Salut Barbara !
Barbara92 a écrit :S'il te plaît est ce que tu peux me raconter cette poussée ? Ça m interesse
Voyons ça, alors

.
Cette poussée, qui est donc celle qui a donné lieu à mon "diagnostic éclair" par a priori les gens les plus compétents (la Salpé, c'est pas de la daube ; je ne précise ça qu'à fins éventuelles de comparaison avec ton cas), s'est distinguée de toutes les autres sous plusieurs aspects :
- multiplicité des symptômes. D'habitude, quand je fais une poussée, c'est deux ou trois symptômes seulement. Ici il y en avait beaucoup plus, voir plus bas la liste.
- intensité des symptômes, bien supérieure.
- "volatilité" de ces symptômes. Toujours par comparaison avec une poussée "habituelle", quand je fais une poussée j'ai tel et tel symptômes qui s'installent, qui se développent, qui plafonnent puis qui régressent, ce qui indique la fin de la poussée. Tout ce processus prend quelques semaines. Dans le cas de cet épisode, il y a certains des symptômes que je ne ressentais que pendant quelques heures, voire quelques minutes, puis qui étaient remplacés par d'autres, puis qui revenaient, etc. Le plus caractéristique de cette volatilité était la diplopie (symptôme évidemment inratable dès que tu as les yeux ouverts, ça se "voit" instantanément

), qui se manifestait par périodes de quelques minutes, puis disparaissait, puis revenait dix minutes après, etc.
En revanche, la durée de l'épisode a été parfaitement conforme avec ce que j'ai pu faire avant, ou après, c'est à dire deux ou trois semaines à patienter avant le début de la décrue. Globalement, ces différences avec les deux poussées précédentes, comme avec d'ailleurs les suivantes, ne rendaient pas intuitive l'idée qu'il pût s'agir de la même maladie ; quand le toubib m'a demandé si j'avais eu des épisodes précédents, j'ai commencé par répondre que non... Heureusement qu'en faisant l'inventaire de tout ce que j'avais eu depuis tout petit j'ai parlé de "névralgie faciale" à un moment, tu aurais dû voir le toubib, quand il a entendu ça on aurait dit un chien d'arrêt qui venait de flairer son lièvre.
Pour ce qui est des symptômes rencontrés lors de cette poussée, je vais commencer mon inventaire à la Prévert, j'espère ne rien oublier :
- gaucherie de la main droite

. Je me rappelle que les toubibs ne pouvaient pas s'empêcher de me demander si je ressentais la même maladresse dans la main gauche, je leur montrais à quoi ressemblait le rôti qui à l'époque me tenait lieu de main gauche avec un sourire en coin, genre "vous en avez d'autres, des questions à la con comme celle-ci ?"
- troubles de l'équilibre, vertiges, sensation d'ivresse. C'était peut-être le symptôme le plus impressionnant, car le plus intense, de tous. L'impression de découvrir enfin ce que c'est que l'essorage à 1400 tours de ta machine à laver, vu de l'intérieur.
- faiblesse musculaire dans la jambe droite, qui au pire a été jusqu'à ce que je me ramasse de tout mon long en me levant de ma chaise : ma jambe ne me tenait simplement plus. Conseil du neuro : "bah faut pas vous lever trop vite". Ah, ok

.
- diplopie, donc,
- violents spasmes à la ceinture abdominale, épisode heureusement unique qui n'a duré qu'environ une heure. Très douloureux. Pour moi cela n'avait rien à voir avec ce pour quoi je consultais, j'envisageais ça comme un "dommage collatéral" de la PL de la veille, qui ne s'était pas particulièrement bien passée (j'ai une profonde phobie des seringues, ce qui explique que j'étais un peu... tendu dès le départ). Quand j'ai eu quelques jours plus tard accès "par accident" à mon dossier, j'ai pu entre autres y découvrir ma liste de symptômes et oh tiens, vous ici ? les spasmes y figuraient en bonne position. Suivis de la mention : "le patient croit que c'est lié à la ponction lombaire". Arf.
- perte de sensibilité dans le haut de la raie des fesses (+/- entre le sacrum et le coccyx). Ce symptôme en apparence risible, est en fait redoutable par ce qu'il permet de présager pour la suite (
incontinence, troubles sexuels), mais heureusement RAS depuis.
- perte totale de goût pendant quelques jours. Le hasard a voulu que mes voisins marocains m'invitent à un couscous pile au cœur de cette période : je mangeais leur harissa maison à la petite cuillère, j'avais l'impression que c'était de la béchamel sans sel. Aucune exagération dans mes propos. Ma femme, assise en face de moi, avait le visage tout rouge et les larmes aux yeux, avec une dose beaucoup plus petite.
- je suis sûr que j'en oublie, mais on va s'arrêter là, ça devrait suffire

