Coulinette

Linette2021 a écrit :je ne savais pas qu'ils se basaient sur ce score pour décider du changement ou non de traitement. Ce score est utilisé uniquement au début du traitement ou sert-il de basse tout au long de la maladie?
L'idée, c'est de le mettre en route dès le début du traitement ; plus tard, il ne servirait plus à grand chose. Bon, évidemment, c'est beaaaaucoup plus compliqué que ça, tu penses bien

.
Le "score de Rio", c'est le résultat d'une étude menée par le Pr... Rio

(et ses confrères), à Barcelone. Il a mis en évidence une corrélation relativement forte, pour les jeunes diagnostiqués qui débutaient un traitement à l'interféron-bêta, entre un score élevé au bout d'un an de traitement, et une évolution ultérieure plus défavorable (et vice-versa) ; d'où on déduit, d'une façon qui me semble bien hâtive, que le traitement est inefficace (ou vice-versa) : j'ai
un peu été gavé de probas et stats quand j'étais à l'école, une des premières choses qu'on m'y avait enseignées était que la corrélation ne disait pas grand chose de la cause. D'autre part, ce n'est pas parce qu'un patient à qui tu administres tel ou tel traitement montre une évolution rapide, qu'un autre traitement aurait abouti sur lui à une évolution moins rapide : peut-être, peut-être pas, va savoir -- ce n'est en tout cas pas ce qu'on a mesuré qui permet de le savoir.
D'autres que Rio se sont ensuite essayés, le plus souvent avec un certain succès, à extrapoler les observations de Rio sur d'autres molécules, à commencer par l'acétate de glatiramère (Copaxone), mais aussi des trucs plus costauds comme le Fingolimod (Gilenya) et même le Natalizumab (Tysabri).
Par ailleurs, d'autres équipes se sont également essayées à établir leurs propres outils pronostiques, ce qui fait qu'à l'heure actuelle, il en existe quatre principaux :
1. le score de Rio,
2. le score modifié de Rio,
3. le MAGNIMS (Magnetic Resonance Imaging in Multiple Sclerosis),
4. le ROAD (Risk of Ambulatory Disability).
Tous ne mesurent initialement que l'efficacité d'un traitement sous IFN-β pendant la première année mais, comme pour le score de Rio, la porte est grande ouverte pour extrapoler à d'autres molécules. Par exemple, le MAGNIMS a, pour sa part, au moins été extrapolé sur le tériflunomide (Aubagio).
A la différence des trois autres, outre l'évolution au bout d'une année de traitement, le ROAD s'efforce d'inclure également à son calcul pronostique (à dix ans, le pronostic), ce qu'était l'état du patient au moment de son diagnostic. Ah oui tiens, pas idiot, hein

? La modification essentielle du score modifié de Rio, par rapport à l'original, est qu'il ne s'intéresse plus à l'évolution de l'EDSS (le score de Rio en tenait compte), quant au MAGNIMS il est très proche du score modifié de Rio, la différence essentielle étant que tu marques un point à l'IRM dès la troisième nouvelle lésion (autre différence, on y inclut aussi les lésions qui s'élargissent) en un an, ce qui le rend un chouille plus strict que le score modifié de Rio -- mais ne justifierait toujours pas de changement de traitement pour Oriole.
Les études qui permettent d'établir l'efficacité respective de chacune de ces méthodes sont rétrospectives : au bout d'une année de traitement, le
neurologue mesure le score pour chacune des méthodes, et x années plus tard, x variant d'une étude à l'autre, on regarde où en sont rendus les patients, en particulier du point de vue de leur EDSS ; ce qui permet à chacune des études de calculer d'éventuelles corrélations entre score au bout d'un an, et EDSS à terme.
Aucune de ces méthodes ne détient la science infuse, chacune vaut ce qu'elle vaut, et le
neurologue reste libre de choisir celle qui correspondra le mieux à son propre ressenti subjectif, il reste même libre de considérer que tout ça n'est que BS s'il le souhaite (ce n'est pas moi qui lui jetterai la pierre s'il le fait

). Toutes ces méthodes partagent un même biais : elles ne sont que statistiques, c'est à dire qu'elles sont vérifiées
le plus souvent... Mais pas toujours, loin de là.
...
Or, parmi les rares certitudes qu'on peut glaner à propos de la sep, il y a celle que la sep d'un patient donné ne
peut pas être pronostiquée : "autant de sep que de sépiens". Autrement dit, le
neurologue ne dispose, pour l'instant, d'
aucun outil qui lui permette de déterminer à coup sûr quelle va être l'évolution, de la plus bénigne à la plus active, du patient qu'il voit en consultation. Heureusement, il dispose d'une kyrielle d'outils statistiques : il sait par exemple que,
le plus souvent, une sep qui commence à affecter les fonctions pyramidales ou cérébelleuses sera de mauvais pronostic, alors qu'à l'opposé, une sep qui touche les fonctions sensorielles sera de meilleur pronostic ; il sait également que,
toujours le plus souvent, la quantité des lésions orientera le pronostic (pas dans le bon sens). Les différents scores dont il est question ici viennent s'ajouter à ces outils statistiques.
Ce n'est pas parce que quelque chose est vrai
le plus souvent, que ça sera vrai dans le cas particulier du patient que tu reçois en consultation.
Ah pas simple, hein
A bientôt,
JP.