'IRM, mais absence de symptômes), ces formes latentes n'avaient aucune chance d'être jamais diagnostiquées avec les critères de Poser. A quoi bon, d'ailleurs ?

A partir de McDonald, qui ne s'embarrasse plus de la présence de symptômes et fait la part belle à ce qu'on voit sur l'IRM, la donne change radicalement et une forme latente n'échappe plus au diagnostic de sep -- à condition, cela va de soi, d'avoir dû passer par la case IRM pour une raison quelconque (il ne t'a pas échappé qu'on fait de plus en plus passer des IRM pour un oui, pour un non). Une fois que le diagnostic de sep aura été posé, sans la moindre considération pour savoir si on est en face d'une forme latente ou pas, la quasi-totalité des cas commencera un traitement de fond. Traitement de fond qui, comme le précise le document de la HAS ci-dessus, présente des "risques iatrogènes et effets délétères sur la qualité de vie supérieurs au bénéfice attendu", juste un petit détail de rien du tout... Un risque iatrogène, c'est quand c'est le médicament, et lui seul, qui te rend malade. Je rends hommage aux décisions courageuses de maglight et Caribou, de n'avoir pas pour le moment franchi ce pas.

Et donc, lors de l'avènement des critères de McDonald en 2001, la prévalence de la sep tournait autour de 80 cas pour 100'000, maximum (il m'arrivait de lire du 50 pour 100'000, à l'époque). D'après ce document, à jour, du ministère de la santé, "la SEP touche aujourd’hui 100 000 personnes en France" (il m'est arrivé de voir plus, jusqu'à 120'000, mais restons sur 100'000). Rapporté à une population de 67 millions, ce chiffre m'amène à une prévalence de l'ordre de 150 pour 100'000 : à population constante, il y a deux fois plus de sépiens (qui ont reçu leur diagnostic) aujourd'hui qu'il y a vingt ans.

Ne reste plus qu'à trouver une explication à cette explosion des cas. Peut-être une épidémie : on suspecte l'implication d'un virus dans la sep, donc pourquoi pas, mais cette épidémie est alors mondiale, car les mêmes observations peuvent être faites un peu partout, et il serait bon de nommer le virus et de démontrer qu'il a effectivement doublé le nombre de personnes infectées au cours des vingt dernières années. Seulement, pourquoi chercher midi à quatorze heures, quand l'explication simple des modifications des critères diagnostiques existe déjà, et qu'elle colle parfaitement ? N'aurait-on pas meilleur temps, plutôt que de rechercher une explication plus ou moins probable, de commencer par démontrer que l'explication de l'évolution des critères diagnostiques, avec un diagnostic de plus en plus massif de formes latentes, ne peut pas être retenue ?

Tu noteras au passage que si la moitié des sep diagnostiquées aujourd'hui sont latentes, alors la moitié des sep auront une évolution favorable, asymptomatique, pendant toute la vie du patient. Vu que le patient sera par ailleurs, presque toujours, sous traitement de fond, alors le traitement de fond montrera déjà l'efficacité statistique redoutable de supprimer toute poussée symptomatique dans la moitié des cas. Argument qui pourra être retenu par les neuros pour justifier la prise d'un traitement de fond : d'un point de vue logique, c'est une forme de raisonnement circulaire, c'est à dire de sophisme...

Je n'aimerais pas être à ta place :|.
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Nostromo a écrit : 18 nov. 2021, 11:52
Tu noteras au passage que si la moitié des sep diagnostiquées aujourd'hui sont latentes, alors la moitié des sep auront une évolution favorable, asymptomatique, pendant toute la vie du patient. Vu que le patient sera par ailleurs, presque toujours, sous traitement de fond, alors le traitement de fond montrera déjà l'efficacité statistique redoutable de supprimer toute poussée symptomatique dans la moitié des cas. Argument qui pourra être retenu par les neuros pour justifier la prise d'un traitement de fond : d'un point de vue logique, c'est une forme de raisonnement circulaire, c'est à dire de sophisme...
Notre cher MacDo a doublé le nombre de sep diagnostiqué c'est sur! Je pense aussi que la maladie est beaucoup mieux connue par les généralistes aujourd'hui et que des cas "bénins" qu'on mettait auparavant sur le compte de la spasmophilie ou autres sont aujourd'hui diagnostiqués. Alors dans mon cas:
- soit ma sep est latente depuis un moment et comme je le ressens a été réveillé par le gros stress professionnel vécu l'année dernière en période de COVID: si c'est le cas, à mon avis pas très scientifique mais logique, il y aura peu de poussées ressenties dans le futur et le traitement peut jouer le rôle de placébo si les lésions restent asymptomatiques.
- Soit ma sep a été latente depuis un moment et a décidé de se réveiller, là le traitement se justifie et il ne me reste qu'à croiser les doigts pour qu'elle reste sympa.
- Soit elle n'est pas la depuis longtemps et dans ce cas tous les cas de figure sont possibles et le traitement se justifie.

il n'y a que le temps qui nous éclairera sur tout ça! Sacré Sep! Après toutes ces années de recherche son évolution et son "type" restent non maitrisés par les neurologues.
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Bonsoir Linette,
Linette2021 a écrit :Notre cher MacDo a doublé le nombre de sep diagnostiqué c'est sur!
Houlà, comme tu y vas... C'est une possibilité crédible, rien de plus.
il n'y a que le temps qui nous éclairera sur tout ça! Sacré Sep! Après toutes ces années de recherche son évolution et son "type" restent non maitrisés par les neurologues.
Une des règles de base est que le pronostic individuel de la sep, i.e. quelle va être l'évolution d'un patient donné (toi, moi, etc.), est impossible à prédire. On arrive très bien à prédire ce que va être l'évolution moyenne d'un ensemble de patients, mais au cas par cas, nope. Or c'est bien le cas par cas qui intéresse chacun de nous.

Nombreux sont ceux qui tentent de mettre cette règle par terre. On parle notamment beaucoup du rôle de l'intelligence artificielle, de big data et d'algorithmes. Bah :), on verra bien...
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Comme disait je ne sais plus qui : tout ce que je sais, c'est que je sais pas...
En même temps, ça laisse toute la place à l'imaginaire, aux fantasmes, à l'espoir...
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Nostromo a écrit : 19 nov. 2021, 13:31 Une des règles de base est que le pronostic individuel de la sep, i.e. quelle va être l'évolution d'un patient donné (toi, moi, etc.), est impossible à prédire. On arrive très bien à prédire ce que va être l'évolution moyenne d'un ensemble de patients, mais au cas par cas, nope. Or c'est bien le cas par cas qui intéresse chacun de nous.
Comme me l'a dit le médecin de l'échange plasmatique... malheureusement il y a des choses qui échappent à la médecine et qu'on ne peut ni expliquer ni prédire ... Ils relèvent plutôt du domaine de Madame Soleil :D

Bon Week-end JP
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