.
Pas de trouble cognitif. Pour ce qui concerne ceux qui t'ont si fortement troublée, tout ce que je peux dire, à supposer que ton diagnostic de sep est confirmé, est que leur avenir le plus probable est leur disparition totale (car c'est le cas de loin le plus fréquent, de se remettre complètement de sa première poussée), mais qu'il est toujours possible qu'ils reviennent à l'occasion d'une énième poussée, et que dans ce cas ils puissent éventuellement laisser des traces de leur passage. D'ailleurs de mon côté, pour cette "fameuse" poussée du diagnostic, qui n'était pas la première..., les troubles de l'équilibre ont laissé quelques traces, mais très discrètes. Tous les autres symptômes ont fini par disparaître, je ne les ai jamais plus rencontrés par la suite.
Quand je lis dans ton cas que tes neuros douteraient de ton diagnostic au motif que "les symptômes sont trop éparpillés en type et en espace corporel", ça tend donc à... me faire sourire. La sclérose en plaques a d'autres noms, à la place de "en plaques" on eut également dire "multiple" ou encore "disséminée", ça désigne à chaque fois la même chose. Tu vois où je veux en venir avec ces deux nouveaux adjectifs ? Le fait même que l'inflammation s'attaque à des zones différentes de ton SNC est précisément une indication déterminante pour pouvoir poser le diagnostic de sep. L'argument de l'éparpillement dans l'espace qui inciterait à écarter un tel diagnostic est, dans ces conditions, assez cocasse. Oserai-je parler de pur foutage de gueule

?
J'envisage tout de même une excellente raison pour laquelle tes neuros tourneraient ainsi autour du pot : c'est parce que c'est ta première poussée. Selon moi ce n'est pas l'éparpillement dans l'espace qui les enquiquine, c'est l'absence d'éparpillement dans le temps. Si ça se trouve tes neuros temporisent, ils espèrent secrètement que tu fasses ta deuxième poussée vite fait, et comme ça on sera fixé. Car outre l'éparpillement (le terme me plaît, bon, le terme correct c'est dissémination) dans l'espace, l'éparpillement dans le temps est tout aussi nécessaire. Jusqu'à une date très récente et si ça se trouve, jusqu'à aujourd'hui encore, il fallait au moins deux épisodes pour poser un diagnostic de sep. Je ne sais pas si les critères de McDonald 2017 sont officiellement entrés en vigueur, ou s'ils sont encore au stade de la discussion, car ce n'est qu'avec eux qu'on est passé, fin 2017, de 2 à 1 poussée pour poser le diagnostic. Si les neuros que tu vois ne sont pas "à la pointe", ils préféreront temporiser, éviter l'erreur de diagnostic, respecter les règles en vigueur : comment leur en vouloir ?
Pour ce qui est de mon traitement, heu comment dire. L'ordre des choses (régression quasi totale des symptômes précédents, rareté des poussées, peu d'enthousiasme de mon neuro à cette idée) a voulu que je n'en prenne aucun dans un premier temps. Quand, huit ans après le diagnostic (ça nous amène à 2003), la question est revenue sur le tapis, j'étais au meilleur de ma forme, je ne me sentais vraiment pas malade, et avec une dernière poussée qui remontait à près de trois ans. Les traitements "de fond" étaient lourds, pas exempts d'effets secondaires, et pour un gain très relatif : en gros une réduction statistique de 30% du nombre de poussées dans la phase "récurrente-rémittente" (RR, celle dans laquelle tu es, si tant est que ton diagnostic se confirme), mais également, tout donnait à penser que leur influence sur le pronostic à long terme (passage au stade "secondairement progressif", SP) était nulle. Bref, j'ai trouvé qu'entamer un traitement dans ces conditions n'était pas une bonne idée, et à ce jour je n'en ai donc encore jamais pris.
Comme je me détesterais de t'influencer négativement sur un sujet aussi sensible, je vais te donner l'autre son de cloche, qui n'avait pas cours il y a quinze ans mais qu'on commence à entendre de plus en plus fort : aujourd'hui, certains avancent que les toutes premières années dans la maladie sont déterminantes sur le pronostic à long terme. Ca, on le savait déjà en 1995. Ce qui est nouveau est l'hypothèse qu'en gros, si tu arrives par la médication à réduire le nombre de poussées dès les stades précoces de la maladie (et le plus tôt c'est le mieux, selon cette nouvelle doctrine), alors cela augurera d'un meilleur pronostic pour la suite et en particulier, pour le passage au stade SP. Pour moi c'était de toute façon trop tard, en 2003 j'avais largement dépassé la date de péremption des "stades précoces", cela faisait déjà dix ans et quelques poussées, depuis ma poussée inaugurale. Mais si cette théorie devait se confirmer, alors c'est sûr que tu devrais commencer un traitement dès maintenant. C'est d'ailleurs précisément du fait de cette théorie que les critères de McDonald sont en train de s'adapter et de passer de deux épisodes séparés dans le temps, à un seul, pour poser le diagnostic de sep (cf. tes neurologues, plus haut).
Toutes ces hypothèses se fondent sur pas mal de pifomètre et d'observations statistiques (et dans le cas d'une maladie comme la sep, tu connais la suite). En tout état de cause, on n'aura d'information quant à l'efficacité de cette nouvelle doctrine que lorsqu'on aura un effectif suffisant de patients qui auront débuté un traitement dès les stades précoces, et qui auront atteint l'ancienneté suffisante dans la maladie pour passer de RR à SP. Or cette ancienneté est d'une vingtaine d'années (médiane à 19 ans), et d'ici la ta sep ne sera plus dans les stades précoces.
Si, dans ton cas, tu penses que ton salut peut venir de la médication, alors je ne peux que te réitérer très lourdement le conseil de filer sans tarder te faire diagnostiquer de façon certaine en milieu hospitalier. Si le 92 derrière ton prénom est un indice quant au département où tu vis, les bons hôpitaux ne sont pas ce qui manquent dans la région. En ce qui me concerne je revois mon neuro "historique" de la Salpé fin juin, il est aujourd'hui chef de service à la Fondation Rothschild, 19e arrondissement, Dr. Olivier Goût, un gars à la fois très compétent et très ouvert. Il en serait
presque humain

