Coulinette,
Linette2021 a écrit :la différence entre nous, il me semble, c’est que moi je comprends qu’ils proposent un traitement d’emblée face à cette incertitude, quitte à rétrograder par la suite ….
Nonon

, pas une différence puisque je comprends tout à fait ceci aussi. Sauf que les choses ont changé.
J'y intègre donc simplement un autre paramètre, qui est celui du doublement de la prévalence de la sep qui a eu lieu entre l'arrivée des critères de McDonald en 2001 (régulièrement assouplis par la suite, nouvelle version après nouvelle version : 2005, 2010, 2017), et aujourd'hui. Critères de McDonald dont un des principaux effets annoncés, explicitement voulu par leur créateur comme par ceux qui lui ont succédé, était de faciliter le diagnostic, de l'accélérer, par rapport aux critères précédents (critères de Poser, qui faisaient déjà très bien l'affaire). Un autre de ces effets, directement induit, a été la disparition progressive, pour en arriver aujourd'hui à peau de chagrin, de l'errance diagnostique dans le cadre de la sep : si aujourd'hui tu es en errance diagnostique, tu ne sais certes pas ce que tu as, mais tu peux être à peu près certaine que ce n'est pas la sep. C'est toujours ça de pris...
Les cohortes de patients qui, avant McDo, restaient en errance diagnostique alors qu'ils étaient effectivement atteints d'une sep, étaient selon toute logique atteints d'une forme latente de sep, qui n'avait pas d'expression clinique. Pour ça qu'on ne les diagnostiquait pas, tiens

