Coulinette,
Linette2021 a écrit :En gros Maglight - Ils ne peuvent affirmer qu'une sep est bénigne qu'après 15 ans d'évolution ... entre temps bien sur ils te disent qu'il faut traiter ... mais ensuite si elle s'avère bénigne ils vont te donner le choix entre continuer ou arrêter le traitement ... avec la précision que ton état risque de régresser en cas d'arrêt du traitement (si la stabilité de ton état est due au traitement et non à la bénignité de la sep). CQFD

Toujours se mettre à la place de l'autre, en l'occurrence du neurologue. Derrière leurs visages savants habitués à annoncer à leurs patients les pires nouvelles, de maladies en général incurables et de temps en temps fatales à plus ou moins brève échéance (Parkinson, SLA...), n'oublie jamais qu'ils restent des êtres humains comme toi et moi. Essaye juste de te mettre à leur place, un instant : "alors voilà, hum". (Un ange passe, on entend une mouche voler). "Vous allez mourir, et il n'y a rien qu'on puisse faire pour vous".
Pendant trèèèès longtemps, tout ce que les neuros avaient à disposition pour "traiter" la sep de leurs patients, c'était la cortisone et ses dérivés. Cortisone dont tout indique que la prendre ou pas n'a aucune influence sur ton évolution à long terme, i.e. ni sur les étapes successives de ce que tu vas devenir, ni sur les moments où ces étapes surviendront. Avoir fait quinze ans d'études pour dire à un patient sep, pathologie qui relève donc directement de ta spécialité et n'est pas particulièrement exotique (au contraire),
que tu ne peux rien faire pour lui, rappelle-toi que ce sont des êtres humains et tu n'auras aucun mal à imaginer la frustration qu'ils pouvaient en ressentir.
Cette frustration, ils la ressentent encore aujourd'hui, mais uniquement avec les formes progressives de sep. Sur les formes récurrentes-rémittentes en revanche, les neuros ont touché le jackpot avec une offre de traitements de fond de plus en plus abondante : enfin, on tenait des produits qui permettaient de réduire plus ou moins significativement la fréquence des poussées, voire même leur intensité pour certains, enfin, on tenait des produits qui permettaient d'améliorer (statistiquement) le pronostic à long terme des patients et, dans l'ensemble, de retarder les différentes étapes de l'évolution de la maladie : champagne ! Une offre de traitements de fond qui devient de plus en plus étoffée, c'est une bénédiction pour le neurologue, encore plus que pour le patient...
Maintenant que tu as bien cette image dans ta tête, imagine ta réaction de neurologue face à un tout jeune diagnostiqué qui te dirait que "heu non, finalement je n'ai pas envie de mettre le doigt là-dedans" : tu la sens venir, l'embrouille

?
Pour ce qui est du fond de la question, maintenant. Quand on m'a proposé pour la première fois de prendre un traitement de fond, c'était en 2003, j'en étais à dix ans (et quelques mois) depuis le déclenchement de ma sep et à l'époque, la prose fixait à dix ans avec un EDSS inférieur à 3.0 le seuil d'une sep bénigne (plus bas il était, mieux c'était, et je n'étais qu'à 1.5, puis à 1.0). D'autre part, j'en étais à trois ans (moins quelques semaines) depuis ma dernière poussée,
and counting, mais c'était déjà de loin mon record entre deux poussées (au pire, j'étais descendu à quatre mois). Tout ce que prétendaient alors offrir les traitements, était d'allonger le temps qui séparait deux poussées : dans mon cas, au bout de trois ans sans poussée (d'autant que mes deux dernières poussées, je ne les avais déjà pas traitées et j'en avais fort bien récupéré), ça ne me semblait pas représenter un bénéfice particulièrement considérable.
Je t'invite à te poser le même type de questions face au problème fort intéressant que tu soumets, que je copie-colle ci-dessous :
"
mais ensuite si elle s'avère bénigne ils vont te donner le choix entre continuer ou arrêter le traitement ... avec la précision que ton état risque de régresser en cas d'arrêt du traitement (si la stabilité de ton état est due au traitement et non à la bénignité de la sep"
Qu'appelle-t-on, au juste, la "stabilité de ton état" ?
Il y a un consensus de plus en plus général pour admettre que la SEP, c'est deux composantes distinctes : la composante inflammatoire (RAW, poussées suivies de rémissions plus ou moins partielles) et la composante neurodégénérative (PIRA, inflammation à bas bruit).
RAW s'exprime surtout dans les premières années de la maladie, de moins en moins souvent par la suite, jusqu'à plus du tout : de façon très générale, plus une sep commence à prendre de la bouteille, moins le patient connaît de poussées. C'est exclusivement contre RAW que les traitements de fond sont efficaces et c'est spécifiquement pour lutter le plus efficacement possible contre RAW qu'on recommande d'initier un traitement le plus tôt possible après le diagnostic (suivant le principe selon lequel plus tu sors vite l'extincteur pour lutter contre un incendie, meilleures seront tes chances de l'éteindre).
PIRA est présent sur l'ensemble du cours de la maladie, a priori avec la même intensité tout du long. Du fait de la plasticité cérébrale qui, en particulier au début, est capable de trouver plein d'échappatoires, cela prend plusieurs années avant que le patient ne commence à sentir que quelque chose ne va pas, mais PIRA commence néanmoins son travail de sape dès les premiers stades de la maladie.
Contre PIRA, les traitements de fond actuels n'ont aucune efficacité démontrée.
Au bout de quinze ans d'évolution récurrente-rémittente, les dents de RAW se seront considérablement émoussées, ce n'est plus les épisodes inflammatoires qui vont t'enquiquiner le plus : plus une sep prend de la bouteille, moins on fait de poussées, rappel. Si, à ce stade, tu arrêtes un traitement de fond, tu cours le risque de connaître... des poussées
un peu plus fréquentes que presque plus, voire plus du tout depuis quelques années. A toi de voir

. Vis à vis de PIRA, tu ne cours aucun risque à arrêter un traitement, puisque les traitements n'ont pas d'effet sur PIRA (quand on te dit que c'est le plus tôt possible qu'il faut traiter, rien ne t'interdit d'en déduire le corollaire immédiat : plus tu attends, moins les traitements servent à quoi que ce soit...).
Si ton état se met à régresser de façon sensible après quinze ans d'évolution récurrente-rémittente, soit c'est parce que tu es passée en secondaire progressive (forme qui est essentiellement, voire le plus souvent entièrement soumise au diktat de PIRA) et dans ce cas, que tu aies arrêté ou pas le traitement n'a aucune espèce d'influence, puisque aucun traitement de fond n'est efficace contre les formes progressives ; soit c'est parce que tu es toujours en récurrente-rémittente et qu'au moment où tu as arrêté le traitement, paf, d'un coup la fréquence de tes poussées, qui était toute douce jusque là, se met à flamber. Cette deuxième possibilité me semble extrêmement peu vraisemblable, mais là encore, c'est à toi de voir...
A bientôt,
JP.