Le diagnostic de sep, depuis toujours, requiert la présence d'une double
dissémination (un synonyme de "sclérose en plaques" est "sclérose
disséminée") : dissémination
dans l'espace (DIS) et dissémination
dans le temps (DIT). DIS : au moins deux zones distinctes atteintes dans le système nerveux central (en fait c'est un poil plus compliqué, certaines zones du cerveau n'étant pas éligibles, mais tu as l'idée). DIT : au moins deux épisodes distincts. Si l'une des deux manque, ou a fortiori les deux, alors un diagnostic de sep n'est pas possible, peu importe le nombre et l'intensité des symptômes ressentis. Depuis que Charcot a décrit la sep, son diagnostic repose sur la démonstration de cette double dissémination.
Dans le cas de la DIS, si tu ne présentais de lésions, peu importe leur quantité, que sur une seule des zones "éligibles", par exemple uniquement des lésions en médullaire mais rien du tout en cérébral, on considèrerait que la DIS n'est pas atteinte => pas de diagnostic de sep possible. En général ce point est très vite vu à l'IRM, c'est soit oui soit non. En médullaire tu as ce qu'il faut, mais ta DIS n'est finalement atteinte que "grâce" à ton unique lésion cérébrale. En général c'est plus que ça.
Plus complexe est la DIT : dans ton cas, tu n'as a priori connu qu'un seul épisode neurologique qui s'accompagnait de signes cliniques (symptômes), tu ne présentes donc pas,
d'un strict point de vue clinique, de DIT : tu as en fait été victime de ce qu'on nomme un
syndrome cliniquement isolé (SCI).
Heureusement (hum), d'autres moyens existent pour "démontrer" une DIT, en particulier l'apparition d'une nouvelle lésion sur une IRM de suivi, ou la présence simultanée sur une seule IRM de lésions qui prennent le contraste (signe d'une activité inflammatoire en cours) et d'autres qui ne le prennent pas (signe d'une activité inflammatoire ancienne). Cependant, comme une lésion ne s'accompagne pas obligatoirement de symptômes (le cas est fréquent, pour ne pas dire que c'est le plus fréquent), à ce petit jeu tu peux très bien te faire diagnostiquer une sep alors que tu n'as connu qu'un seul épisode clinique (symptomatique), voire aucun : le cas se rencontre de plus en plus, typiquement à la suite d'une IRM cérébrale passée pour une raison qui n'a rien à voir avec d'éventuels symptômes de sep, ce que déjà certains neuros traditionalistes ressentent un peu de mal à avaler... Je précise que d'après ta description, il n'y a eu aucune évolution de ce genre entre tes IRM successives (absence totale de nouvelle activité inflammatoire : champagne) et que ce moyen ne peut donc pas s'appliquer à ton cas.
Il reste un dernier espoir (comprendre : pour le toubib qui veut absolument diagnostiquer une sep), élément intégré dans la révision 2017 des critères de McDonald : la présence de bandes oligoclonales (boc
IgG) dans le liquide cérébrospinal, telle que mise en évidence par la ponction lombaire. Entendons-nous bien : la PL est un outil diagnostique très ancien, plus ancien par exemple que l'IRM, mais qui manque à la fois de spécificité et de sensibilité. Cela signifie que tu peux avoir un résultat de PL ultrapositif et ne pas avoir la sep, tout comme tu peux avoir un résultat de PL plus vierge que l'agneau qui vient de naître et être malgré tout atteint d'une sep active. En clair :
il n'existe pas de marqueur biologique de la sep (ou s'il en existe un, personne ne l'a encore trouvé). Ce qu'indique la PL n'est donc en aucun cas gravé dans le marbre, on sait que "en général" PL positive et sep sont associées, en attendant, rien que sur ce forum, nous sommes déjà quelques-uns à avoir eu des PL négatives en dépit d'une sep cliniquement définie : même pas besoin de passer par l'IRM pour confirmer le diagnostic, l'examen clinique neurologique suffit. Quelques autres ont a contrario reçu leur diagnostic à la suite d'un SCI + PL positive, sans plus avoir jamais connu de poussée par la suite. La présence de boc
IgG va donc indiquer une
probabilité de futurs épisodes cliniques, autrement dit une probabilité de DIT, mais en aucun cas une certitude, et même raisonnement pour l'absence de ces boc.
En ce qui concerne ton diagnostic, la "démonstration" de la DIT s'est donc reposée sur la seule analyse du liquide cérébrospinal.
En deux décennies, on est en fait passé d'une situation où on ne posait un diagnostic de sep qu'une fois qu'il était certain (de nombreux sépiens erraient des années à la recherche d'un diagnostic que le protocole n'autorisait pas à leur donner : faux négatifs), à une situation où le protocole se satisfait d'une probabilité considérée comme acceptable (de nombreux patients se voient diagnostiquer une sep qu'ils n'ont pas : faux positifs).
Ton neurologue t'a clairement indiqué que tu entrais dans les clous des critères McDonald 2017. La précision du millésime est importante, car il n'aurait pu dire ça d'aucune des versions antérieures (2001, 2005, 2010) de ces mêmes critères, ce qui peut éventuellement expliquer "
a priori, c'est une forme rémittente peu puissante"

. Il reste pour toi l'emmerdement de l'épée de Damoclès, voire le soulagement éventuel que pourrait apporter une deuxième poussée clinique...