Salut Nadia,
J'ai mon iPad qui est tombé en rade de batterie alors que j'étais en train de taper mon message
On y retourne, donc
miss_nadou21 a écrit :J'ai l'impression d'avoir accepté mon diagnostic rapidement et plus je vous lis, plus je me demande si c'est réellement le cas, est-ce que je l'ai vraiment accepté ?
Le processus d'acceptation, ou le processus de deuil, n'est pas une lettre qu'on met à la poste, ça prend du temps, enfin il me semble. Comment peux-tu d'ailleurs accepter un diagnostic que tu ne
comprends pas ? Je m'explique : quand on dit "sclérose en plaques" à la personne qu'on diagnostique, la règle c'est que cette personne aura de la sclérose en plaques, à cet instant précis, une collection d'images d’Épinal le plus souvent très éloignée de ce que sera sa propre sep, elle n'aura juste pas idée de ce qui l'attend. Il est également possible que dans ton cas particulier, tes études ne t'auront pas forcément aidée : si tu as eu l'occasion de faire des périodes en milieu hospitalier, tu auras éventuellement eu l'occasion d'y rencontrer des patients sep. Or, en milieu hospitalier, les cas que tu vas rencontrer ne seront clairement pas en bonne santé, soit qu'ils seront en pleine poussée invalidante, soit parce qu'ils souffriront de telle ou telle complication liée à la maladie. Non seulement ce sont ceux-ci que tu retiendras, mais en plus, que vaut une tentative d'identification, face à une maladie aux mille visages ?
La sep, très généralement, pour quelqu'un de ton âge qui vient d'être diagnostiqué, c'est donc avant tout un énorme point d'interrogation, une épée de Damoclès redoutable. Ce n'est pas un quelconque handicap, d'ailleurs tu ne souffres aujourd'hui d'aucun handicap : celui-ci pourra venir, dans deux ans, ou dans cinq ans, ou dans dix ans, ou dans vingt ans, comme il pourra aussi ne jamais venir. Ajoute à ça que par dessus le marché, aucun neurologue n'est capable de te donner un pronostic ne serait-ce que vaguement fiable sur la façon dont tu vas évoluer dans le temps, bah voilà, pour le moment c'est ce gros point d'interrogation qu'il est question d'accepter, rien d'autre.
Les différentes phases du processus d'acceptation sont quelque peu variables selon les sources, mais elles suivent toutes un "fil rouge" assez constant. Je te mets ce lien, qui me semble particulièrement adapté à la sclérose en plaques :
https://www.handipacte-mde.fr/fiche-pro ... -deuil.php. Sinon, ce que dit Wikipedia est pas mal aussi, mais un peu plus foutoir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Travail_de_deuil. Tu noteras dès le début l'encadré sur l'article de Wikipedia : "Cet article est une ébauche concernant les soins infirmiers et la profession infirmière". C'est de la culture générale essentielle à ton futur métier
.
Dans mon cas, j'ai effectivement connu les différents stades ci-dessus, pas rigoureusement dans cet ordre, mais cela correspond pas trop mal. Et ça m'a pris pas loin de deux ans, donc. A vrai dire, ce qui a marqué le dernier jour de cette phase d'acceptation, a été la poussée qui a suivi celle du diagnostic.
Accepter la maladie, c'est donc, en particulier à ton âge et avec ton ancienneté dans la maladie, accepter de vivre dans une incertitude permanente, tour à tour menaçante ou rassurante. Cela ne doit évidemment pas te dissuader de te lancer dans tel ou tel projet. D'ailleurs, j'ai lu tes craintes pour ton futur travail, dont je suppose qu'il relève de la vocation et que l'atteindre sera une jolie réussite pour toi. Et pourtant tu hésites, du fait d'une maladie qui pourtant, pour l'instant, ne t'empêche
en rien d'exercer ce métier. Pour l'instant elle ne te l'empêche pas, et si ça se trouve (personne ne peut le dire), dans dix, vingt, trente ans, ou jusqu'à ta retraite, elle ne te l'empêchera toujours pas. Ce serait une ironie tragique, si ce n'est pas la maladie qui t'empêche de t'accomplir, mais toi-même. Donc : fonce
, un projet est adapté si, au moment où tu songes à l'entreprendre, tu as la capacité de t'y lancer -- et demain est un autre jour.
La crainte de ton conjoint, je dirais qu'elle est normale et naturelle. Lorsque j'ai été diagnostiqué j'ai été très égoïste : je n'ai pensé qu'à moi (faut dire que j'en chiais vraiment...). Pas un instant je n'ai pensé à ce que pouvaient ressentir mon épouse ou mes parents, par exemple, ce n'est que plus tard, une fois que tout à commencé à se décanter un peu, que l'idée m'est venue. Ton conjoint doit donc lui aussi passer par sa propre acceptation, pas la même que toi, mais il y a eu un changement brutal du contexte de ton couple auquel, d'après ta description, il s'efforce de s'adapter. Il faut laisser le temps au temps, ne rien brusquer...
A bientôt,
Jean-Philippe.