Les sep dites bénignes
Posté : 15 août 2019, 00:34
Bonjour tout le monde,
La chose a été abordée dans le topic de lélé "le déni", il semble que quelques-uns, en particulier parmi les "jeunes" diagnostiqués, se posent des questions sur les sep "bénignes".

Pour poser les choses je renvoie une fois de plus vers cette brochure de l'ARSEP, plutôt pas mal faite, mais qui finalement pose plus de questions qu'elle n'y répond.
La définition de "sep bénigne" est triviale : un score EDSS inférieur ou égal à 3 avec une ancienneté d'au moins dix ans dans la maladie. Une sep bénigne, selon cette définition, peut donc tout à fait être requalifiée en fonction de l'évolution de la maladie, et cesser d'être considérée comme telle. On trouvera ici une bonne description de l'échelle EDSS (je prie Defcom d'apprécier que j'ai, pour la bonne santé du forum, sorti le terme "EDSS" de mon lien
). Pour ceux qui ne la connaissent pas, il sera utile d'assimiler à peu près cette notion pour mieux comprendre la suite.
Plusieurs questions se posent, en particulier pour ceux qui, au moment du diagnostic, sont tombés sur un neuro qui, à mots plus ou moins couverts, leur ont prédit une évolution bénigne -- pronostic qui n'a aucun sens par rapport au peu de choses qu'on peut tenir pour sures à propos de la maladie, et en particulier son imprédictibilité. Nous sommes pourtant quelques-uns ici à être dans ce cas, je salue au passage Caribou et Zoniko et je prie ceux que j'oublierais de m'en excuser. Une autre question, beaucoup plus basique, consiste à essayer de savoir quel pourcentage des sep seront "bénignes" à dix, vingt, trente ans, voire plus : je soupçonne certains jeunes diagnostiqués de se laisser tenter par de savants calculs de probabilités sur ce que pourra être l'évolution future de leur sep
(pour ça qu'on en parlait dans "le déni", d'ailleurs).
Le document en lien aborde précisément cette deuxième question, mais d'une façon ma foi, comment dire... assez obscure. En haut de la page 3 :
Alors on pourra s'étonner que la proportion de formes bénignes à 30 ans (59,5%) soit supérieure à ce qu'elle est à 20 ans (53,8%), mais l'effectif relativement faible et la faible différence entre les deux chiffres suffiraient à eux seuls, au besoin, à expliquer cette étrangeté (variabilité probabiliste). D'autres explications moins rigolotes sont envisageables, notamment celle que les formes les plus foudroyantes de sep auront pu se solder en cours de route par le décès du patient et qu'au bout de trente ans dans la maladie, "seuls les moins atteints auront survécu", mais je ne crois pas que ça puisse jouer énormément : les formes foudroyantes se rencontrent, certes, mais sont tout de même fort rares.
Il me paraît d'autre part très peu probable que l'étude aura été menée consciencieusement sur une période aussi longue que trente années, je trouve beaucoup plus vraisemblable qu'on aura pris le fichier des patients sep de Rennes à un instant donné, disons vers 2012
, qu'on aura ventilé ce fichier en fonction de l'ancienneté du dossier de chaque patient (10 ans, 20 ans, 30 ans), et qu'on en aura tout bêtement sorti les stats en fonction du score EDSS, consciencieusement mis à jour par nos neuros dans nos dossiers après chacune de nos consultations. Cette méthode est cohérente avec l'observation qu'on a de moins en moins de dossiers à mesure qu'on augmente la durée d'observation, ou de plus en plus à mesure qu'on la réduit. Et en tout état de cause, au delà de vingt ans d'ancienneté dans la maladie on est à plus d'un patient sur deux qui répond toujours à la définition de "bénigne", chiffre qui reste stable avec dix ans de mieux : combien d'ancienneté faut-il cumuler, finalement, pour commencer à entrer dans la fourchette "entre 5% et 40%", présentée auparavant ?
Ah sinon, une chose qui n'est pas indiquée dans cette brochure, et j'en reviens à l'EDSS, c'est que l'EDSS à dix ans, à vingt ans, à trente ans, a une valeur prédictive assez forte. Cette valeur prédictive sera d'autant plus solide que la période considérée sera longue (l'EDSS au bout de trente ans aura une plus forte valeur prédictive que l'EDSS au bout de dix ans). Et comme on parle ici de formes bénignes, on va rester sur des EDSS inférieurs à 3,0 : au bout de la période considérée, qu'elle soit de dix ans, de vingt ans, de trente ans (ou n'importe quoi, peu importe), un EDSS de 1,0 sera de meilleur pronostic qu'un EDSS de 2,0, qui sera lui-même de meilleur pronostic qu'un EDSS de 3,0.
Et j'en reviens finalement à la mystérieuse valeur prédictive qu'utilisent les neuros qui se permettent de pronostiquer une évolution bénigne au moment d'annoncer le diagnostic à leur patient, et là je me perds en conjectures...
A bientôt,
Jean-Philippe.
La chose a été abordée dans le topic de lélé "le déni", il semble que quelques-uns, en particulier parmi les "jeunes" diagnostiqués, se posent des questions sur les sep "bénignes".
Voilà, par exemplemaglight a écrit :le sujet de la sep bénigne mérite un post a lui tout seul, manifestement !