, je suis sûr que tu l'aimerais. NB Il ne faut pas se laisser influencer par le nom de "Rothschild", qui peut laisser certains fantasmer que ça va leur coûter un bras : ils sont au contraire en secteur 1, sans dépassement d'honoraires et, si je devais parier, je dirais à vue de nez que la séance ne te coûtera pas plus cher chez eux, que chez les neuros que tu as déjà consultés. Il est tout de même possible qu'ils ne t'accepteront qu'avec une lettre d'introduction, genre de ton généraliste ou d'un de tes neuros. Je n'exclus pas qu'en leur communiquant ton dossier (IRM, prises de sang, PL et le reste) ils puissent te poser un diagnostic au bout d'une seule séance.
Les "lubies" dont je faisais part, comment dire... Pendant la phase dite "de dépression", je n'étais pas particulièrement déprimé, mais limite suicidaire, ce qui s'est traduit pendant +/- deux mois, par des prises de risques (en montagne ou en voiture, notamment) d'un niveau qui ne correspondait clairement pas à mes habitudes. Par la suite j'ai également décidé que je devais pour ainsi dire tout changer dans ma vie, que je faisais fausse route (je n'étais pas dans la modération...), au point que j'en suis même venu à parler de divorce à ma tendre. Je lui reprochais notamment sa façon de ne m'avoir été d'aucun support pendant ma phase de diagnostic, genre elle ne m'avait rendu visite qu'une seule fois sur mes quelques semaines d'hospitalisation (ah oui, quand même), alors que nous habitions dans le 14e arrondissement et que Boucicaut n'était jamais que dans le 15e. J'avais aussi décidé que la vie à Paris était toxique et qu'idéalement, ce qu'il me fallait était une île déserte. Sur ce point on est parti à Londres un an après, ça n'était pas franchement désert mais au moins c'était une île, donc on s'en accommoderait

. Enfin voilà quoi, tout ça concentré en quelques mois, avec un gamin qui allait sur ses un an (et trois / quatre mois dans la période du diagnostic), il a fallu qu'elle s'accroche et elle a tenu bon... Respect.
Barbara92 a écrit :Pour mes nuits très courtes, ce n'est pas tout le temps, mais depuis que j'ai arrêté le tramadol je ne dors pas plus de 2 ou 3h par nuit car jai beaucoup de mal à dormir en restant sur le dos. Non mais sérieux, qui peut dormir sur le dos ??
Mon épouse y arrive très bien, mais pas moi. Non seulement je dois me mettre en chien de fusil voire sur le ventre, mais en plus je dois compléter l'oreiller en dessous de ma tête, par un autre oreiller au dessus, genre hamburger...
A bientôt !
JP.