, quelle aurait d'ailleurs été l'utilité d'annoncer une pathologie aussi lourde à un patient, si cette pathologie lourde ne s'accompagnait d'aucun symptôme et que de toute façon on ne pouvait rien y faire ?
A l'époque, le nombre de cerveaux qu'on rencontrait, lors des autopsies, qui présentaient des lésions caractéristiques de la sep, était compris entre le double et le triple de ce qu'on aurait dû rencontrer par simple règle de trois avec la prévalence connue de la sep : on disposait donc d'un beau réservoir de sep latentes, qui ne recevaient jamais de diagnostic. Que sont donc devenues toutes ces sep latentes,
au moins la moitié de toutes les sep de l'époque ? Mystère... Ce qu'on sait en revanche, c'est que ces lésions que l'on découvrait à l'autopsie, seront vues tout aussi clairement lors d'une simple IRM : plus besoin d'attendre le décès du patient pour lui diagnostiquer une sep. Et le coller sous traitement. On n'arrête pas le progrès.
J'avais été diagnostiqué à l'époque des critères de Poser, mon diagnostic n'avait pas fait un pli : en une poignée de semaines il était posé, malgré une ponction lombaire vierge de bandes oligoclonales qui nous avait fait tout de même perdre un peu de temps, aux toubibs comme à moi. Mébon, la PL était une chose, mais comme à côté je présentais des IRM toutes pourries et qui, cerise sur le gâteau, démontraient plus que largement DIS (des lésions partout) et DIT (certaines lésions prenaient le contraste, d'autres pas), comme d'autre part mes symptômes comme mon historique plaidaient eux aussi en faveur de DIS et DIT, ça avait bien facilité la chose. Les symptômes dont je souffrais étaient par ailleurs clairement objectivables à l'examen clinique, notamment ataxie, spasticité, diplopie, vertiges, etc. (double syndrome cérébelleux et pyramidal) : même avec une PL vierge, je n'avais
aucun risque d'errer bien loin...
Bref, avec Poser, il fallait "mériter" un minimum pour obtenir un diagnostic, d'où le problème induit de l'errance diagnostique. Aujourd'hui, il suffit de présenter une IRM qui montre à la fois DIS et DIT, sachant que les critères IRM de
Swanton, en vigueur depuis 2010, sont beauuucoup plus coulants que les critères IRM de Barkhof, en vigueur de 1997 à 2010, qui étaient eux-mêmes beauuuuucoup plus coulants que les critères IRM de Poser, en vigueur auparavant ; ou alors, avec une IRM qui ne montre que la DIS mais même pas la DIT, si tu présentes à côté des bandes oligoclonales sur ta PL on en déduit une
probabilité de récidive, donc une (plus ou moins probable) DIT future et hop, diagnostic, traitement. Présenter des symptômes objectivables à l'examen clinique est totalement accessoire, on ne va pas s'embêter pour si peu, viens là que je te diagnostique une sep et que je te colle sous traitement.
Ce qui aboutit à un problème induit inverse de l'errance diagnostique, qui est qu'on va te coller sous traitement de fond des patients qui... ne sont pas atteints de sclérose en plaques (je ne parle pas ici des sep latentes, je te parle de gars diagnostiqués sep, alors qu'ils ont tout à fait autre chose). Certains en sont morts, le traitement de fond de la sep qu'ils prenaient ayant eu pour effet fâcheux de jeter de l'huile sur le feu de leur pathologie réelle. Qui imitait la sclérose en plaques, mais n'était pas la sclérose en plaques -- juste diagnostiquée sep à tort : trop bête, promis, on fera mieux la prochaine fois.
Perso on ne m’a pas foutu les petoches mais j’ai lu pas mal d’articles sur les sep bénignes et cela ne m’a pas encouragée … elles sont de l’ordre de 10 à 20% pour un suivi de 30 ans (score EDS inférieur à 3)… il n’y a pas tant de sep bénignes que ça…
Ce chiffre était déjà celui qui était donné "de mon temps" (arf), i.e. avant l'introduction des critères de McDonald en 2001, et par conséquent, avant le doublement du nombre de sépiens diagnostiqués qui a eu lieu depuis. Et donc, quid de ce doublement, quid des sep latentes ? Nul ne sait à quoi est dû ce doublement, les hypothèses les plus invraisemblables pouvant être trouvées sur pubmed (mon exemple préféré : pour l'Iran où on constate la même évolution que partout ailleurs, c'est l'obligation du port du voile intégral qui a entraîné une exposition moindre au soleil, laquelle a entraîné une carence en vitamine D, qui a entraîné, etc.) et aucune n'étant bien crédible ; ce qu'on peut en revanche tenir pour certain, c'est l'existence préalable, constatée en 2001, d'un réservoir de cas non diagnostiqués (car "latents") au moins aussi volumineux que celui des cas diagnostiqués : par son volume, ce seul réservoir est plus que suffisant pour que des critères diagnostiques de moins en moins stricts permettent d'atteindre ce doublement de la prévalence, sans avoir besoin de chercher plus loin.
Si tu envisages l'hypothèse (ce n'est qu'une hypothèse, mais je n'en vois pas de meilleure : comment expliquer cette épidémie de sep depuis l'invention du menu McDo, sinon ?) d'un transfert de ces sep latentes qui n'étaient jamais diagnostiquées jusqu'en 2001, vers de nouvelles sep progressivement diagnostiquées comme telles depuis cette date, ça explique non seulement le doublement de la prévalence sur la période, mais aussi l'évolution de plus en plus favorable du pronostic statistique, à mesure que passent les années.
Un tel transfert te ferait en particulier passer d'une probabilité de sep bénigne de 10%, à une probabilité de l'ordre de [10% x 1/2 ] (ton ancienne probabilité de sep bénigne, mais observée sur une prévalence qui était moitié moindre de la prévalence actuelle) + 50% x 1 (l'ancienne probabilité de développer une sep latente, transférée sur la prévalence actuelle), soit 55% de chances. Plus d'une chance sur deux, pour qu'une sep diagnostiquée aujourd'hui soit bénigne ou latente -- latente étant donc
encore plus bénigne que bénigne. Au lieu de 10% annoncés auparavant, et ce sont évidemment les traitements qui en récoltent les lauriers.
Mais encore une fois je reste persuadée que les neuros font au mieux, en tous cas les bons d’entre eux

…
"Faire au mieux", pour un médecin confronté à un cas qu'il s'agit de diagnostiquer, c'est suivre le protocole diagnostique, soit aujourd'hui les critères 2017 de McDonald, qui de facto autorisent le diagnostic des sep latentes (ce que les critères de Poser ne permettaient pas).
"Faire au mieux", pour un médecin confronté à un patient qui vient de recevoir son diagnostic de sep (voir paragraphe précédent), c'est lui administrer un remède qu'on croit sincèrement efficace face à une telle pathologie.
Quand j'avais revu Gout en 2018, il m'avait signalé que j'étais le premier patient sep qu'il rencontrait depuis au moins dix ans, qui n'avait jamais pris de traitement. Et non, aucun barrage ne m'avait empêché d'arriver jusqu'à lui.
A bientôt,
JP