Pour poser les choses je renvoie une fois de plus vers cette brochure de l'ARSEP, plutôt pas mal faite, mais qui finalement pose plus de questions qu'elle n'y répond.
La définition de "sep bénigne" est triviale : un score EDSS inférieur ou égal à 3 avec une ancienneté d'au moins dix ans dans la maladie. Une sep bénigne, selon cette définition, peut donc tout à fait être requalifiée en fonction de l'évolution de la maladie, et cesser d'être considérée comme telle. On trouvera ici une bonne description de l'échelle EDSS (je prie Defcom d'apprécier que j'ai, pour la bonne santé du forum, sorti le terme "EDSS" de mon lien

Plusieurs questions se posent, en particulier pour ceux qui, au moment du diagnostic, sont tombés sur un neuro qui, à mots plus ou moins couverts, leur ont prédit une évolution bénigne -- pronostic qui n'a aucun sens par rapport au peu de choses qu'on peut tenir pour sures à propos de la maladie, et en particulier son imprédictibilité. Nous sommes pourtant quelques-uns ici à être dans ce cas, je salue au passage Caribou et Zoniko et je prie ceux que j'oublierais de m'en excuser. Une autre question, beaucoup plus basique, consiste à essayer de savoir quel pourcentage des sep seront "bénignes" à dix, vingt, trente ans, voire plus : je soupçonne certains jeunes diagnostiqués de se laisser tenter par de savants calculs de probabilités sur ce que pourra être l'évolution future de leur sep

Le document en lien aborde précisément cette deuxième question, mais d'une façon ma foi, comment dire... assez obscure. En haut de la page 3 :
Bon d'accord, admettons. Je saute donc à la page 4, une étude sur les patients sep du CHU de Rennes :la fréquence des formes bénignes varie entre 5 % et 40 % dans les études. Cette grande diversité dans les chiffres peut venir de la définition utilisée mais elle est surtout liée à la durée de suivi des personnes, à 10 ans exactement, ou plus longtemps
Cette étude vaut ce qu'elle vaut (comme toutes les études de cohorte, elle est potentiellement pleine de biais), mais elle me plonge tout de même dans un abîme de perplexité. Hé quoi, au bout de 30 ans d'évolution de leur sep (30 ans, ça commence à faire pas mal, en ce qui me concerne je m'en rapproche mais n'en suis pas encore là), on a près de 60% des patients qui présentent toujours une forme bénigne ? Ben si, c'est ce qui est écrit, noir sur blanc.- 10 ans après le début de la maladie, 73,9 % (646/874) des personnes malades répondaient à la définition de SEP bénigne.
- 10 ans plus tard, soit 20 ans après le début de la maladie, seulement la moitié des patients suivis (162/301 soit 53,8 %) répondaient encore à la définition de SEP bénigne. [...]
- Encore 10 ans plus tard, donc à 30 ans d’évolution de la SEP, la moitié des personnes malades avait toujours une forme bénigne (44/74 soit 59,5 %) [...]
Alors on pourra s'étonner que la proportion de formes bénignes à 30 ans (59,5%) soit supérieure à ce qu'elle est à 20 ans (53,8%), mais l'effectif relativement faible et la faible différence entre les deux chiffres suffiraient à eux seuls, au besoin, à expliquer cette étrangeté (variabilité probabiliste). D'autres explications moins rigolotes sont envisageables, notamment celle que les formes les plus foudroyantes de sep auront pu se solder en cours de route par le décès du patient et qu'au bout de trente ans dans la maladie, "seuls les moins atteints auront survécu", mais je ne crois pas que ça puisse jouer énormément : les formes foudroyantes se rencontrent, certes, mais sont tout de même fort rares.
Il me paraît d'autre part très peu probable que l'étude aura été menée consciencieusement sur une période aussi longue que trente années, je trouve beaucoup plus vraisemblable qu'on aura pris le fichier des patients sep de Rennes à un instant donné, disons vers 2012

Ah sinon, une chose qui n'est pas indiquée dans cette brochure, et j'en reviens à l'EDSS, c'est que l'EDSS à dix ans, à vingt ans, à trente ans, a une valeur prédictive assez forte. Cette valeur prédictive sera d'autant plus solide que la période considérée sera longue (l'EDSS au bout de trente ans aura une plus forte valeur prédictive que l'EDSS au bout de dix ans). Et comme on parle ici de formes bénignes, on va rester sur des EDSS inférieurs à 3,0 : au bout de la période considérée, qu'elle soit de dix ans, de vingt ans, de trente ans (ou n'importe quoi, peu importe), un EDSS de 1,0 sera de meilleur pronostic qu'un EDSS de 2,0, qui sera lui-même de meilleur pronostic qu'un EDSS de 3,0.
Et j'en reviens finalement à la mystérieuse valeur prédictive qu'utilisent les neuros qui se permettent de pronostiquer une évolution bénigne au moment d'annoncer le diagnostic à leur patient, et là je me perds en conjectures...
A bientôt,
Jean-Philippe.