Hé salut mag, désolé d'avoir gardé ta réponse sous le coude aussi longtemps

Oui, je l'avais bien capté quand il était sorti, en fait le sujet de fond ici est celui de la plasticité cérébrale, chose à laquelle je crois profondément ; ici il s'agit tout de même d'un cas très particulier, où le cerveau s'est construit de façon plastique dès le départ.
Dans le système nerveux central, on a quoi

? Des neurones et des liaisons (connexions) entre ces neurones (cette liste est loin d'être exhaustive, n'oublions pas la glie).
La chose est très débattue, mais a priori les neurones se forment surtout chez le fœtus, puis de moins en moins jusque à se quasi-tarir autour de l'âge de quinze ans. Jusqu'à une date relativement récente, on pensait que le cerveau continuait à fabriquer de nouveaux neurones toute la vie durant, mais une étude est venue tout remettre en cause. Comme, parallèlement, des neurones meurent en permanence, il faut surtout s'intéresser au solde entre les neurones qui meurent et les nouveaux qui se créent : il semble que c'est chez le foetus de six mois (donc trois mois avant la naissance) que le nombre maximum de neurones est atteint chez l'être humain, et que par la suite les neurones disparaissent à un rythme de plus en plus accéléré, ceux qui disparaissent étant de moins en moins remplacés. Dit autrement, dès ta naissance, tu passes ta vie à perdre des neurones -- mais c'est très bien ainsi.
Car ce qui va faire la différence, et là on est beaucoup plus proche du consensus, c'est que de nouvelles connexions vont continuer à se construire pendant toute la vie, et à un rythme assez effréné à partir de la naissance (un peu plus calme par la suite, mais la chose est très sensible à un entraînement régulier). Ce ne sont donc en fait pas les neurones qui vont faire la "qualité" du système nerveux central (qualité qu'on pourra mesurer par le quotient intellectuel, ou par la mesure de telle ou telle capacité particulière -- l'aptitude à jongler avec trois balles ou à faire le funambule, par exemple), mais le nombre et la pertinence de connexions de plus en plus nombreuses, établies entre des neurones de moins en moins nombreux. Cette aptitude à créer de nouvelles connexions pertinentes est en gros ce que l'on nomme la plasticité cérébrale. L'IRM permet de réellement matérialiser cette plasticité, les exemples ne manquent pas ; ainsi il a été démontré chez les chauffeurs de taxis londoniens que la densité d'une partie du cerveau, appelée l'hippocampe, était significativement supérieure à ce qu'elle est chez le vulgum pecus (toi, moi), et qu'elle l'était de plus en plus en fonction de l'ancienneté dans la profession (
voir ici).
(En passant, la chose donne un éclairage intéressant sur le vieux débat entre l'acquis et l'inné de l'intelligence : l'inné, c'est les neurones, déjà présents avant la naissance ; l'acquis, ce sont les connexions, qui se forment essentiellement après la naissance. Et comme l'intelligence réside dans les connexions... bref).
Pour en revenir au cas que tu as posté, on va jouer à faire des suppositions : si on suppose que le cerveau se débarrasse en priorité des neurones dont il n'a pas l'usage, il ne semble pas aberrant d'imaginer que la perte de neurones aura été moins rapide dans ce cas que dans le cas général. De la même façon, si l'efficacité du SNC réside dans le nombre de connexions (nombre de connexions qu'on peut s'amuser à corréler avec la densité de la zone considérée, deux neurones non connectés présenteront une densité inférieure à deux neurones qui le sont), un nombre limité de neurones à la naissance nécessitera principalement un nombre supérieur de connexions pour compenser, ce dont on sait (exemple des taxis londoniens) que c'est parfaitement possible. La magie de la plasticité cérébrale.
Reste le cas qui nous intéresse, qui est celui d'une application de la plasticité au domaine de la sep, ou encore la plasticité comme parade aux zones de lésions. Cette plasticité, a priori, existe, on la constate notamment quand une victime d'AVC (qui présente donc au moins une zone lésée) est capable à force de temps et d'entrainement, de récupérer certaines capacités. J'ai tout de même tendance à ne pas y fonder non plus un espoir démesuré : dans certains cas, la plasticité sera manifestement limitée, comme par exemple le nerf optique (1,2 million d'axones par nerf, si la moitié sont abîmés par des lésions, je ne suis pas certain que la totalité du signal pourra être prise en charge par la moitié qui reste, je ne suis pas certain non plus qu'il reste de la place pour établir de nouvelles liaisons) ou les nerfs qui passent par le tronc
cérébral (même remarque : par où contourner ?).
Mais ce sujet est fort intéressant

.
Bizzz,
JP.