Salut voisine de Futuna
wallis a écrit :parler de drogue et de poison pour qualifier les médicaments que nous sommes nombreux à prendre ici, cela ne me semble pas bien sérieux, ni très empathique. Le choix revient à chacun de se soigner comme il l’entend.
Je me sens à peu près à l'aise là dessus, n'ayant employé ni l'un, ni l'autre de ces termes
. L'opinion que j'ai sur les traitements de fond de la sclérose en plaques s'est toujours voulue rigoureusement fidèle à ce qui est écrit sur leur notice, ainsi qu'à ce qui est raconté dans les études qui ont été menées à leur sujet. Pas moins, mais pas plus non plus : je reconnais sans difficulté qu'ils réduisent la fréquence des poussées, que rien que ça était suffisant pour, selon les cas, apporter une amélioration de la vie quotidienne bienvenue dans le cas de la sep, et que rien que pour cette raison, cela donnait à un patient, jugeant de son cas, une justification amplement suffisante pour en prendre ; de mon côté la fréquence des poussées me laissait plutôt tranquille, je n'éprouvais donc pas ce besoin, mais je ne cherche surtout pas à faire de mon cas une généralité.
Réduire la fréquence des poussées est le principal effet notable que revendiquent ces traitements, le seul à réellement intéresser le patient. L'autre grand effet notable consiste à réduire, parfois de façon impressionnante, les lésions visibles à l'IRM, mais ceci pourrait être simplement vu comme consistant à casser le thermomètre pour masquer la fièvre... On parle également dans certains cas d'un edss plus favorable à la fin de l'étude dans le groupe "traitement" que dans le groupe "placebo", mais la différence se joue à un cheveu et, étant donné la durée trop courte de ces études pour en juger (en général c'est 24 mois, exceptionnellement ça peut monter à 36...), elle s'explique principalement parce qu'on aura grâce au traitement réussi à repousser la poussée suivante au delà de la fin de l'étude. Les études évitent en général de préciser quels auront été les effets de cette fameuse poussée suivante...
Je n'éprouve donc quant à moi aucun scepticisme quant à ces traitements, je tiens pour vraies et démontrées toutes les propriétés qu'ils revendiquent, qu'il s'agisse des effets positifs, comme des effets indésirables. Pour cette même raison, je ne leur attribue pas des propriétés qu'ils ne revendiquent pas : aucun traitement ne prétend retarder la date du passage en secondairement progressif ni réduire la probabilité que ce passage survienne (passer en secondairement progressif n'est pas une fatalité dans la sep) et, sauf dans un cas particulier, aucun traitement ne prétend avoir un effet à long terme sur la maladie, ni un impact positif sur l'EDSS autrement qu'à court terme. Le cas particulier dont je parle un peu plus haut, qui a démontré une efficacité à plus ou moins long terme (15 ans, ce que je trouve déjà très appréciable) est celui où les traitements sont pris dès la première poussée (syndrome cliniquement isolé) ; je tiens par conséquent cette information pour vraie également et je la rappelle à chaque fois que cela me semble pertinent.
Ce n'est pas faire preuve de scepticisme que refuser d'attribuer aux traitements des propriétés qu'ils ne revendiquent pas eux-mêmes.
Sur certaines personnes, ils ne fonctionnent pas, pour d’autres, ils agissent. Ce n’est finalement ni plus ni moins qu’un coup de poker. On a fait mieux en termes d’efficacité, là je vous l’accorde
Je n'irais même pas jusqu'à dire ça. C'est un grand problème avec la prise de traitement : comment déterminer si le traitement fonctionne, face à une maladie aussi capricieuse que la sep ?
Je vais prendre mon cas particulier. Sans aucun traitement, il ne s'est écoulé que quatre mois entre ma deuxième poussée, et la troisième ; mais comme il s'est écoulé bientôt vingt ans depuis la dernière poussée. Si j'avais pris un traitement après ma deuxième poussée et que la troisième était survenue au bout de six mois au lieu de quatre, avec le recul je peux dire que le traitement aurait alors largement rempli sa fonction revendiquée d'espacer les poussées, il aurait objectivement apporté la preuve de son efficacité. Mais sans le recul, aurait-il été reconnu comme tel ? Je me permets d'en douter, 6 mois dans l'absolu ça ne fait pas lourd, d'autant plus qu'il s'était passé plus de deux ans entre les deux poussées précédentes. Après, ça dépend de l'humeur du neurologue qui va en juger...
A l'inverse, si j'avais initié un traitement à l'issue de ma dernière poussée, ce que voulait d'ailleurs faire ma neurologue à Genève, en supposant qu'avec traitement je n'aurais pas fait de poussée non plus -- ce qui n'a rien d'une certitude, mais supposons néanmoins --, ce traitement aurait alors montré une efficacité remarquable, époustouflante. Alors qu'il n'aurait de fait pas été plus efficace que l'absence de traitement.
Il faut donc
vraiment se méfier de ce que j'appelle les "causalités fantasmées", et ce qui est déjà vrai en règle générale l'est encore plus dans le cas de la sep. On sait très peu de choses sur la sep, mais parmi ce peu de choses, il y en a une qui se pose là : la sep est une maladie qui, de toute façon, n'en fait qu'à sa tête, et qu'on ne sait pas expliquer. Ces "causalités fantasmées" sont par ailleurs entretenues par la forme la plus fréquente dont se manifeste la maladie : des poussées parfois très invalidantes seront suivies de rémissions souvent complètes. Si tu as entrepris quoi que ce soit à l'issue d'une poussée, tu seras tentée -- c'est naturel -- de voir un lien de cause à effet entre l'action entreprise, et la rémission. Sauf qu'il en faudrait évidemment bien plus que ça pour démontrer un tel lien...
On retrouvera volontiers ces "causalités fantasmées" dans les différentes méthodes dites "alternatives", c'est par exemple ce que j'essaye de faire comprendre à Maglight, sans grand succès jusqu'ici mais je ne désespère pas
, mais on les retrouvera de la même façon dans la médecine "traditionnelle". Sincèrement, si j'avais débuté un traitement à l'issue de ma dernière poussée, et même en étant conscient de tout ce que je viens de dire, j'aurais beaucoup de mal à ne pas croire moi-même, et dur comme fer, en son efficacité...
C'est pour cela que je crois qu'il faut s'efforcer de rester aussi proche que possible de la réalité, aussi déplaisante ou incertaine puisse-t-elle se montrer.
Rappelons-nous que si nous ne sommes que quelques-uns à échanger ici, des milliers de personnes viennent nous lire et la diabolisation systématique du monde médical et des traitements peut être risquée : tous nos lecteurs potentiels n’ont pas forcément l’esprit critique et le recul nécessaires pour pondérer les choses.
Je doute que ce forum soit leur seule source d'information. Les liens associatifs leur envoient un son de cloche très différent : ça rééquilibre
.
A bientôt,
Jean-Philippe.